- Source : Terra Nova
La planification de la « transition énergétique » en France repose actuellement sur deux outils principaux : la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)(1). Selon le think tank Terra Nova, cette planification souffre d’un certain nombre de faiblesses : gouvernance insuffisamment clarifiée, manque de concertation avec les pays voisins, caractère non contraignant de la PPE qui « lui donne malheureusement un rôle de recommandation révisable à échéance, alors qu’elle devrait être essentiellement prescriptive », etc.
Dans cette note publiée par le think tank le 27 juin, Nicolas Goldberg (consultant chez Colombus Consulting) et Antoine Guillou (coordinateur du pôle énergie et climat de Terra Nova) appellent à replacer la SNBC et l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 au « cœur du débat ». Ils jugent toutefois nécessaire de s’accorder au préalable sur la stratégie en matière d’énergie nucléaire dans le cadre de la PPE, avec 10 recommandations à l’appui pour assurer « un débat serein ».
Les auteurs déplorent que les débats sur la PPE et la SNBC soient aujourd'hui « phagocytés » par le nombre de réacteurs nucléaires à fermer et par l’organisation d’EDF, « en se gardant bien de définir et de donner à l’entreprise publique une stratégie claire ». À court terme, ils jugent « inéluctable » la prolongation d’une part importante du parc nucléaire français (58 réacteurs répartis entre 19 centrales), sachant que près de la moitié des tranches atteindront l’âge de 40 ans dans les 7 prochaines années(2).
Pour que prolongation ne rime pas « avec procrastination », la note appelle à établir une stratégie de fermetures des réacteurs nucléaires, avec un cadencement permettant « d’éviter d’avoir à déclasser un nombre trop important de tranches chaque année » (effet falaise) et en précisant les capacités à prolonger après 40 ou 50 ans d’exploitation. Dans cette optique, une décroissance dans le temps du plafond de 63 GW de puissance nucléaire inscrit dans la loi de transition pourrait notamment être envisagée.
La question du renouvellement du parc nucléaire doit par ailleurs faire l’objet d’un nouveau débat public selon les auteurs, débouchant sur un « véritable choix politique […] entre 2020 et 2025 sur le rôle de l’énergie nucléaire après 2030 ». Cette réflexion devrait tenir compte de tous les projets de l’industrie nucléaire française, notamment de recherche sur le nucléaire du futur (4e génération avec le réacteur Astrid, fusion nucléaire avec ITER). Pour les auteurs, ne pas engager de nouveaux projets d’EPR en France avant l’horizon 2025 « apparaît comme l’option de minimisation des risques et d’engagements de financements qui pourraient se transformer en coûts échoués ».
Parmi les recommandations de la note figure également la création d’une direction dédiée à la SNBC et aux PPE au sein du ministère de la transition écologique et solidaire, alors que les ressources de l’État sont aujourd’hui « dispersées dans plusieurs administrations et agences ».
Sources / Notes
- Deux outils de pilotage issus de la loi de transition énergétique pour la croissance verte adoptée à l’été 2015.
- « Le nier serait affirmer qu’en sept ans, la France serait capable de fermer plus de puissance nucléaire que l’Allemagne en vingt-deux ans, ce qui n’a pu être réalisé outre-Rhin qu’avec une forte volonté politique, des moyens financiers colossaux et une adhésion claire du grand public à l’abandon de l’atome ».
- Il est également recommandé que les moyens dédiés à la mise en œuvre des appels d’offres relatifs aux énergies renouvelables, aujourd’hui séparés entre le ministère et la Commission de régulation de l’énergie (CRE), soient regroupés.