Centrale nucléaire de Dampierre (©Didier Marc ; PWP)
Le prix des garanties de capacités électriques en France pour 2025 a chuté à 0 € par MW, lors des dernières enchères début décembre.
Rappels sur le mécanisme de capacité
En 2017, un « mécanisme de capacité » a été mis en place en France pour contribuer à la sécurité d’approvisionnement du système électrique français(1). Concrètement, des moyens de production (ou d'effacement) peuvent être, après certification par RTE(2), être rémunérés pour rester « disponibles » lors des périodes de pointe hivernale qui génèrent des situations de tension sur le réseau.
Ce sont les fournisseurs d'électricité qui financent le coût du dispositif : chacun d'entre eux doit démontrer(3) qu’il est en mesure de couvrir chaque année la consommation de ses clients pendant les périodes de « pointe » hivernale et a ainsi l’obligation d’acquérir des garanties de capacité (GC) correspondant à ce niveau de demande(4).
Les garanties de capacités peuvent être achetées de gré à gré ou lors de sessions de marché organisées plusieurs fois par an par Epex spot sous forme d'enchères(6). En 2024, 6 sessions d'enchères ont eu lieu sur Epex Spot(5), la dernière s'étant déroulée du 25 novembre au 5 décembre dernier (pour des garanties de capacité en 2025 et 2026).
Explications sur une enchère « nulle »
Le résultat de ces dernières enchères, annoncé le 5 décembre par Epex Spot, a de quoi interpeller : le prix des garanties a chuté à... 0 € par MW pour livraison en 2025 et 2 522,18 €/MW pour livraison en 2026(7).
L'effondrement du prix de la capacité est entre autres lié à la confiance dans la sécurité du réseau électrique, avec des pics de demande plus faibles que dans le passé et une bonne disponibilité du parc de production. De fait, « les mécanismes de flexibilité permettant un bon équilibre offre-demande en temps réel semblent bien fonctionner ; on peut donc, en cas d'offre insuffisante, espérer jouer sur la demande », auquel s'ajoute une contribution croissante des capacités de stockage à cour terme sous forme de batteries, souligne Jacques Percebois, professeur émérite à l'Université de Montpellier
Pour Nicolas Goldberg, associé énergie chez Colombus Consulting, « l’explication la plus rationnelle réside dans le fait que les fournisseurs avaient déjà probablement fait le plein de capacités en cette fin d’année où nous ne pouvons constater qu’une consommation en baisse, ce qui joue à la baisse sur le besoin et donc les prix, dans un contexte où certains acteurs misent leur capacité à prix nul pour être sûrs d’être sélectionnés ».
Autrement dit, le volume de capacités certifiées disponibles était supérieur « au besoin de fin d’année, sachant que ce besoin est calculé sur la consommation des portefeuilles des acteurs les jours PP1 » (pics de consommation définis par RTE). In fine, « tout le monde a bidé de manière à être appelé et pressentant bien le surplus d’offre par rapport à la demande ».
Impact sur les factures
Le montant des garanties de capacités est répercuté sur la facture des consommateurs. Ce coût diffère toutefois selon les clients, selon le type de contrat et la consommation lors des pics de consommation (jours de pointe dits « PP1 » et « PP2 ».
Il résultera donc de cette enchère « une baisse du TRV car le coût de capacité est une composante de l'empilement réalisé par la CRE dans le calcul du TRV », souligne Jacques Percebois(8).
L'impact sur les factures sera toutefois « minime au regard de ce que représente le mécanisme de capacité dans une facture », note Nicolas Goldberg. En 2024, le surcoût lié aux garanties de capacités étaient estimé entre 0 et 5 €/MWh en fonction du profil du consommateur (la consommation annuelle moyenne d'un foyer de 70 m2 est de l'ordre de 9 MWh s'il a un chauffage électrique, et de moins de 1,5 MWh sans chauffage électrique selon Selectra(9)).
Une réforme à venir
Le mécanisme de capacité, opérationnel depuis 2016 et autorisé jusqu’en 2026, « est actuellement en cours de refonte pour l’hiver 2026-2027 et devra soutenir le développement des nouvelles flexibilités requises pour la sécurité d’approvisionnement », précise le projet de 3e PPE
Cette réforme devrait en particulier permettre d'« éviter de faire profiter les centrales fossiles d'un tel système et aussi parce qu'il y a trop d'effets d'aubaine (windfall profits); donc l'attentisme et la prudence n'encouragent pas de payer pour une garantie qui ne semble pas indispensable », souligne Jacques Percebois. Une incertitude persiste sur la mise en œuvre prochaine, souligne toutefois Nicolas Goldberg, « compte tenu du contexte politique ».
Au total, le niveau moyen des enchères pour la livraison en 2025 (en prenant en compte les précédentes enchères) est de 14 650 € par MW, contre 27 090 € par MW en 2024. Une prochaine session d'enchères de garanties de capacités sur Epex Spot aura lieu du 24 février au 6 mars 2025(10).