Selon les prévisions de l’Ademe, la production électrique des éoliennes terrestres en France pourrait dépasser celle de la filière hydroélectrique en 2028. (©photo)
L’Ademe a présenté le 22 mai son cahier d’acteur(1) dans le cadre du débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Elle y recommande d’augmenter la production d’énergie renouvelable de 70% d’ici à 2028, tout en baissant fortement les consommations énergétiques.
La baisse de la consommation, entrée prioritaire pour l’Ademe
En France, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est le principal outil de pilotage de la politique énergétique avec la stratégie nationale bas-carbone. Cette feuille de route doit être révisée d’ici à fin 2018 et fixer des objectifs pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028. Un débat public est actuellement en cours jusqu’au 30 juin.
Lors de sa « première sortie médiatique » en tant que président de l’Ademe(2), Arnaud Leroy a rappelé le 22 mai que les discussions actuelles ne constituent pas un nouveau « débat sur la politique énergétique française », ce débat ayant déjà eu lieu en amont de l’adoption à l’été 2015 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Une façon de rappeler que l’objectif de réduire la part du nucléaire dans la production électrique française reste ancré dans la loi, alors que la cible de 50% à l’horizon 2025 a été reportée par Nicolas Hulot (Arnaud Leroy a souligné qu'il manquait « une grande donnée » : le futur rapport de l'ASN sur les coûts du grand carénage).
Pour l’Ademe, la baisse de la consommation d’énergie en France constitue une des « deux entrées » du débat sur la PPE avec la hausse de la production renouvelable. L’Agence plaide pour un objectif de baisse de 30% de la consommation finale d’énergie entre 2015 et 2035 et rappelle l’ambition de la loi de transition énergétique de réduire de moitié cette consommation d’ici à 2050 (par rapport à 2012).
Cette question « rarement mise en avant est essentielle » pour l’Ademe qui appelle entre autres à s’appuyer, outre les efforts d’efficacité énergétique, sur « un plan de rénovation massif des bâtiments existants » et « une évolution progressive des comportements de mobilité » (développement des transports en commun, covoiturage, télétravail et circuits courts pour limiter les déplacements, etc.).
Entre 2015 et 2035, l’Ademe estime que les consommations d’énergie des secteurs résidentiel-tertiaire et des transports pourraient respectivement baisser d’environ 30% et de presque 50%. (©Connaissance des Énergies, d’après Ademe)
Un doublement de la part des renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2028
D’ici à 2028, l’Ademe recommande d’augmenter de 200 TWh la production globale d’énergie renouvelable (électricité, chaleur et transports), soit une hausse de 70% par rapport au niveau de 2016(3). Cette hausse est jugée « techniquement possible et économiquement souhaitable » par l’Agence alors que les prix des énergies fossiles vont se renchérir avec la hausse de la contribution climat énergie (taxe carbone).
Pour rappel, les énergies renouvelables (bois-énergie et hydroélectricité en tête) comptent actuellement pour près de 16% de la consommation finale d’énergie en France, la loi de transition visant une part de 32% à l’horizon 2030. Cet objectif pourrait être atteint dès 2028 selon l’Ademe, grâce à la baisse de la consommation globale d'énergie.
La chaleur pourrait alors continuer à « représenter la plus grande part d’EnR en valeur absolue mais ce sont les EnR électriques qui auraient la dynamique de croissance la plus forte » (la chaleur compte actuellement pour 46% de la consommation totale d’énergie finale en France).
Selon l’Ademe, la production d’énergie renouvelable pourrait passer de 290 TWh en 2016 à près de 490 TWh en 2028. (©Connaissance des Énergies, d’après Ademe)
5 filières comptant pour 90% de la hausse de production renouvelable
L’Ademe envisage en particulier une forte progression de deux filières renouvelables dans le secteur de la production électrique :
- l’éolien : objectif de hausse de 72 TWh de la production entre 2016 et 2028 grâce à une augmentation des capacités terrestres (entre 25,5 GW et 28 GW installés à fin 2018) et à la mise en service des 6 premiers parcs éoliens offshore avant 2023, avec une nouvelle procédure d’appel d’offres (objectif de 6 GW installés à fin 2028 auxquels s’ajouteraient 3 GW d’installations éoliennes flottantes, déployées à partir de 2022) ;
- le solaire photovoltaïque : objectif de hausse de 33 TWh de la production, avec des capacités installées de 27 GW à 30 GW à fin 2028, dont un peu plus de la moitié implantées au sol.
L’Ademe estime que les coûts de production des filières éolienne terrestre et photovoltaïque pourraient « encore baisser jusqu’à atteindre environ 50 €/MWh en 2030 ». Trois autres filières pourraient apporter une contribution majeure à la production renouvelable, principalement à des fins de production de chaleur : le bois-énergie (+ 28 TWh entre 2016 et 2028), la méthanisation (+ 27 TWh) et les pompes à chaleur aérothermiques et géothermiques (+ 21 TWh).
L’Ademe met par ailleurs en avant les bénéfices environnementaux et sociaux du développement des énergies renouvelables pour les Français. Selon l’Agence, le secteur pourrait en particulier créer 340 000 emplois d’ici à 2035 (80 000 emplois directs en 2015) et le revenu disponible des ménages pourrait augmenter, dans son scénario, d’environ 7,5% par rapport à un scénario de référence grâce à la réduction des consommations énergétiques.
Arnaud Leroy indique être conscient des différentes difficultés rencontrées par les énergies renouvelables, à commencer par leur acceptabilité mais se déclare par ailleurs « excessivement serein sur la flexibilité des réseaux » pour intégrer davantage d’unités à production intermittente, qualifiant cette contrainte de « faux débat ». Il appelle les Régions à « s’approprier davantage ces sujets et à y mettre les moyens ». Les scénarios de l’Ademe à l’horizon 2035 et 2050 qui apportent des précisions chiffrées sur la trajectoire imaginée par l’Agence devraient être actualisés « en fin d’année/début 2019 ».
En 2028, les filières éoliennes et photovoltaïque pourraient compter pour les deux tiers de la production électrique renouvelable en France, contre moins d’un tiers en 2016. (©Connaissance des Énergies, d’après Ademe)