Depuis 2016, la Banque mondiale a comptabilisé 8 nouvelles initiatives régionales ou nationales visant à donner un prix au carbone. (©photo)
La Californie a approuvé le 17 juillet la prolongation de son marché carbone jusqu’à 2030(1). S’il est souvent fait référence au système européen d’échange de quotas d’émissions, il existe de nombreuses initiatives régionales et nationales de tarification du carbone à travers le monde. État des lieux.
Où existe-t-il des réglementations pour donner un prix au carbone ?
Il existe principalement deux grands instruments permettant aux pouvoirs publics de donner un prix au carbone : les systèmes d’échange de quotas d’émissions (« ETS »(2)) qui visent à donner un prix aux émissions de CO2 par la rencontre d’une offre et d’une demande et les taxes carbone. En avril 2017, des systèmes de tarification du carbone étaient « opérationnels » au sein de 67 juridictions nationales ou infranationales dans le monde(3) selon la Banque mondiale(4).
Plus des deux tiers de ces initiatives concernaient des marchés de quotas d’émissions. « C’est en pleine évolution, il existe une grande variété de systèmes selon les pays, les secteurs couverts, les acteurs », indique Paula Coussy, spécialiste des marché carbone au sein d’IFP Energies nouvelles. L’hétérogénéité de cet ensemble se traduit également par des prix du carbone très différents d’une zone à une autre : de l’ordre de quelques dollars(5) par tonne d’équivalent CO2 (t CO2e) à près de 130 $ par t CO2e dans le cas de la taxe carbone mise en place en Finlande.
Au total, les émissions couvertes par des systèmes « ETS » ou des taxes carbone s’élèveraient à près de 8 milliards de tonnes équivalent CO2 en 2017, soit environ 14,6% des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon la Banque mondiale. L'institution évalue à près de 52 milliards de dollars la valeur totale des systèmes « ETS » et des taxes carbone dans le monde en 2017.
En 2005, toutes les initiatives réglementaires de tarification du carbone étaient concentrées en Europe. Il en existe désormais sur tous les continents. (©Connaissance des Énergies, d’après Banque mondiale)
A ces systèmes réglementaires de tarification du carbone s’ajoutent des initiatives privées volontaires qui prennent de l’essor au niveau international » selon Paula Coussy. Parmi les engagements très attendus, l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) s’est fixée pour objectif en octobre 2016 de limiter d’ici à 2035 les émissions nettes de CO2 de l’aviation internationale au niveau de 2020 (programme CORSIA(6)). Les émissions supplémentaires devront être compensées par des achats de crédits carbone(7).
Quel est le « juste prix » du carbone ?
Les systèmes d’échange de quotas d'émissions souffrent souvent d’un faible prix du carbone, en raison d’une offre trop abondante de quotas. C’est notamment le cas de l’ « ETS » européen au sein duquel la tonne de CO2e a fluctué entre 4 et 7 € en 2016 (des prix inférieurs à ceux du marché californien où un prix plancher a été instauré(8)).
Une réforme du système ETS européen doit être mise en œuvre à partir de 2019. « Il semble que les points abordés (réserve de stabilité, nombre de quotas alloués gratuitement, facteur de réduction linéaire, etc.) ne permettront pas de déboucher sur un prix élevé du quota européen avant 2020 », prévient Paula Coussy. L’instauration d’un prix plancher sur ce marché permettrait selon elle de faire remonter le prix de la tonne carbone de manière rapide mais elle plaide, dans cette hypothèse, pour « un mécanisme de protection aux frontières » pour préserver la compétitivité des entreprises européennes.
Le prix du carbone « à atteindre » n’est toutefois pas arrêté. « Grossièrement, à 20-30 €/t, on défavorise le charbon au profit du gaz dans le secteur électrique ; à partir de 70-100 €/t, des technologies plus coûteuses comme la CCS (capture et stockage du CO2) deviennent rentables », explique Raphaël Trotignon, co-responsable du programme « Prix du CO2 et Innovation bas carbone » à la Chaire Économie du Climat(9).
Pour rappel, la France dispose pour sa part d’une « contribution climat énergie », incluse dans les taxes portant sur la consommation d’énergies fossiles. Son montant est de 30,5 euros par tonne en 2017 et la loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit qu’elle soit régulièrement augmentée, avec une cible de 100 euros par tonne de CO2 en 2030, que le ministre Nicolas Hulot souhaite voir rehaussée.
Quelles perspectives de développement pour le prix du carbone ?
Parmi les contributions nationales remises lors de la COP21, plus de la moitié des « Parties » prévoyait l’usage de mécanismes de finance carbone dans leurs plans de lutte contre le réchauffement climatique(10). Ces pays favorables à des outils de tarification du carbone couvriraient 58% des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon la Banque mondiale.
Dans le cadre du développement de la tarification du carbone, une étape importante devrait être franchie au second semestre 2017 : la Chine va lancer son marché « ETS » au niveau national après avoir expérimenté ce système au sein de 8 marchés pilotes régionaux. Le prix initial du quota de CO2e pourrait être compris entre 1 et 9 dollars par tonne selon la Banque mondiale. Il s’agira naturellement du principal système d’échange de quotas carbone dans le monde. A lui seul, il doublera quasiment la part des émissions mondiales couvertes par des systèmes de tarification du carbone.
La perspective de voir émerger un prix international unique du carbone reste en revanche très hypothétique. « Les économies internationales sont à des niveaux de développement très différents et un prix de 50€/t CO2 en Europe ou en Afrique noire subsaharienne n’aurait pas du tout le même impact sur l’économie », indique Paula Coussy. « Il faut trouver un système international gagnant/gagnant pour inciter chacun à réduire ses émissions à moindre coût », conclut-elle.