Éoliennes et panneaux photovoltaïques en Guadeloupe (©EDF-Philippe Eranian)
L’Ademe a dévoilé la semaine dernière son étude exploratoire envisageant la possibilité en France d’un mix électrique reposant jusqu’à 100% sur les énergies renouvelables (EnR) à l’horizon 2050. Cette étude a vocation à démontrer le caractère « techniquement possible » d’un tel mix et plus généralement d’un développement massif des EnR.
Objet et prérequis de l’étude
Sont envisagés dans cette étude 14 mix électriques « techniquement possibles » selon l'Ademe avec une part d’EnR dans la production électrique de 40%, 80%, 95% ou 100% en 2050. Des variantes entre les différents scénarios portent également sur l’état des progrès technologiques ou sur l’acceptabilité sociale.
Dans son scénario de référence « 100% EnR », l’Ademe prend comme hypothèse de départ une consommation d’électricité de 422 TWh par an(1). Cela implique une forte maîtrise de la demande d’électricité. A titre indicatif, la consommation électrique de la France atteint 465,3 TWh en 2014 et elle est relativement stable depuis 2011(2).
Une bonne acceptabilité sociale (face à l’implantation de nombreuses unités de production renouvelables), un renforcement des interconnexions électriques aux frontières (de 14 à 23 GW à l’export, de 11 à 16 GW à l’import) et une bonne maîtrise des pics de consommation sont d’autres prérequis du scénario de référence envisagé par l’Ademe.
Scénarios de l’Ademe à l’horizon 2050
Dans son scénario de référence, l’Ademe envisage que 63% du mix électrique français repose sur l’éolien (très majoritairement terrestre), 17% sur le solaire photovoltaïque, 13% sur l’hydraulique, près de 5% sur le bois énergie et 2% sur les autres EnR (méthanisation, déchets, géothermie, solaire thermodynamique, énergie marémotrice).
En cas de faibles progrès technologiques, la part de l’éolien serait plus importante encore. Dans son scénario intégrant des problèmes d’acceptabilité sociale (phénomènes de type Nimby), l’Ademe envisage une plus importante contribution du solaire photovoltaïque (sur toitures) et des énergies marines, bien que l’éolien reste toujours la principale source d’électricité.
Les principales caractéristiques du scénario « 100% EnR » de l'Ademe (©Connaissance des Énergies)
Emprise au sol, coûts de production et solutions de stockage
Les parcs éoliens terrestres installés en France en 2050 occuperaient 17 000 km2 dans le scénario de référence de l'Ademe, soit environ 3% du territoire métropolitain. Pour nuancer cette projection, l’Agence précise que la surface au sol « artificialisée » se limiterait à 170 km2, le reste de l’espace pouvant, selon elle, être destiné à d’autres usages tels que l’agriculture ou l’élevage. Reste à convaincre les populations environnantes.
L’Ademe estime que le MWh dans son scénario de référence pourrait coûter en moyenne 119 euros (contre 117 euros avec un scénario de 40% d’EnR). Cette estimation repose entre autres sur des travaux prospectifs de l’AIE et de l’institut allemand Fraunhofer. L’Ademe note toutefois que les « derniers MWh » permettant de passer de 95% à 100% d’EnR dans le mix électrique auraient un coût très important (de l’ordre de 183 euros). En cas de moins bonne maîtrise de la demande d’électricité, de hausse des pics de consommation ou d’une acceptabilité sociale limitée, le scénario envisage un surcoût important.
Dans son étude, l’Ademe envisage 3 types de stockage : des solutions de stockage de court terme(3), les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) qui constituent déjà l’essentiel des solutions actuelles de stockage électrique et le « power to gas » (stockage de la production d’électricité excédentaire sous forme d’hydrogène et restitution aux moments de forte demande).
Limites de l’étude
Après une version intermédiaire de son étude assez critiquée en avril 2015, l’Ademe expose clairement les limites de son étude en préambule. En premier lieu, l’étude ne prend pas en compte la situation actuelle du parc électrique français. Pour rappel, les énergies renouvelables comptent pour seulement 17,7% du mix électrique français en 2014 et pour 5,1% hors hydroélectricité. La loi de transition énergétique prévoit que cette part soit augmentée à hauteur de 40% en 2030. Notons par ailleurs que l’EPR de Flamanville qui ne sera pas mis en service avant fin 2018 a une durée de vie prévue de 60 ans.
Les scénarios de l’Ademe à l’horizon 2050 revêtent donc bien un caractère théorique et aucune trajectoire pour les atteindre n’est présentée. Si des projections sont effectuées sur la baisse des coûts de production des différentes filières renouvelables, aucune trajectoire des investissements nécessaires à leur développement n’est en particulier présente dans l’étude.
Enfin, la gestion de l’équilibre entre production et consommation sur le réseau est analysée heure par heure et non en deçà. Or, la stabilité du réseau électrique doit bien être maintenue en permanence afin d’éviter toute coupure. L’Ademe a indiqué que d'autres études viendraient compléter ce rapport 100% EnR. Notons que le NREL américain (Laboratoire national pour les énergies renouvelables) a effectué un travail exploratoire similaire à celui de l’Ademe sur un mix électrique reposant à 80% sur les EnR aux États-Unis à l’horizon 2050.
Rappelons enfin que l’électricité compte seulement pour 22,4% de la consommation française d’énergie finale en 2014(4).