Chantier de construction du gazoduc Val de Saône entre Etrez et Voisines. (©GRTgaz)
La crise de Covid-19 a « entraîné des conséquences importantes sur le système électrique » en France métropolitaine en 2020, soulignait le gestionnaire de réseau RTE dans son Bilan électrique annuel. La France a entre autres connu deux phases de confinement en 2020 (du 17 mars au 11 mai et du 30 octobre au 15 décembre.
Consommation d’électricité en baisse
En 2020, la consommation brute d’électricité en France métropolitaine s’est élevée à 449 TWh, soit 5,1% de moins qu’en 2019. Cette chute de la consommation est « à la fois imputable à la crise sanitaire et à des températures globalement plus douces » (+ 0,97°C par rapport à la « température moyenne de référence), précise RTE. . Corrigée des aléas climatiques, la consommation française d’électricité aurait baissé de 3,5% en 2020 par rapport à 2019 selon RTE.
Précisons que la consommation électrique de la « grande industrie » a été particulièrement affectée en France (baisse de plus de 10%), avec l’arrêt de nombreux sites de production. RTE évoque même des chutes « de 20 à 25% » de la consommation annuelle des secteurs de la construction automobile, de la sidérurgie ou des transports ferroviaires.
La consommation du secteur résidentiel est quant à elle restée « stable par rapport à 2019 », avec une augmentation de près de 5% au cours du premier confinement liée à la présence renforcée des occupants dans leurs logements et une utilisation plus importante des équipements informatiques et de cuisson notamment.
En 2020, le secteur résidentiel a compté pour près de 38% de la consommation finale d’électricité en France métropolitaine selon RTE. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
L’année 2020 a été par ailleurs marquée par le « plus faible creux de consommation observé depuis 2003 » (28,7 GW le 10 mai).
Production d’électricité aussi en baisse
La production d’électricité en France métropolitaine s’est élevée à 500,1 TWh en 2020, soit 7% de moins qu’en 2019 (et le plus bas niveau depuis 20 ans). Cette chute de la production est liée à celle de la consommation et à une moindre disponibilité du parc nucléaire, souligne RTE. Le premier confinement a conduit à un allongement des durées de maintenance des réacteurs nucléaires, puis à une reprogrammation des arrêts dans l’optique de maximiser la disponibilité du parc à l’hiver.
La production française d'électricité était décarbonée à près de 92,5% en 2020. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
Recul historique de la filière nucléaire
L’énergie nucléaire a compté pour 67,1% de la production totale d’électricité en France métropolitaine en 2020 mais la filière a connu un « recul historique », générant 11,6% d’électricité en moins qu’en 2019 (335,4 TWh en 2020, plus bas niveau de production depuis 1993).
RTE estime que plus des trois quarts du déficit de production de la filière est « lié directement à la crise Covid » qui aurait induit une indisponibilité moyenne supplémentaire de 3,9 GW. S’y ajoute la fermeture des deux réacteurs de 900 MW de la centrale de Fessenheim (aux mois de février et juin), qui a réduit la puissance du parc nucléaire français pour la première fois depuis 2009 (de 63,1 GW à 61,4 GW).
Centrales thermiques
La production des différentes centrales thermiques à combustible fossile (gaz, fioul et charbon) a également reculé de 10,6% en 2020 (portant leur part dans la production française d’électricité à 7,5% en 2020).
La production d’électricité à partir du charbon a notamment « atteint un plus bas historique de 1,4 TWh » en 2020, qui s’explique selon RTE « surtout par un espace économique aujourd’hui réduit pour ces centrales dans un contexte de baisse globale de la consommation et par le prix du carbone » (la France est censée « sortir » du charbon à l’horizon 2022).
Hausse des renouvelables
La production d’électricité d’origine renouvelable a en revanche sensiblement progressé en 2020, comptant pour 26,9% de l’ensemble de la production annuelle d’électricité en France. Les filières renouvelables ont produit 120,7 TWh d'électricité en France métropolitaine, soit 10,4% de plus qu'en 2019 et environ 47% de plus qu'en 2012.
La production des filières éolienne et solaire évolue sensiblement au cours de l'année, en fonction des conditions météorologiques. (©Connaissance des Énergies, d'après Panorama de l’électricité renouvelable)
Pour accompagner la croissance des filières à production intermittente, l’essor des solutions de stockage est indispensable : RTE évoque un parc de stockage de « 4 850 MW dont 4 810 MW de type hydraulique y compris marin et 40 MW de batterie […] stable par rapport à l’année dernière ».
L’hydroélectricité, dont la production a augmenté de 8,4% par rapport à 2019 grâce à « un stock élevé dès le début de l’année » grâce aux bonnes conditions hydrologique, reste de loin la principale filière renouvelable productrice d’électricité en France et la 2e filière toutes énergies confondues (60,8 TWh soit 13% du mix électrique en 2020).
Parmi les faits marquants de 2020, RTE souligne que l’éolien est devenu « pour la première fois la 3e source de production d’électricité en France », devant le gaz. La filière éolienne produit au total 39,7 TWh en 2020 sur le territoire métropolitain (+ 17,3% par rapport à 2019 ; 32,9% du mix électrique renouvelable en 2020) tandis que la filière solaire a généré 12,6 TWh (soit une hausse de « seulement » 2,5% par rapport à 2019 ; 10,4% du mix électrique renouvelable en 2020). Précisons enfin que les bioénergies ont généré 7,6 TWh en 2020, avec une production « en légère baisse de 0,3% par rapport à 2019 ».
Les centrales photovoltaïques de plus de 1 MW comptent pour près de la moitié des capacités solaires photovoltaïques raccordées aux réseaux de RTE et Enedis à fin juin 2020. (©Connaissance des Énergies, d'après France Territoire Solaire)
La France toujours exportatrice nette d'électricité
Précisons enfin que la France est restée en 2020 « le pays le plus exportateur d’électricité en Europe » (77,8 TWh d’exportations, 34,6 TWh d’importations) malgré un recul de 7% de ses exportations.
En 2020, la Suisse est le pays vers lequel la France a exporté le plus d'électricité. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
Baisse de la consommation de gaz : l’« effet climat » plus fort que la crise sanitaire
La consommation brute de gaz naturel en France a atteint 445 TWh en 2020 selon GRTgaz, ce qui correspond à une baisse de 7% par rapport à 2019. Si cette baisse ne constitue en soi « pas une surprise » selon le directeur général de GRTgaz Thierry Trouvé, ses causes méritent d’être précisées : c’est en effet avant tout le climat très doux (l’année 2020 est la plus chaude jamais enregistrée en France depuis 1900) qui est responsable de la baisse de consommation, souligne GRTgaz, bien plus que la crise sanitaire et économique.
Seule la consommation industrielle - qui compte pour près de 30% de la consommation gazière française et qui a chuté de 5,6% en 2020 - fait exception à ce constat.
Près des trois quarts de la chute de consommation gazière liée aux distributions publiques et régies sont imputables au climat selon GRTgaz. (©Connaissance des Énergies, d'après GRTgaz)
Les centrales électriques au gaz ont pour leur part produit 44 TWh en 2020, soit environ 11,4% de moins qu’en 2019 mais GRTgaz souligne qu’elles ont été « appelées tout au long de l’année » comme unités de production pilotables et ont ainsi « contribué à l’intégration dans le système électrique de la production éolienne et solaire intermittente, et à compenser la baisse significative de la production nucléaire (-12%) ».
Face à la baisse de la consommation, les importations française de gaz ont fortement chuté, par gazoducs (- 15,4%, 341 TWh en 2020, plus bas niveau depuis 2010) comme sous forme de GNL (- 18,6%, 179 TWh). GRTgaz précise toutefois que les importations françaises de GNL ont été « soutenues lors des 9 premiers mois de 2020 » avant que « la hausse des prix asiatiques détourne les cargaisons de l’Europe » au dernier trimestre (les prix asiatiques ont dépassé 50 €/MWh en fin d'année).
GRTgaz note également une hausse des soutirages de gaz à partir des sites de stockage souterrains (« bien remplis en début d’hiver »), ce qui a permis « d’amortir les effets haussiers des prix mondiaux » sur le marché gazier en décembre 2020. La France est « devenue le marché le moins cher en Europe » pour le gaz selon Thierry Trouvé, avec une moyenne de 9,24 €/MWh en 2020.
Le prix du gaz sur le marché français en 2020 témoigne, selon GRTgaz, de la « réussite » de la zone de marché unique créée en novembre 2018. (©Teréga)
Le gestionnaire de réseau mentionne par ailleurs une forte progression du GNL carburant « notamment pour la mobilité », avec une hausse de 30% des chargements de gaz naturel liquéfié en 2020 (11 149 camions-citernes chargés en GNL à partir des terminaux méthaniers) par rapport à 2019 pour alimenter des stations-service et des industriels non raccordés au réseau.
Les investissements de GRTgaz en France se sont élevés à 386 millions d’euros en 2020. Ceux-ci sont pour plus de 40% consacrés à la maintenance et la sécurité de son réseau (Teréga gère le réseau de transport sur la partie sud-ouest de la France) tandis que ceux dédiés à la « transition énergétique » (biométhane, GNV, hydrogène, etc.) ont connu une forte augmentation en 2020 (+ 29% par rapport à 2019) même s’ils ne constituent encore qu’environ un dixième des investissements annuels de GRTgaz (40 millions d’euros en 2020).
GRTgaz met en avant une contribution croissante du gaz à la transition énergétique dans les transports. Le gestionnaire de réseau prend ainsi comme exemple révélateur l’évolution de la stratégie de la RATP qui envisageait initialement de disposer à l’horizon 2025 d’une flotte composée de 80% de bus électriques et de 20% de bus alimentés au bioGNV et qui, « pour des raisons pratiques » envisage désormais une répartition à parts égales entre bus électriques et bioGNV.
GRTgaz, qui juge l’année 2020 « particulièrement riche pour le gaz renouvelable », fait état de 214 sites de biométhane en service en France à fin 2020 (soit une hausse de 74% par rapport à fin 2019), dont 21 raccordés au réseau GRTgaz. La capacité de production de biométhane en France s’est élevée à « 3,9 TWh en 2020 », soit une hausse de 75% par rapport à 2019.
Le gestionnaire du réseau de transport gazier travaille par ailleurs sur « l’accueil croissant des productions d’hydrogène et de gaz de synthèse en France », mentionnant entre autres 30 demandes de raccordement pour injecter ces gaz sur son réseau à fin 2020. Parmi les faits notables de 2020, GRTgaz souligne également le début des injections d’hydrogène du projet Jupiter 1000 en février dernier.
Dans la nouvelle PPE adoptée en 2020, les pouvoirs publics fixent une cible de 6 TWh de biométhane injecté dans les réseaux gaziers français en 2023 (contre 8 TWh dans l’ancienne PPE) et une fourchette 14 à 22 TWh injectés en 2028. (©Connaissance des Énergie, d’après Sia Partners)
Un marché de détail de l'énergie qui continue de s'ouvrir
Près de 89% des Français savent en 2020 qu’il est « possible de changer de fournisseur » d’électricité ou de gaz et 71% des répondants au baromètre Energie-Info déclarent connaître les démarches pour changer de fournisseur, « soit 5/6 points de plus que l’année dernière et deux fois plus qu’en 2015 ». Près de 52% des Français « ont déjà changé, envisagent de changer ou ont envisagé de changer de fournisseurs d’énergie », précise le médiateur de l’énergie.
Près de 71% des Français indiquent que les factures d’énergie constituent un poste « assez important » ou « très important » de leur budget. Le médiateur national de l’énergie s’inquiète de la hausse des foyers déclarant « avoir rencontré des difficultés pour payer » certaines de ces factures : 18% en 2020, contre 10% (enquête sur internet) à 13% (enquête par téléphone) en 2019. Plus de la moitié des répondants indiquent avoir restreint le chauffage chez eux au cours de l’hiver dernier pour ne pas avoir des factures « trop élevées » (20% « systématiquement » et 33% « parfois »).
Prix du pétrole en forte baisse
En 2020, le prix du baril de Brent a atteint 41,75 $ en moyenne, soit une baisse de plus de 35% par rapport au niveau de 2019 (64,34 $/b). Il a chuté à 18,4 $/b en moyenne au mois d’avril 2020, « au plus fort du confinement », rappelle Olivier Gantois, président de l’UFIP. Ce dernier rappelle deux grands facteurs ayant eu un impact majeur sur les cours du pétrole : les décisions de confinement/déconfinement affectant la demande et les réductions de l’offre par le groupe « OPEP+ » (OPEP et 10 autres producteurs dont la Russie).
Au total, la consommation de produits pétroliers en France (tous confondus) a avoisiné 61 millions de tonnes en 2020 selon les estimations de l’UFIP, soit près de 16% de moins qu’en 2019. Au niveau mondial, la demande mondiale de pétrole a chuté de 8,8% en 2020 par rapport à 2019.
La marge brute de raffinage – qui correspond à la différence entre le prix de vente des produits raffinés (sur un marché comme celui de Rotterdam) et les coûts avant raffinage (prix du brut acheté, assurance et pertes) – s’est écroulée à un niveau de 11 € par tonne en moyenne en 2020 (contre 28 €/t en 2019), alors qu’un niveau « entre 25 et 30 €/t » est nécessaire, selon Olivier Gantois, pour couvrir les frais des raffineurs et l’amortissement de leurs investissements.
Cette marge brute a même été négative certains mois de 2020 (avril, mai et août) selon l’UFIP, dans un marché en surcapacité. Pour rappel, 8 raffineries sont en service en France, auxquelles s’ajoute une bioraffinerie.
Stations-service et prix des carburants
À fin 2020, la France comptait 11 160 stations-service sur son territoire, contre 11 193 à fin 2019. Cela confirme la quasi-stabilisation de leur nombre ces dernières années, après plusieurs décennies de forte chute (près de 47 500 stations-service en France en 1975). La part de marché de la grande distribution continue de s’accroître (62,9% à fin 2020).
En 2020, les prix du gazole et du SP95 ont respectivement atteint en moyenne 1,26 €/l (avec un point bas de 1,16 €/l début mai) et 1,35 €/l (1,23 €/l début mai). Les taxes ont compté pour près de 70% du prix de ces carburants à la pompe (en incluant le coût des certificats d'économies d'énergie). Selon l'UFIP, « la TICPE équivaut à une taxe carbone de l’ordre de 300 €/t CO2 pour l’essence et 223 €/t pour le gazole ».
Émissions de CO2 mécaniquement en baisse
Les émissions de CO2 du secteur électrique français ont diminué d’environ 9% en 2020 par rapport à 2019, grâce au fort recul de la production thermique à combustible fossile. Elles constituent « seulement 5% des émissions totales de CO2 en France », souligne RTE.
Précisons que la production décarbonée du secteur électrique français « n’a pas augmenté de manière significative depuis les années 2000 » : la production hydraulique est « quasiment stable depuis 30 ans » tandis que la production nucléaire diminue progressivement depuis 2005, avec en parallèle une hausse des productions éolienne et solaire.