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Emmanuel Macron l'a promis : toutes les centrales à charbon doivent fermer d'ici à 2022. Mais celle de Cordemais (Loire-Atlantique) pourrait jouer les prolongations, afin d'assurer l'alimentation électrique de la Bretagne et grâce à un projet de reconversion (partielle) à la biomasse. "D'ici à la fin du quinquennat, j'aurai fermé toutes les centrales à charbon", a promis le président en décembre 2017.
Pourtant, celle de Cordemais, inaugurée en bord de Loire en 1970, fait de la résistance. Un projet de reconversion à la biomasse, baptisé Ecocombust, initialement porté par les salariés, CGT en tête, a reçu l'avis favorable d'une commission d'enquête publique au début du mois de mars. "On est à un moment clé. On n'attend plus que le tampon final du ministère", souligne Gwénaël Plagne, délégué syndical CGT d'EDF. "L'affaire n'est pas encore gagnée", prévient-il toutefois, craignant que le "verrou de Macron" ne soit pas levé.
Au ministère de la Transition écologique, on affirme au contraire "regarder les choses favorablement", sans donner de calendrier quant à la délivrance de l'autorisation environnementale, nécessaire à la reconversion. "Évidemment, le ministère est favorable à ce projet si Cordemais doit continuer à fonctionner de manière très marginale pour assurer la sécurité d'approvisionnement de la Bretagne", dit-on dans l'entourage de la ministre Barbara Pompili.
Car c'est là que le bât blesse : une alimentation électrique tendue pour les hivers à venir en France et dans le Grand Ouest en particulier, du fait des travaux prévus sur le parc nucléaire, des retards du chantier de l'EPR de Flamanville (Manche) - qui ne démarrera pas avant la fin 2022 au mieux - mais aussi dans le développement des énergies renouvelables.
La conversion de Cordemais à la biomasse "apparaît nécessaire pour garantir l'équilibre local du système en Bretagne (...) sur la période 2022-2024 a minima", écrit ainsi le Réseau de transport d'électricité (RTE) dans un rapport du 24 mars. Et "le maintien pour deux années supplémentaires (2024-2026) de la centrale de Cordemais dans le cadre d'un projet de conversion à la biomasse offrirait un gain de marge estimé à environ 1 gigawatt au niveau national", ajoute RTE.
Réduction des gaz à effet de serre
Dans le détail, EDF entend dans un premier temps construire une usine de fabrication de pellets à l'emplacement des actuels tas de charbon de la centrale. Il s'agit de transformer en combustible des résidus de taille, d'élagage ou de bois d'ameublement (EDF s'est engagée à proscrire le bois de forêt).
Ces pellets représenteraient alors 80% du combustible de la centrale qui ne fonctionnerait plus que 400 heures par an. D'après EDF, ce procédé permettrait de réduire le émissions de gaz à effets de serre (GES) de ses installations de 71% par rapport à un fonctionnement 100% charbon, évitant l'émission de 400 000 tonnes de CO2 par an.
Ces chiffres sont très contestés par les associations environnementales qui estiment que la biomasse émet autant de GES que le charbon. Cette question suscite "la confusion la plus totale", souligne ainsi la commission d'enquête publique, qui demande la mise en place d'un "comité de suivi". "Quand on est sur du déchet de bois, ça paraît un peu plus juste de considérer que c'est à peu près neutre en carbone que si on utilisait du bois de forêt", juge cependant Nicolas Goldberg, consultant Energie chez Colombus Consulting.
EDF a demandé 55 millions d'euros de subventions au titre du plan de relance pour Ecocombust. l'investissement est estimé à 114 millions d'euros pour l'usine de pellets et 20 millions d'euros pour l'adaptation de la centrale. Pour les salariés, c'est l'assurance du maintien d'une partie des 350 emplois de la centrale jusqu'en 2026, voire au-delà si la centrale passait, à terme, au 100% biomasse.
"Finalement, ce projet arrange tout le monde. Le gouvernement pourra dire: on a reconverti la centrale. EDF donne une concession à ses salariés. Et du point de vue du réseau, on est quand même plus serein avec Cordemais", estime M. Goldberg.
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