Quand est prévue la « fin du charbon » en France ?

Vue aérienne de la centrale à charbon du Havre arrêtée en 2021

Vue aérienne du port et de la centrale au charbon du Havre qui a fermé en 2021. (©EDF-Didier Marc) 

Seules deux centrales à charbon continuent à être exploitées en France métropolitaine à l'heure actuelle : à Saint-Avold (Moselle) et à Cordemais (Loire-Atlantique). En 2024, le charbon n'a compté que pour 0,13% de la production d'électricité dans l'hexagone.

Précisons que la « fin du charbon » mentionnée ici concerne uniquement la production électrique et non son utilisation à des fins non énergétiques dans l'industrie.

La fin annoncée des centrales à charbon en France

La France disposait encore en 2020 de 4 centrales à charbon en service : Cordemais (Loire-Atlantique), Gardanne (Bouches-du-Rhône), Le Havre (Seine-Maritime) et Saint-Avold (Moselle). En 2019, elles ne comptaient déjà plus que pour 0,2% de la production électrique en France métropolitaine, contre 1,1% en 2018 et 1,8% en 2017.

Une première échéance fixée à l'horizon 2022

Promesse de campagne du candidat Macron, le gouvernement s'était engagé à fermer les dernières centrales à charbon françaises d’ici à 2022. 

La loi énergie-climat adoptée en novembre 2019 a acté indirectement la fermeture des dernières centrales à charbon à cette échéance, en prévoyant « un plafond d’émissions applicable, à compter du 1er janvier 2022(2), aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles situées sur le territoire métropolitain continental et émettant plus de 0,55 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure » (les centrales à charbon émettent environ le double de ce niveau).

En plafonnant le niveau d'émissions, et donc la durée de fonctionnement de ces installations, la chute de rentabilité des centrales à charbon doit ainsi conduire à leur fermeture par les exploitants… tout en conservant la possibilité d’y avoir recours ponctuellement lors de pointes de consommation ou des baisses de production du parc nucléaire et des énergies renouvelables. 

Le décret fixant ce plafond d’émissions(1) a été publié au Journal officiel fin 2019 et est entré en vigueur début 2022. Il y est précisé : « Pour les installations situées en métropole continentale, produisant de l'électricité à partir de combustibles fossiles et émettant plus de 0,55 tonne d'équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure d'électricité produite, le plafond annuel d'émissions de gaz à effet de serre est fixé à 0,7 kilotonne d'équivalents dioxyde de carbone par mégawatt de puissance électrique installée ».

Cette baisse forcée du facteur de charge est partiellement compensée par le fait que la centrale est largement amortie (coûts de fonctionnement et de combustible pour l'essentiel) et grâce au mécanisme de capacité.

Une fermeture repoussée à 2027 pour les dernières centrales à charbon

La centrale EDF du Havre a fermé ses portes le 1er avril 2021 et celle de Gardanne de GazelEnergie au cours de l'été 2021.

Dans le contexte de la crise de production d'électricité en France en 2022, les fermetures des centrales de Cordemais et de Saint-Avold ont été repoussées à 2027 au nom de la sécurité énergétique.

La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a ainsi autorisé le fonctionnement des centrales de Cordemais et de Saint-Avold dans un cadre dérogatoire de la loi énergie-climat de 2019, avec une obligation de compensation intégrale des émissions carbone liées à ces activités.

Les fermetures des centrales à charbon présentent des difficultés sociales, intervenant dans des régions qui, pour certaines, sont déjà fragilisées(2). D'où l'importance des projets de reconversion.

Situation des 2 dernières centrales à charbon en France métropolitaine

Cordemais en Loire-Atlantique (2 tranches de 600 MW chacune)

La centrale EDF de Cordemais, près de Nantes, pourra continuer à fonctionner au charbon jusqu'en 2027, mais « à la marge », assurent les pouvoirs publics, pour soutenir une zone en tension d'approvisionnement. Pour rappel, aucune centrale nucléaire n'est en service en Bretagne.

Un premier projet de conversion à la biomasse (pellets de déchets de bois) de la centrale, en partenariat avec Suez, a été abandonné, notamment pour des raisons de rentabilité économique.

Il a par la suite été relancé en 2023 et remporté par EDF et Paprec, avant qu'EDF n'annonce une fermeture sèche en septembre 2024 (avec un site de production de tuyauteries pour ses nouveaux réacteurs EPR2 comme projet alternatif).

Nouveau rebondissement en 2025 : l’Assemblée nationale a adopté ce lundi 7 avril une proposition de loi sur la conversion des centrales au charbon vers des combustibles moins polluants. Si ce texte concernait initialement la centrale de Saint-Avold, des parlementaires de gauche y ont introduit un amendement contraignant EDF à proposer un nouveau plan de production d'électricité pour la centrale de Cordemais.

Saint-Avold en Moselle (centrale Émile Huchet, 618 MW)

Le site de Saint-Avold (Moselle), propriété de GazelEnergie, filiale du groupe EPH du Tchèque Daniel Kretinsky, devait initialement cesser son activité en mars 2022. L'activité de la centrale a finalement elle aussi repris, dans le contexte de la crise énergétique durant l'hiver 2022/2023.

GazelEnergie annonce dans un premier temps vouloir y développer, avec le soutien des pouvoirs publics, un projet de production de chaleur renouvelable à partir de biomasse et un autre de production d'hydrogène vert en partenariat avec Storengy (filiale d'Engie), soit 80 emplois visés au total.

C'est finalement une conversion du site au gaz qui a été portée par GazelEnergie, autorisée par le Parlement en avril 2025.

Et en outre-mer

Notons que des centrales électriques au charbon sont également en service en outre-mer, comme du Moule en Guadeloupe. Celles-ci utilisent parfois la bagasse (issu de la canne à sucre) comme combustible durant la campagne sucrière. C'était notamment le cas de la centrale de Bois-Rouge et du Gol à La Réunion (qui n'utilisent aujourd'hui plus de charbon).

Combien produit-on encore d'électricité à partir du charbon en France ?

En 2024, les deux dernières centrales à charbon en France ont produit près de 725 GWh, soit près de 0,13% de la production d'électricité dans l'hexagone selon le dernier Bilan électrique de RTE.

Production d'électricité à base de charbon en France (en GWh) - source RTE

Histoire du charbon en France

Des mines jusqu'au début du XXIe siècle

Les mines et les centrales à charbon ont joué un rôle fondamental dans le développement industriel de la France, particulièrement à partir du XIXe siècle. Le charbon, extrait principalement des bassins miniers du Nord-Pas-de-Calais, de la Lorraine et de la Loire, était la principale source d'énergie pour alimenter les premières usines, les transports ferroviaires et les centrales thermiques. Ces infrastructures énergétiques ont été les moteurs de la révolution industrielle, soutenant l'essor économique du pays en fournissant une énergie bon marché et abondante, indispensable pour l'industrie et le développement urbain.

Après la Seconde Guerre mondiale, quelque 300 000 personnes travaillaient encore dans les mines de charbon en France. Au XXe siècle, l'importance des mines et des centrales à charbon a progressivement diminué en France, en raison de l'épuisement des gisements, puis de la montée des préoccupations environnementales. Le pays a cherché à diversifier ses sources d'énergie, favorisant l'essor de l'énergie nucléaire tout en réduisant sa dépendance au charbon.

Un « Pacte charbonnier » a été signé en 1994, permettant entre autres à la majorité des mineurs de partir à la retraite dès 45 ans (avec 25 ans d’ancienneté, en percevant 80% de leur salaire). Ce pacte permettait à l'État d'exprimer la « reconnaissance de la Nation pour une profession qui a contribué au redressement économique de la France », selon le site internet des Charbonnages de France, et définissait les conditions d'arrêt de l'exploitation en 2005, une échéance ensuite ramenée à 2004. La dernière mine de charbon en France a été fermée en avril 2004 à Creutzwald en Moselle. 

23 avril 2004 : Fermeture de la dernière mine de charbon en France

La dernière mine de charbon en France a été fermée en avril 2004 à Creutzwald, après trois siècles d'exploitation dans le pays. Le gisement de la Houve était « très éloigné du puits. Tous les jours, on avait une bonne heure de transport pour aller au chantier », se souvient un employé : « C'était une ville souterraine, on se croyait dans le métro ». À Creutzwald, 20 ans après, une exposition et des animations ont permis aux habitants, qui ont « tous un père, un grand-père, un oncle qui a travaillé à la mine », de se replonger dans l'épopée du charbon, explique le maire de la commune, Jean-Luc Wozniak.

L'une des précédentes mines à fermer était située à Freyming-Merlebach, à quelques kilomètres de là. C'est cette dernière qui aurait dû sceller trois siècles d'histoire charbonnière française, mais elle a fermé plus tôt à la suite d'un coup de terrain.

Il y a eu un enjeu à l'échelle du territoire d'anticiper la fermeture et de développer d'autres industries. « On a réussi à avoir quasiment sur toute la période un maintien de l'emploi », souligne Isabelle Prianon, directrice générale des services à la communauté de communes de Warndt. De nouvelles zones d'activités ont vu le jour et l'industrie s'y est développée.

Pour les mineurs de Creutzwald, une déception demeure toutefois : du puits, tout a été rasé. Pas un chevalement ne subsiste. Comme partout dans le monde, les anciens mineurs du puits de la Houve salut un « univers à part », « hostile », mais marqué par des travailleurs « très solidaires, unis ».

Et si, avec cet attachement, la mine est « dans le cœur » de certains, elle est aussi dans les voies respiratoires d'autres ouvriers, souffrant de silicose ou de cancers. Tous n'ont pas été reconnus comme atteints de cette maladie et des actions en justice sont en cours dans certaines régions de France pour faire reconnaître la part de responsabilité de leur ancien employeur - l'État - dans ces maladies.

Se passer totalement du charbon en France ?

La disponibilité des centrales à charbon a longtemps été présentée comme un outil pour maintenir la sécurité d’approvisionnement en France lors des pics de consommation, notamment lors des périodes de grand froid (la consommation électrique française - stimulée par les nombreux chauffages électriques - est très « thermosensible » : au niveau national, chaque degré de température en moins au cœur de l’hiver entraîne un appel de puissance supplémentaire de 2 400 MW sur le réseau selon RTE).

« Quand il fait très froid, que faire s'il n'est plus possible d'utiliser les centrales à charbon - en particulier en Bretagne, le site de Cordemais étant le principal site d'alimentation en électricité de cette région ? », s'interrogeait en 2018 le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy, devant des parlementaires.

Lorsque la fermeture du parc de centrales à charbon français était encore enviagée en 2022, RTE, qui gère le réseau de transport d'électricité, jugeait que la France disposait de suffisamment de marges de manœuvre à cette échéance, sauf dans les scénarios « les plus défavorables », dans un document publié en avril 2019(3).

En 2022, les problèmes de corrosion sous contrainte des réacteurs nucléaires français et la crise énergétique ont ébranlé la confiance dans un réseau capable de soutenir efficacement la demande, même en hiver. Tous les consommateurs, particuliers comme industriels, ont dû participer à l'effort de maîtrise de la consommation. Et la fermeture des dernières centrales à charbon de France avait été repoussée.

Toutefois, la part du charbon dans le mix électrique français est restée extrêmement basse, contrairement au rôle prédominant joué par ce combustible dans la production mondiale d'électricité (35,4% du mix en 2024).

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