Le démantèlement des centrales nucléaires : 3 questions à Maxence Cordiez

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Démantèlement de la centrale nucléaire de Brennilis

Déconstruction de la centrale de Brennilis dans le Finistère. (visuel de novembre 2013, crédit : Jayet Stéphanie; TOMA)

Jean-Louis Caffier (journaliste spécialiste du climat) interroge régulièrement des membres de notre comité scientifique, avec 3 questions faisant écho à l'actualité.

Invité : Maxence Cordiez, membre du comité scientifique de Connaissance des Énergies.

Le regain d'intérêt pour le nucléaire civil n'empêche pas les questionnements sur la fin de vie des centrales actuelles. Au Japon, la centrale de Hanaoka est la première du pays à entrer en phase de démantèlement. En France, la centrale de Brennilis entre dans la dernière phase de son démantèlement qui doit s'achever en 2041.

Peut-on vraiment tirer de premiers enseignements sur le démantèlement ?

Oui, car on commence à avoir un bon retour d’expérience en France comme au niveau international. Mais derrière le mot « démantèlement », il y a des réalités très différentes en fonction des technologies utilisées. Certains réacteurs sont, entre guillemets, relativement faciles à démanteler. C’est le cas des réacteurs à eau pressurisée, ceux qui sont actuellement exploités en France. Plusieurs ont déjà été entièrement démantelés aux États Unis. EDF est en train de finaliser le démantèlement du réacteur de Chooz A dans les Ardennes et il n’y a pas de difficulté majeure.

En revanche, d’autres réacteurs de première génération posent plus de problèmes, surtout ceux qui contiennent du graphite dans le cœur. Le graphite est de faible radioactivité mais il a une durée de vie longue. On n’a pas encore décidé de la façon dont on va démanteler ces installations puis gérer le graphite. Par exemple, faut-il extraire le graphite sous eau ou sous air ? 

Tant qu’il n’y a pas de filière de gestion, le démantèlement du cœur des premiers réacteurs n’avance pas. Le problème est lié au fait que lors de la construction des premières centrales, on n’a pas du tout pensé au démantèlement. Aujourd’hui, la fin de vie est intégrée dès la conception et on sait comment démanteler les nouvelles installations mises en service.

Est-on bien certain de respecter les budgets et de tenir les délais ?

On a un retour d’expérience avec les démantèlements de réacteurs à eau pressurisée aux États Unis, et même en France si l’on considère le démantèlement du réacteur de Chooz A dans les Ardennes. Cependant, si ces retours d’expérience permettent de se faire une idée générale du coût de démantèlement de tels réacteurs(1), il est un peu tôt pour avoir une évaluation précise des coûts de démantèlement en série des réacteurs du parc actuel. En effet, ceux-ci étant de même technologie, il y aura un effet d’apprentissage qui permettra des économies. 

Sur les délais, il faut bien se dire qu’il n’y a pas d’urgence à démanteler. Quand on construit, on veut aller aussi vite que possible pour commencer à produire dès que possible et ne pas immobiliser le capital. Si on investit aujourd’hui sur le nucléaire, il n’y aura pas de retour avant au moins une dizaine d’années. Le démantèlement ne présente pas les mêmes contraintes temporelles. En outre, plus on attend et moins les composants sont radioactifs.

En France, nous avons Brennilis et Fessenheim. Où en sommes-nous ?

À Fessenheim, le démantèlement de la partie non nucléaire a commencé et cela ne pose pas plus de problèmes que pour une centrale à charbon par exemple. Certains composants sont déjà partis vers d’autres centrales où ils seront réutilisés.

Le cas de Brennilis est un peu particulier. Tout d'abord, il s'agit d'une technologie spécifique de réacteur à eau lourde. Ensuite, la durée de démantèlement ne tient pas qu’à des questions techniques. Il y a aussi des questions d’ordre administratif, tel qu’un recours d’associations antinucléaires ayant conduit à l’annulation du décret de démantèlement en 2007.

Globalement, sur l’ensemble de la question du démantèlement, il est très important de favoriser le partage d’expérience au niveau international, de nombreux pays faisant face aux mêmes défis pour démanteler des réacteurs de technologie similaire.

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