L'intérêt économique de la décarbonation grâce au « Power to X » dépendra du prix du CO2 selon l'Ademe. (©Vestas)
L’Ademe s’interroge sur les moyens de décarboner « les systèmes gaz et chaleur » en France, dans le cadre d’une nouvelle étude(1) autour d’un mix électrique 100% renouvelable à l’horizon 2050. Elle y présente le potentiel des technologies dites « Power to X ».
« Power to X » : plus d’interactions entre les différents réseaux
L’Ademe qualifie de « Power to X » (ou « P2X ») la transformation d’électricité en un autre vecteur énergétique. Ce vecteur « X » peut être de la chaleur (dans le cas du « Power to Heat »(2)) qui satisfait par exemple des besoins industriels ou alimente des réseaux de chaleur. Il peut également être un gaz de synthèse (« Power to Gas »(3)) : de l’hydrogène, pour des usages de mobilité, ou du méthane (après méthanation) qui peut lui-même être injecté dans le réseau gazier pour des besoins industriels, de chauffage ou de mobilité.
Les réflexions autour du « Power to X » visent aujourd’hui principalement à valoriser les surplus d’électricité intermittente (photovoltaïque, éolien) lors des périodes de faible demande. En l’absence d’une valorisation, cette électricité « fatale » complique en effet la gestion de l’équilibre du réseau électrique. L’Ademe envisage une interaction des différents réseaux (électricité, gaz, chaleur) « comme des moyens de stocker de l’énergie issue d’un autre vecteur énergétique (le réseau de gaz comme stockage de l’électricité, par exemple) et de leur offrir des débouchés complémentaires (production d’hydrogène décarbonée à partir du réseau électrique) ».
Dans son scénario hypothétique d’un mix électrique 100% renouvelable en 2050, l’Ademe envisage ainsi un recours au « Power to X » à grande échelle pour décarboner les réseaux de gaz et de chaleur. L’intérêt de ces technologies dépendra selon l’agence en grande partie du prix de la tonne de CO2 en 2050, l’électricité décarbonée entrant en compétition avec des combustibles émetteurs de gaz à effet de serre(2).
Le « Power to Gas » consiste à transformer de l’électricité en hydrogène par électrolyse de l’eau afin de la stocker à un moment où elle est excédentaire sur le réseau. (©Connaissance des Énergies d’après European Power to Gas Platform)
Un potentiel lié au prix de la tonne de CO2 en 2050
L’Ademe étudie les impacts et opportunités possibles du « Power to X », en prenant en considération trois prix de la tonne de CO2 en 2050 (100 €, 300 € et 1 000 €). Dans le cas d’une contrainte économique particulièrement forte de 1 000 € par tonne de CO2 (scénario « aux limites »), l’agence estime notamment que près de 186 TWh d’électricité par an pourraient être convertis en méthane en 2050, ce qui permettrait alors selon elle de satisfaire 71% des besoins annuels de gaz de la France(4).
Avec un prix de 300 euros par tonne de CO2, les technologies de « Power to X » pourraient couvrir 24% des besoins de chaleur et 31% des besoins en gaz de la France à l’horizon 2050 selon l’Ademe. Avec une tonne de CO2 à 100 euros, la valorisation de l’électricité renouvelable en chaleur et en gaz resterait en revanche très limitée, indique l’agence.
Selon le prix du CO2, l’Ademe envisage ainsi un dimensionnement très différent du parc électrique renouvelable. Dans son scénario à 300 €/t CO2, la puissance installée du parc électrique renouvelable français en 2050 serait supérieure de 20% par rapport au scénario de référence(5) (234 GW contre 195 GW). Le rapport estime que les émissions de CO2 de l’économie française pourraient dans ce cas être réduites de 12% en 2050 (toujours par rapport au scénario de référence).
Pour rappel, la contribution climat énergie (« taxe carbone » française) est fixée à 30,5 €/t CO2 en 2017. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit de la rehausser à hauteur de 44,6 €/t CO2 en 2018, puis progressivement jusqu’à 86,2 €/t CO2 en 2022. La loi de transition énergétique pour la croissance fixait pour sa part une cible de 100 €/t CO2 en 2030. Précisons par ailleurs que les travaux de l'Ademe se basent sur l’hypothèse d’un parc électrique à très forte proportion renouvelable (80% au minimum). En 2016, les énergies renouvelables ne comptaient encore que pour 19,6% de la production électrique annuelle de la France.