Unité pilote de « Power to Gas » à Falkenhagen dans l’est de l’Allemagne. (©E.ON)
Le « Power to Gas » (P2G) consiste à transformer de l’électricité en hydrogène(1) par électrolyse de l’eau afin de la stocker à un moment où elle est excédentaire sur le réseau, donc peu chère.
Comment ça marche ?
L’électricité est utilisée pour casser des molécules d’eau (H2O) en hydrogène(2) (H2) et en oxygène (O).
Ce mode de production de l’hydrogène est bien moins répandu que le vaporeformage de combustibles fossiles (en raison de son coût plus élevé) mais il présente dans ce cas l’intérêt d’avoir recours à de l’électricité « fatale »(3).
Cette technologie vise à transformer en gaz « vert » les excédents de production électrique d’unités renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque, hydrolien). Faute de solution de stockage, cette production intermittente est « perdue » lorsqu’elle ne répond pas à une demande simultanée de consommateurs. Son caractère « variable » complique en outre la gestion de l’équilibre offre/demande sur le réseau électrique. Ainsi, il constitue une solution prometteuse en vue de l’intégration croissante de sources renouvelables intermittentes au sein du réseau électrique.
Schéma de principe du Power to Gas (©Connaissance des Énergies d’après European Power to Gas Platform)
Intérêts
Le Power to Gas permet en particulier de compenser les aléas naturels des sources d’électricité éoliennes et photovoltaïques en stockant sous forme de gaz leur production lorsque cette dernière ne répond pas à la demande des réseaux auxquelles elles sont connectées.
L’hydrogène ainsi produit peut alors être valorisé de différentes manières :
- être injecté dans les réseaux de gaz naturel en l’état (dans une limite d’environ 20%(4)) ou après avoir été associé à du CO2 pour le convertir en méthane de synthèse (méthanation) ;
- alimenter des véhicules à hydrogène(5) ;
- être consommé à des fins industrielles ;
- être reconverti en électricité via une pile à combustible à un moment de plus forte demande.
Contrairement à l’électricité, l’hydrogène converti en méthane présente l’intérêt d’être facilement stockable sur de longues durées.
A l’horizon 2030, l’Ademe évalue le potentiel d’électricité valorisable en France en ayant recours au Power to Gas à environ 2,5 à 3 TWh par an (la production électrique française en 2023 atteint 494,3 TWh). L’Ademe évalue à près de 150 TWh de gaz par an le potentiel théorique de production du Power to Gas à l’horizon 2050 (cette production dépendra fortement du prix du CO2 et de l’électricité). Cela en ferait, selon les estimations de l’agence, le 3e principal procédé de production de gaz « renouvelable » après la méthanisation (potentiel de 200 TWh/an) et la gazéification (160 à 280 TWh/an).
Développement de la technologie
L’Allemagne et le Danemark sont les principaux pays à effectuer des recherches sur cette technologie en raison du taux de pénétration croissant des sources intermittentes d’électricité sur leurs réseaux(6).
Le développement de cette technologie est actuellement freiné par le coût de production de l’hydrogène, aux alentours de 100 €/MWh, soit près du triple des prix de gros du gaz naturel selon une étude de l’Ademe et des gestionnaires de réseaux français GrDF et GRTgaz(7).
Jupiter 1000, un démonstrateur alliant « Power to Gas » et méthanation
La première pierre du démonstrateur Jupiter 1000 a été posée le 18 décembre 2017 au sein de la zone portuaire de Fos-sur-Mer. Ce projet collaboratif de « Power to Gas » piloté par GRTgaz vise à faire émerger une nouvelle filière française industrielle de production de gaz « renouvelable ».
L’hydrogène ainsi produit peut, soit être injecté dans le réseau à condition qu’il soit suffisamment dilué (selon la réglementation en vigueur, 1% à 6% d’hydrogène maximum peut être mélangé au méthane dans les réseaux gaziers), soit en étant combiné à du CO2, être converti à son tour par procédé de méthanation en méthane de synthèse (CH4). Ce gaz « renouvelable », aux propriétés similaires à celles du gaz naturel, peut être injecté directement dans les réseaux gaziers.
A Fos-sur-Mer, le démonstrateur Jupiter 1000 est déployé sur une parcelle de 6 500 m2 au sein de la pépinière « Innovex » de la plateforme PIICTO (Plateforme industrielle et d’innovation Caban Tonkin). Celle-ci vise à accueillir des projets pilotes préindustriels contribuant à la transition énergétique (stockage et valorisation d’énergies renouvelables, économie circulaire, smart grids, etc.).
Fruit de la collaboration de 9 acteurs, le démonstrateur Jupiter 1000 disposera d’une puissance installée de 1 MW électrique et utilisera de l’électricité renouvelable fournie par la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Des électrolyseurs de McPhy Energy, consommant en moyenne 200 litres d’eau par heure à plein débit, pourront produire près de 200 m3 d’hydrogène par heure (soit 17 kg/h).
Le CO2 capté par Leroux & Lotz (dans des fumées industrielles) alimentera des unités de méthanation d’Atmostat (Methamod) et du CEA(8) qui pourraient produire jusqu’à 25 m3 de méthane de synthèse par heure. Si le site fonctionne la moitié du temps, sa production annuelle pourrait légèrement dépasser 1 GWh (thermique) selon GRTgaz (avec un facteur de conversion 1m3 ≈ 10 kWh).
Plan 3D des installations du projet Jupiter 1000 (©GRTgaz)
Dans le cadre de la transition énergétique, le Power to Gas, associé à la méthanation, présente l’avantage de stocker l’électricité intermittente « fatale », de gérer de façon plus flexible les réseaux électriques et gaziers (en profitant de la capacité de stockage gazière de la France(9)), tout en valorisant le CO2, déchet contribuant fortement au réchauffement climatique. Ce dernier point s'avère particulièrement important, compte tenu des incertitudes actuelles, tant techniques qu’économiques, au sujet des solutions de stockage du CO2.