Dispositif photovoltaïque de concentration optique intégrant des miroirs paraboliques (©SolFocus)
Définition
Le solaire photovoltaïque « à concentration » consiste à capter le rayonnement solaire grâce à un pavage d'optiques (lentilles ou miroirs) de faible coût pour le concentrer sur une surface beaucoup plus réduite (1/1000e) où l’on place une cellule solaire de petite dimension à haute performance.
Le solaire photovoltaïque actuellement utilisé (à insolation directe) consiste quant à lui à couvrir toute la surface des panneaux de cellules solaires généralement à base de silicium.
Plus généralement, les systèmes photovoltaïques permettent de générer directement de l'électricité à partir de l'énergie lumineuse convertie par un matériau à effet photoélectrique. L’effet photovoltaïque est plus spécifiquement provoqué par l’absorption de photons dans un matériau semi-conducteur qui transforme leur énergie lumineuse en tension électrique.
L’empilement des matériaux photoélectriques III-V (catégories des éléments dans le tableau de Mendeleïev(1) : As, Ga, In, P, B) constituant les cellules à hautes performances est tel que le spectre du rayonnement solaire converti en énergie électrique est plus étendu que dans les cellules photovoltaïques à silicium (IV). Pour un même flux solaire capté, les rendements énergétiques atteints aujourd’hui (30% à 40% pour l’ensemble lentille et capteur) sont doubles de ceux des panneaux solaires photovoltaïques à insolation directe (autour de 10% et jusqu’à 20%). Le potentiel de ces structures permet d’espérer atteindre à terme un rendement de conversion du flux solaire en énergie électrique supérieur à 50%.
Fonctionnement scientifique
Principe de fonctionnement d’une cellule photovoltaïque
Les cellules photovoltaïques exploitent l’effet photoélectrique pour produire du courant continu par absorption du rayonnement solaire. Elles sont constituées d’un socle en matériau semi-conducteur, en général du silicium, dopé par une « impureté » de type p, par exemple du bore ou un autre matériau de catégorie III, qui charge positivement sa bande de conduction par défaut d’électrons.
Sur ce socle dopé « p » (positif), on réalise une jonction « p-n » en déposant une mince couche de silicium dopé par une impureté de type « n » (négatif) de catégorie V, chargeant ainsi négativement la bande de valence dans la partie supérieure de la jonction. Au niveau de la jonction, on a donc créé une différence de potentiel entre les bandes de valence et de conduction, donc un champ permanent dans la bande interdite séparant ces deux bandes.
Lorsqu’un photon frappe la surface de la cellule photovoltaïque et transmet son énergie à un électron de valence du semi-conducteur, ce dernier peut franchir la bande interdite et rejoindre la bande de conduction si l’énergie reçue est suffisante. Si la bande interdite est de largeur 0,7 à 0,4 eV, qui est celle du spectre de l’énergie solaire, la cellule photovoltaïque peut alors générer un courant électrique continu lorsqu’elle est éclairée par le soleil.
Aujourd’hui, il existe trois types de cellules solaires produites industriellement. Ce sont des cellules à silicium utilisées pour des panneaux solaires à insolation directe. On les distingue par leur coût, leur rendement et leur efficacité spatiale (Wc /m2) :
- en silicium amorphe condensé en couches minces sous vide sur des plaques de verre. Les coûts sont faibles mais les rendements aussi (5-7%, 60 Wc /m2). L’avantage majeur de ce type de cellules est l’économie du matériau silicium ;
- en silicium monocristallin massif à rendements élevés (15%, 150 Wc /m2) ;
- en silicium polycristallin, de performances intermédiaires.
Schéma représentant la constitution d'une cellule photovoltaïque. (©Connaissance des energies)
Caractéristiques des cellules à haut rendement (photovoltaïque à concentration)
Le silicium a le défaut structurel majeur de posséder un spectre d’absorption photonique ne couvrant pas tout le spectre du rayonnement solaire reçu par la surface terrestre.
Les physiciens ont donc proposé de lui substituer des cellules photovoltaïques à haut rendement, constituées d’un empilement de trois jonctions p-n successives associant des semi-conducteurs des familles III et IV qui absorbent l’énergie solaire sur un spectre lumineux beaucoup plus large que le silicium (IV).
Les matériaux les plus utilisés sont l’arséniure de gallium et ses alliages dérivés qui sont déposés par épitaxie(2) en phase vapeur, selon une technique classique de l'industrie des composants pour obtenir des cristaux déposés en couches minces sur un substrat en germanium. Les couches de cristaux sont superposées pour créer dans l'épaisseur du matériau jusqu’à trois niveaux de conversion de l’énergie lumineuse en énergie électrique. Chacune est adaptée à une partie du spectre lumineux de l’ultraviolet à l’infrarouge.
La première jonction a une largeur de bande interdite élevée pour absorber les photons solaires les plus énergiques (UV) et rester transparente aux autres. La seconde est adaptée aux fréquences moyennes (rayonnement visible), la troisième à l’infrarouge, le substrat en germanium absorbant les fréquences plus lointaines.
Les matériaux des cellules à haut rendement ont été utilisés au départ pour les applications spatiales mais leur usage a été étendu depuis quelques années à la fabrication des diodes électroluminescentes (LED), maintenant produites à des coûts compétitifs. La conception d’une cellule photovoltaïque de bon rendement énergétique est la réciproque de la réalisation d’une diode LED émettant un spectre de lumière chaude, c'est-à-dire multichrome. Dans un cas, un spectre lumineux large est transformé en électricité en additionnant le résultat de conversion de l'énergie récoltée dans trois sous-bandes de fréquence. Dans l'autre, trois composants électroluminescents ayant chacun leur propre sous-bande de fréquence lumineuse sont excités par de l'énergie électrique.
Dispositifs de concentration
Deux principaux dispositifs de concentration optique sont utilisés, intégrant des lentilles de Fresnel ou des miroirs paraboliques. Dans les deux cas, la cellule photovoltaïque multijonctions est placée au plan focal du dispositif. La dimension de la cellule varie de 1 à 2 cm2 et le module de réception optique occupe une surface de l’ordre de 1 000 à 2 000 cm2. En pratique, les facteurs de concentration de l’énergie solaire sont compris entre 500 et 1 500.
Plus la concentration est importante, plus l’orientation vers le soleil du panneau solaire regroupant les modules doit être précise. Pour un facteur de concentration de 500, le panneau doit être orienté avec une précision de 1,5° (et 0,5° si on atteint 1 500). La structure orientable du panneau (tracker) a aussi pour rôle d’évacuer les calories issues de la transformation en chaleur de l’énergie solaire incidente qui n’est pas transformée en énergie électrique à l’intérieur des cellules. Le refroidissement de la structure est effectué par convection naturelle et ne nécessite donc aucun fluide.
Schéma représentant le dispositif photovoltaïque à concentration avec lentille de Fresnel (©Connaissance des energies)(4)
Enjeux et potentiel
Cette technologie, longtemps réservée au domaine spatial où le prix du kilogramme en orbite justifie les surcoûts liés à l’obtention de la performance optimale, a été utilisée avec succès dans quelques opérations pilotes, notamment en Espagne dans le cadre du programme européen Hercules et ses suites (capacité installée ou en construction de 18 MW) et aux Etats-Unis (capacité installée ou en construction de 330 MW).
Les experts prévoient une montée en puissance très rapide de la filière à concentration qui pourrait disposer d’une capacité installée dans le monde de 1 GW en 2015. Celle-ci reste néanmoins faible par rapport à la filière photovoltaïque traditionnelle utilisant du silicium, et presque négligeable au regard de la production globale d’énergie électrique.
L’intermittence solaire reste encore un obstacle structurel au développement de la filière puisqu’elle conduit nécessairement à doubler ces installations par des moyens de production électrique à partir de gaz, émetteur de CO2. L’amélioration des systèmes de stockage électrique pourra-t-elle faire de la filière solaire une réelle « énergie propre » ?
Enjeu économique
Si, à flux solaire reçu équivalent, le rendement de conversion électrique d’un panneau solaire à concentration est déjà au moins deux fois supérieur à celui d’un panneau à silicium, il n’en est pas de même d’un point de vue économique. Il est en effet nécessaire d’intégrer les coûts supplémentaires attachés aux optiques de concentration, aux trackers d’orientation et à la fabrication de cellules photovoltaïques multicouches.
Les estimations globales actuelles évaluent les coûts potentiels de production électrique par photovoltaïque à concentration à 15 centimes d’euros par kilowattheure, des coûts compétitifs par rapport à ceux du photovoltaïque « classique » mais encore plus de 2 fois supérieurs à ceux du gaz et du nucléaire.
Les LED étant destinées à être produites en masse pour des usages grand public, le coût des cellules à concentration devrait bénéficier d’effets de série substantiels et supplanter à terme les panneaux à silicium.
Potentiel de croissance et emprise au sol
Pour réaliser une centrale de production de 20 MW, il est nécessaire d’utiliser 300 kg de matériaux semi-conducteurs, 3 500 tonnes d’acier et 2 500 tonnes de verre. L’énergie consommée pour transformer ces éléments de base est produite par la centrale en 12 mois, ce qui constitue un cycle de retour énergétique particulièrement court.
Une centrale de 20 MW nécessite une surface de captation de l'ordre de 5 hectares dans des conditions d'ensoleillement optimales (2 500 h d’ensoleillement par an).
Globalement, l’énergie solaire absorbée à chaque instant par l’écorce terrestre est de l’ordre de 7 000 fois l’énergie consommée par les hommes. Par comparaison, l’énergie électrique d’origine solaire produite aujourd’hui par le photovoltaïque est, selon l’AIE, de 2 millièmes de la production électrique mondiale,c'est-à-dire négligeable, tandis que la photosynthèse absorbe environ 0,5% de l’énergie solaire non réfléchie, soit 35 fois la consommation mondiale d’énergie, ce qui est considérable.
Face à l’immensité de la ressource, il existe des marges de progrès substantielles sous réserve que la technologie permette d’obtenir des coûts de production compétitifs et que l’implantation de centrales électriques solaires reste acceptable au niveau environnemental.
Là se situe un des atouts du photovoltaïque à concentration qui, grâce à son bon rendement de conversion, permet de diminuer sensiblement les surfaces de captation des fermes solaires (rapport de 1 à 2 entre photovoltaïque traditionnel et photovoltaïque à concentration).
Acteurs majeurs
L’institut Fraunhofer a beaucoup contribué en Europe au développement des systèmes photovoltaïques à concentration (CPV(3)). Il a essaimé en 2005 en créant la société Concentrix Solar, elle-même rachetée en 2009 par la société française Soitec. Le tandem Soitec/Concentrix partage le leadership du marché mondial des CPV avec les américains Amonix et SolFocus, tous deux installés en Californie. Concentrix et Amonix utilisent des optiques à lentilles de Fresnel, tandis que SolFocus a choisi le miroir Cassegrain.