Éolienne et tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse en Ardèche. (©EDF-Xavier Popy)
Fiscalité carbone et gilets jaunes
En octobre 2018, les prix moyens des carburants dans les stations-service françaises ont atteint 1,52 €/l (dont 56,7% de taxes) pour le gazole et 1,56 €/l (dont 61% de taxes) pour le SP95, soit près de 20% de plus que l’année précédente. Cette hausse était imputable d’une part à l’augmentation annuelle de la fiscalité pesant sur ces carburants mais surtout à la remontée des cours du pétrole brut durant les mois précédents.
La perspective d’un nouveau renchérissement des carburants, avec notamment la hausse de la composante carbone prévue début 2019, a entraîné l’émergence du mouvement des « gilets jaunes », qui a débouché sur plusieurs manifestations nationales à partir de mi-novembre 2018.
Après de premières annonces d’Édouard Philippe (doublement de la prime à la conversion pour les 20% des Français les plus modestes, augmentation du chèque énergie et extension du nombre de bénéficiaires, prime à la conversion pour les chaudières au fioul, etc.), les hausses des taxes sur les prix des carburants, initialement prévues au 1er janvier 2019, ont été annulées.
Pour rappel, les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) intègrent depuis avril 2014 une contribution climat-énergie, « taxe carbone » dont le niveau est censé être rehaussé chaque année (44,6 €/t de CO2 en 2018, montant qui devait être initialement porté à 55 €/t de CO2 en 2019, avec une cible de 86,2 €/t de CO2 en 2022).
Production : meilleure disponibilité du nucléaire, forte progression des renouvelables
(©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
En 2018, les 58 réacteurs du parc nucléaire français ont produit 393,2 TWh, soit 3,7% de plus qu’en 2017 grâce à une meilleure disponibilité des centrales. La part du nucléaire dans le mix électrique est restée relativement stable par rapport aux deux années précédentes, s’élevant à 71,7% de la production en France métropolitaine en 2018 (contre 71,6% en 2017 et 72,3% en 2016).
Pour rappel, le gouvernement retient désormais 2035 comme horizon pour réduire à 50% cette part du nucléaire (objectif qui sera intégré dans une « petite loi énergie » en cours de préparation). RTE note que « le calendrier des visites décennales des centrales reste […] un réel enjeu » dans la gestion de l’équilibre du réseau électrique français.
Deuxième source d’électricité en France, l’énergie hydraulique a connu la plus forte hausse de production des différentes filières en 2018 (+ 27,5%) grâce à « un excédent pluviométrique » (après une année 2017 marquée par de faibles précipitations). Avec 63,1 TWh produits l’an dernier, le parc hydroélectrique a compté pour 12,5% de la production électrique française en 2018.
Parmi les autres filières renouvelables, « la progression de l’éolien et du solaire est également importante » (productions respectivement en hausse de 15,3% et 11,3% en 2018), grâce à la croissance des capacités installées mais aussi à des conditions météorologiques « particulièrement favorables » (pour l’éolien, dont le facteur de charge a atteint en moyenne 21,1% en 2018). L’énergie éolienne a compté pour 5,1% de la production nationale d’électricité en 2018 (contre 1,9% pour le photovoltaïque et 1,8% pour les bioénergies). En 2018, 1 552 MW éoliens ont été raccordés au réseau électrique en France (près de 70% des nouvelles éoliennes ont été fournies par les constructeurs Vestas et Enercon).
Les objectifs de la PPE pour la France métropolitaine continentale - ici indiqués en pointillés pour l'éolien terrestre - doivent être confirmés « par décret d’application à la fin de l’année 2019 », rappelle France Energie Eolienne. (©Connaissance des Énergies, d’après France Energie Eolienne)
L'ensemble du parc éolien de l’UE à 28 – d’une puissance de 178,8 GW à fin 2018 (dont près de 18 GW offshore) – a produit 362 TWh en 2018 selon les données de WindEurope.
En 2018, les facteurs de charge moyens de la filière éolienne dans l'Union européenne ont atteint 22% pour les installations terrestres et 36% pour les parcs offshore. (©Connaissance des Énergies, d’après WindEurope)
Les hausses des productions nucléaire et renouvelable en 2018 et un hiver plus clément qu’en 2017 ont permis « une mobilisation moins importante des installations thermiques à combustible fossile » (production en baisse de 26,8% en 2018). Les unités de production au fioul de Cordemais ont été définitivement arrêtées fin 2018. Rappelons par ailleurs que les dernières centrales « fonctionnant exclusivement » au charbon doivent être fermées d’ici 2022 selon le projet de PPE. Précisons enfin que le gaz, avec 31,4 TWh produits en 2018, reste la 3e source d’électricité en France (5,7% du mix électrique l’an dernier).
L’énergie hydraulique est la principale filière renouvelable productrice d’électricité en France. Près de 2 300 ouvrages hydroélectriques sont répartis sur l’ensemble du territoire, dont 95 disposent d’une puissance comprise entre 50 et 600 MW. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
En 2018, les émissions de CO2 liées à la production électrique en France métropolitaine ont été réduites de 28% grâce aux « progressionsconjuguéesdesproductionsnucléaireethydraulique »
Consommation électrique : une relative stabilité
La consommation brute d’électricité en France métropolitaine a atteint 478 TWh en 2018, soit 0,8% de moins qu’en 2017. Pour rappel, le début d’année dernière avait été « exceptionnellement doux », janvier 2018 étant le plus chaud des mois de janvier depuis 1900. À l’inverse, les températures de février 2018 avaient été inférieures de 2,2°C à la normale saisonnière.
Ces variations de température ont un impact important sur la consommation d’électricité en France, compte tenu de « la composition du parc de chauffage à dominante électrique » : en hiver, chaque degré en moins peut générer au niveau national un appel de puissance supplémentaire de 2 400 MW (gradient thermique) selon RTE. « Corrigée de l’aléa climatique et des effets calendaires » (29 février pour les années bissextiles), la consommation française d’électricité est restée relativement stable au cours des dix dernières années, indique le gestionnaire de réseau.
RTE fait par ailleurs état de « 48,9 GWh d’effacement » en 2018. Pour rappel, un effacement de consommation désigne l’action de baisser temporairement « le niveau de soutirage effectif d’électricité sur les réseaux publics de transport ou de distribution d’un ou de plusieurs sites de consommation, par rapport à un programme prévisionnel de consommation ou à une consommation estimée » (article L 271-1 du code de l’énergie). Les effacements permettent ainsi de réduire l’appel de puissance sur les réseaux lors des pics de demande (hiver). En 2018, la « pointe » a été de 96,6 GW le 28 février à 19h (3e plus important appel de puissance jamais enregistré en France).
La consommation « brute » d’électricité comprend la consommation finale d’électricité mais aussi la consommation des installations de production et les pertes de distribution et de transformation. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
Dans un contexte de hausse de la production et de stabilité de la consommation, la France peut exporter de l'électricité et est redevenue en 2018 « le pays le plus exportateur d’électricité d’Europe (devant l’Allemagne), la progression des exports étant liée à une hausse du prix français plus modérée que ses voisins » selon RTE. Au total, la France a ainsi exporté 86,3 TWh d’électricité vers ses voisins en 2018 et importé 26,1 TWh, RTE faisant état, pour 2018, de seulement « 17 journées importatrices, contre 52 en 2017 ».
En mai 2018, le solde des échanges export-import d’électricité de la France a atteint 7,85 TWh, soit son plus haut niveau mensuel depuis juillet 2014. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
Réseaux de chaleur
Pour rappel, un réseau de chaleur (ou réseau de chauffage urbain) est un système de distribution de chaleur à partir d’une ou plusieurs unités de production et à destination de plusieurs consommateurs. La chaleur est transportée au sein d’un ensemble de canalisations, généralement à l’échelle d’un quartier.
À fin 2018, la France disposait de 781 réseaux de chaleur, d’une longueur cumulée de 5 781 km, répertoriés dans l’enquête 2019 du SNCU. Plus de 40 000 bâtiments – principalement résidentiels et tertiaires – étaient raccordés à ces réseaux de chaleur, soit « 2,42 millions d’équivalents logements ».
Le gaz naturel constitue la première source d’énergie « entrante » de ces réseaux de chaleur (37% du bouquet énergétique en 2018) mais la part des énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) augmente progressivement : cumulées, ces énergies ont compté pour 57,1% du mix des réseaux de chaleur français en 2018 (les unités de valorisation énergétique de déchets et la biomasse ont respectivement compté pour 25% et 22% du mix total en 2018), contre seulement 27% il y a une décennie.
La production totale de chaleur livrée par les 781 réseaux de chaleur a atteint 25,4 TWh en 2018, ce qui correspond seulement à environ 3,3% de la consommation française de chaleur. En matière de « chaleur renouvelable et de récupération », la part des réseaux de chaleur dépasse toutefois 8% au niveau national, précise le SNCU. À ce titre, l'organisation souligne « le rôle central des réseaux de chaleur comme vecteur reconnu de la décarbonation ».
« Pour la cinquième année consécutive, les EnR&R comptent pour plus de la moitié dans le bouquet énergétique » des réseaux de chaleur, précise le SNCU. (©Connaissance des Énergies, d’après SNCU)
La majorité des réseaux de chaleur sont « multi‐énergies » et sont capables de mobiliser plusieurs sources : 67% des réseaux de chaleur, comptant pour 88% des livraisons en 2018, ont fonctionné avec au moins deux sources d’énergie (« le plus souvent une ou plusieurs sources principales, utilisées en continu, et une source d’appoint, mobilisée lorsque la demande en chaleur est plus importante »).
Selon l’enquête du SNCU, le « contenu moyen en CO2 » de la chaleur injectée dans les réseaux de chauffage urbain est de 0,116 kg CO2/kWh, « soit 36% de moins que l’électricité, 50% de moins que le gaz naturel et 61% de moins que le fioul ».
Selon les dernières données du SNCU, les réseaux de chaleur seraient par ailleurs « compétitifs par rapport aux autres modes de chauffage avec un coût global annuel pour un logement moyen, c’est-à-dire fourniture d’énergie, maintenance et amortissements compris, inférieur à celui du gaz collectif et de l’électricité ».
Les livraisons d'énergie « verte » au sein des réseaux de chaleur ont augmenté de près de 40% entre 2014 et 2018. (©Connaissance des Énergies, d’après SNCU)
Précisons par ailleurs que la France comptait 23 réseaux de froid à fin 2018 (202 km de longueur cumulée ; 1,05 TWh de « froid » livré en 2018).
Les émissions de gaz à effet de serre ont diminué d'environ 4%
Ce recul, à 445 M de tonnes équivalent CO2 (contre 465 Mt en 2017), tient en particulier à une baisse des émissions liées à la production d'électricité (-26,9%), du fait d'un hiver doux. En 2017, les chiffres avaient aussi pâti de l'arrêt de réacteurs de centrales nucléaires compensé par d'autres types de productions plus polluantes.
Le secteur résidentiel et tertiaire affiche -6,8%, du fait de cet hiver plus clément, note le Centre technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa), qui produit l'inventaire des gaz et polluants de la France. Le secteur des bâtiments constitue une large part des gaz à effet de serre français (18,6%).
Les transports (30% des émissions totales) affichent -1,6% en 2018, notamment les véhicules particuliers (-3,1%) et utilitaires (-3,6%), toujours selon cette pré-estimation pour 2018.
Explication du Citepa : le recul des livraisons de diesel - les véhicules électriques et hybrides (seulement 6% des immatriculations et du renouvellement du parc) n'ayant en revanche pas encore d'effet aussi net. Quant à l'aérien français (entre deux aéroports français), il croît de 2,6% (légère hausse de la consommation de carburant).
Côté industrie manufacturière (17,5% du total), les émissions baissent (-2,8%) du fait d'une réduction des consommations d'énergies. Elles progressent du côté des cimentiers et des fabricants de verre (hausse de la production).
Présentation de la nouvelle PPE – 14 fermetures de réacteurs nucléaires envisagées d’ici à 2035
Après plusieurs reports, la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de la France a été présentée fin novembre 2018. Elle prévoit entre autres la fermeture de 4 à 6 réacteurs nucléaires d’ici à fin 2028 (en incluant les deux tranches de la centrale de Fessenheim). D’ici à 2035, 14 des 58 réacteurs nucléaires actuellement en service pourraient être arrêtés selon le calendrier envisagé.
Le gouvernement a fixé pour objectif de réduire à 50% la part du nucléaire dans la production électrique française en 2035 (contre 71,6% en 2017), au lieu de l’horizon 2025 initialement fixé dans la loi de transition énergétique(9).
Précisons également que la PPE prévoit d’au moins doubler les capacités électriques renouvelables en France métropolitaine d’ici à fin 2028, à un niveau compris entre 102 et 113 GW (contre 48,6 GW à fin 2017). Rappelons ici que les facteurs de charge – qui déterminent in fine le volume d’électricité produit – peuvent fortement différer d’une filière à une autre, voire d’une installation de production à une autre.
En amont de la présentation de la PPE s’est déroulé un débat public du 19 mars au 30 juin 2018 en France. Dans ce cadre, « 86 rencontres publiques auxquelles ont assisté 8 000 personnes » ont notamment été organisées. Un questionnaire visant à recueillir l’avis des Français sur la politique énergétique nationale a reçu près de 11 150 réponses et 400 citoyens tirés au sort (« G400 ») ont également débattu de la feuille de route énergétique.
Calendrier de fermetures de réacteurs nucléaires présenté par François de Rugy le 27 novembre. (©Connaissance des Énergies)