Stratégie hydrogène : quels objectifs révisés pour la France ?

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Hydrogène bas carbone Lhyfe Occitanie

Site de production d'hydrogène vert de Lhyfe à Bessières en Occitanie. (©Lhyfe)

Le gouvernement a publié ce 16 avril la révision de la stratégie nationale de l'hydrogène décarboné. Partant d'un constat : le déploiement du marché depuis la première stratégie de 2020 a été « moins rapide qu’attendu, en France comme dans les autres pays du monde ».

Consulter la Stratégie nationale de l'hydrogène décarboné 2025 (Gouvernement, avril 2025)

Les raisons de la « mise à jour » de la stratégie

Pour rappel, la première stratégie française pour l'hydrogène a été publiée en septembre 2020(1) (avec un budget dédié de 9 milliards d'euros d'ici à 2030), afin de planifier la montée en puissance de ce vecteur. Des « soutiens massifs ont depuis été développées en France et au niveau de l'UE, avec plus de 150 projets soutenus en France, notamment grâce au programme France 2030 », selon les services ministériels.

Au début de sa nouvelle feuille de route de 2025, le gouvernement rappelle les « évolutions » ayant conduit à un révision de la stratégie hydrogène française :

  • une maturation technico-économique « commune à toute nouvelle technologie, mais plus longue qu’initialement espérée par l’écosystème ». Il est ainsi jugé « nécessaire d’accorder encore du temps à la filière pour mettre sur le marché des électrolyseurs fiabilisés avec des rendements performants et des coûts mieux maitrisés » ;
  • la mise en œuvre de « plans conséquents » en faveur de l'hydrogène dans le reste du monde (notamment aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Corée avec des ambitions d'export d'équipements ;
  • la fixation de nouveaux objectifs structurants par le paquet européen climat « Fit For 55 ».

Dans ce contexte, le gouvernement souhaite « un lisage sur le temps de la consommation d’hydrogène et, partant, une rationalisation des objectifs atteignables en termes de déploiement de cette technologie à différents horizons temporels ».

Pour rappel, les principaux usages identifiés pour le vecteur hydrogène sont la décarbonation de l'industrie (raffinage, chimie, production d'ammoniac pour les engrais, sidérurgie) et les « mobilités lourdes et intensives » (transport aérien et maritime, mais aussi engins de chantier, engins agricoles, etc.).

Quels nouveaux objectifs ?

L'industrie française consomme à l'heure actuelle de l'ordre de 400 000 tonnes par an d’hydrogène, qui dépend d'une production fortement émettrice de CO2 (vaporeformage du méthane, l'hydrogène est dit « gris »). À l'horizon 2030, le besoin en hydrogène bas carbone(2) « pourrait s’élever à 520 000 tonnes par an », selon la nouvelle stratégie.

Compte tenu de l'importance des énergies fossiles dans la production d'hydrogène, l’État français « soutient le développement de la capture du CO2 pour décarboner l’hydrogène existant dans les grandes zones industrielles, conformément aux orientations présentées dans le document « État des lieux et perspectives de déploiement du CCUS en France » publié en juillet 2024 » (l'hydrogène est alors parfois qualifié de « bleu », un abus de langage selon la stratégie révisée).

Mais c'est la production d'hydrogène bas carbone par électrolyse (en utilisant de l'électricité d'origine renouvelable ou nucléaire selon la vision française) qui constitue le cœur de la stratégie hydrogène nationale. Les besoins en électricité correspondant aux quantités d’hydrogène identifiées en France à l’horizon 2030 et produites par électrolyse de l’eau seront « de l’ordre de 20 à 30 TWh » par an, selon le gouvernement(3)

Les objectifs révisés de développement de l'électrolyse sont les suivants :

  • à l'horizon 2030, « jusqu’à 4,5 GW d’électrolyse pourraient être en fonctionnement en France » (l'objectif en 2030 était de 6,5 GW installés dans la stratégie nationale de 2020) ;
     
  • à l'horizon 2035, une cible de 8 GW de capacité d'électrolyse installée est fixée (« cette cible intègre un fonctionnement plus flexible des capacités additionnelles installées, dans un contexte où le stockage d'hydrogène pourrait se développer »)

Notons par ailleurs qu'un paragraphe de la nouvelle feuille de route est également consacré à l'hydrogène « naturel » ou « natif » (qui doit faire l'objet d'une communication spécifique du gouvernement dans le futur). La stratégie rappelle que « le gouvernement a lancé une étude exploratoire sur l’hydrogène natif concernant les ressources ainsi que l’exploitabilité en France, son intérêt économique et ses impacts environnementaux » et qu'un premier permis de recherche a été octroyé dans les Pyrénées-Atlantiques (d’autres sont en cours d’instruction). La France « souhaite se donner les moyens de devenir un pays pionnier dans cette énergie du futur qui pourrait également être disponible sur le territoire », promet le document.

Quel soutien à l'électrolyse ?

Le prix de l’électricité est le principal facteur de coût de la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, rappelle la stratégie nationale : « la maîtrise du prix de l’électricité approvisionnant les électrolyseurs est ainsi clé pour leur compétitivité et dépend des modalités contractuelles d’approvisionnement en électricité et de l’existence de dispositif de soutien public réduisant ce coût d’approvisionnement ».

Pour assurer la compétitivité de l'électrolyse, différents dispositifs de soutien sont ainsi prévus : 

  • une exemption d’accise sur l’électricité et, « compte tenu des caractéristiques de la consommation d’électricité des électrolyseurs, un abattement du TURPE (tarif des réseaux électriques) dès l’atteinte d’un seuil de puissance d’environ 2 MW (jusqu’à 81 % des coûts du réseau) » ;
     
  • une compensation « des coûts indirects des coûts du carbone », pour les industriels exposés au risque de fuite de carbone (du fait de leur exposition à la concurrence internationale et de leur électro-intensivité), les effets du prix des quotas de CO2 sur les prix de l’électricité sont censés être en partie compensés, « ce qui permet de réduire significativement le coût d’approvisionnement en électricité : pour un prix du quota de 100 €/tCO2eq, de l’ordre 30 €/MWh (soit 1,5 €/kgH2) » ;
     
  • les électrolyseurs peuvent également, s'ils sont « en mesure de s’arrêter sur demande et dans le respect du cahier des charges établi par RTE, participer au dispositif « interruptibilité » pour une réduction du coût d’approvisionnement de l’ordre de 4 à 8 €/MWh ».

Outre le soutien à la production d'hydrogène via un appel à projets « écosystèmes territoriaux » et un volet hydrogène dans le programme « projets importants d’intérêt européen commun » (PIIEC), le gouvernement a également lancé « un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène destiné à l’industrie ». 

Ce mécanisme (hors secteur du raffinage, pour une durée maximale de 15 ans) vise à renforcer la compétitivité de l’hydrogène électrolytique par rapport à l’hydrogène produit à partir de gaz fossile, en finançant le différentiel de prix entre ces modes de production avec une enveloppe d'environ 4 milliards d'euros pour 1 GW de capacité cumulée(4) (cette somme fait partie de l'enveloppe globale de 9 milliards d'euros).

La filière salue globalement un « signal positif » avec la publication de cette stratégie révisée : « en se fixant un objectif de production réaliste de 4,5 GW d'ici 2030, et en adossant à cet objectif des subventions et un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène bas carbone et renouvelable, l'État se dote des outils à la hauteur de ses ambitions », juge notamment Matthieu Guesné, PDG de Lhyfe, un des acteurs majeurs de la production d'hydrogène vert.

Voir le discours  du 17 avril 2025 de Marc Ferracci sur la stratégie nationale hydrogène révisée.

Sources / Notes

  1. Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France, septembre 2020.
  2. « L’hydrogène décarboné, qui désigne l’hydrogène bas-carbone et l’hydrogène renouvelable, ne doit pas émettre plus de 3,38 kgCO2éq/kgH2 (de sa production à son utilisation) ainsi que précisé par la directive énergie renouvelable (RED) et par la directive gaz ».
  3. « Les soutiens publics de la stratégie nationale hydrogène seront donc réservés à la production d’hydrogène décarboné par électrolyse », souligne ainsi le document.
  4. Une première tranche portant sur 200 MW a été lancée en décembre 2024, avec une phase de concertation des acteurs intéressés.

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