La production du parc nucléaire français s'est élevée à 360,7 TWh en 2021, soit 8% de plus qu'en 2020 mais 5% de moins qu'en 2019. (©EDF-Sophie Brandstrom)
2021 a été le début d'une crise de l'énergie sans précédent en France et en Europe. Les conséquences sur les factures ne se sont faites essentiellement ressentir qu'à partir 2022.
Prix de l'énergie en forte hausse
Les prix de l'énergie ont augmenté principalement à cause de la hausse des prix du gaz, résultant de facteurs conjoncturels comme la baisse des stocks européens après un hiver long et la gestion des approvisionnements par la Russie, qui a limité ses exportations pour des raisons stratégiques.
En parallèle, des causes structurelles, telles que le sous-investissement dans l'industrie pétro-gazière et la montée de la demande en Asie, ont accentué cette situation, menant à une hausse généralisée des coûts de l'énergie, notamment pour le gaz et l'électricité en Europe, et augmentant la pression sur les ménages et les industries.
L'explosion des prix de l'électricité constitue l'un des faits majeurs de 2021 : le prix journalier moyen français s'est élevé à 109,2 €/MWh l'an dernier, indique RTE (contre 32,2 €/MWh en 2020), tiré par « la forte augmentation du prix du gaz, entrainant avec lui celui du charbon et du CO2 sur le marché des quotas européens ». Il est rappelé que « la France a été concernée par ces prix du fait de la nature interconnectée du système électrique européen et d’autant plus qu’elle s’est fréquemment trouvée en situation d’importation durant l’année 2021 ».
Remontée de la consommation d’électricité
La consommation d’électricité en France métropolitaine « corrigée des aléas climatiques et des effets calendaires » a atteint 468 TWh en 2021, soit 1,7% de plus qu’en 2020 (- 1,8% par rapport à 2019). La hausse de la consommation est naturellement liée à la reprise économique : la demande du secteur industriel a en particulier augmenté de 8% en 2021 par rapport à 2020, avec toutefois de fortes disparités d’une filière à une autre (+ 20% pour la sidérurgie).
Le gaz représentait 35,4% de la consommation énergétique industrielle, devant l'électricité (34,9%), les produits pétroliers (10,4%), la vapeur (7,2%), le bois (6,1%), et les dérivés du charbon comme la houille, le coke ou le lignite (3,2%).
Production d’électricité en hausse
La production d’électricité en France métropolitaine s’est élevée à 522,9 TWh en 2021, soit 4,5% de plus qu’en 2020 (mais toujours 2,7% en deçà du niveau de 2019). Elle a reposé à près de 69% sur le parc nucléaire, dont la production a augmenté de 8% en 2021, « malgré une faible disponibilité de réacteurs en fin d’année ». Principale source de production, l'atome, a fourni 361 TWh.
En ce qui concerne les renouvelables, le parc solaire français a connu en 2021 une forte hausse des installations (+ 2,7 GW) et de sa production (+ 13% par rapport à 2020) tandis que les productions éolienne et hydraulique ont respectivement baissé de 7% et 5% en raison de conditions météorologiques défavorables.
La production française d'électricité d’origine fossile a quant à elle progressé de 3% par rapport à 2020 mais reste inférieure de 8% au niveau de 2019. « La fin de l’année 2021 a été marquée par un recours plus fréquent aux centrales à charbon au détriment de celles à gaz en raison de la très forte augmentation du prix du gaz sur les marchés [...] la production d’électricité à base de charbon demeure néanmoins marginale en France », précise RTE.
Une forte hausse des capacités installées de renouvelables
En France métropolitaine, « la puissance totale du parc électrique EnR – hydroélectricité, éolien, solaire photovoltaïque, et bioénergies confondus – s’élève, fin 2021 à 59 781 MW », selon les dernières données des gestionnaires de réseaux. Soit près de 4 GW de plus qu'à fin 2021.
Cette hausse record des capacités renouvelables installées en France métropolitaine provient principalement du solaire photovoltaïque : pour cette filière, « le niveau de raccordement de 2021, 2 687 MW, a été trois fois supérieur à celui de 2020 (877 MW) tandis que le dernier trimestre 2021 a atteint un plus haut niveau historique avec 761 MW mis en service, soit presque autant en trois mois que sur toute l’année 2020 ». Un rythme de développement toutefois toujours insuffisant pour atteindre l'objectif de la PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie) d'un parc solaire de 20,1 GW de puissance à fin 2023 (ce qui nécessiterait le raccordement de 3 500 MW solaires par an en 2022 et 2023).
Ces données de capacités installées permettent de mesurer la progression des installations de chaque filière. Elles doivent toutefois être rapportées aux facteurs de charge – qui varient sensiblement d’une filière à une autre (mais aussi d’une installation à une autre et d’une période à une autre en fonction des ressources disponibles) – pour connaître in fine la production associée.
En 2021, la production d'électricité d'origine renouvelable en France métropolitaine s'est élevée à 117,5 TWh, soit près de 3% de moins qu'en 2020 (121,2 TWh). La baisse de la production renouvelable est liée à des conditions météorologiques défavorables pour l'éolien (36,8 TWh, -7%) et l'hydraulique (62,5 TWh, -5%).
Au total, « les énergies renouvelables ont participé à hauteur de 25% à la couverture de la consommation d’électricité de France métropolitaine au cours de l’année 2021 » selon le SER, contre 27% en 2020 (la consommation globale d'électricité en France ayant augmenté par ailleurs en 2021).
La production de la filière éolienne a en particulier chuté de 7,2 % en 2021 - malgré une hausse de 1 202 MW des capacités éoliennes raccordées en France métropolitaine durant cette année - par rapport à 2020 « qui avait été marquée par des vents exceptionnels et un record de production éolienne » (la production éolienne de 2021 est en hausse de 8,9% par rapport à l'année de référence 2019, précise le SER).
Le parc hydroélectrique a également vu sa production baisser (de 4,5% en 2021 par rapport à 2020) mais il a encore compté pour près de la moitié de la production d'électricité d'origine renouvelable en France métropolitaine en 2021.
La production solaire photovoltaïque a en revanche fortement augmenté, mais sa contribution reste encore limitée : la filière a compté pour 11,3% de la production électrique d'origine renouvelable en France métropolitaine entre début octobre 2020 et fin septembre 2021.
Pour rappel, l'hydroélectricité reste de loin la première filière renouvelable productrice d'électricité en France métropolitaine (50,8% « en année glissante »).
En 2021, 151 nouveaux sites d’injection de biométhane ont été mis en service en France (contre 91 en 2020), portant leur nombre total dans l'hexagone à 365 sites en fin d’année. La production française de gaz renouvelable s'est élevée en 2021 à 4,4 TWh (soit 97% de plus qu'en 2020) et la capacité maximale annuelle d’injection de ce gaz s'élevait à 6,4 TWh à fin 2021 (soit une hausse de 64% par rapport à fin 2020).
Le gaz renouvelable « sera la seule énergie renouvelable à atteindre, en avance, les objectifs fixés par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) à horizon 2023 » (objectif annuel de 6 TWh injecté), se félicite la filière.
Pour rappel, le « biogaz » ou « gaz renouvelable » est produit principalement par méthanisation de déchets organiques fermentescibles (effluents d'élevages, déchets municipaux, etc.). Il est utilisé à des fins de production de chaleur ou d’électricité mais peut également être injecté dans les réseaux gaziers après avoir été purifié et odorisé : il est alors qualifié de « biométhane » (ou de « bioGNV » lorsqu’il sert à alimenter des véhicules comme carburant).
Le contexte géopolitique et le souhait de réduire la dépendance aux importations gazières plaident fortement en faveur du soutien au gaz renouvelable.
Reprise de la consommation de produits pétroliers
La consommation de produits pétroliers en France (tous confondus) a avoisiné 67 millions de tonnes en 2021 selon les estimations d'Ufip Énergies et Mobilités, contre 62 Mt durant l'année 2020 marquée par l'épidémie de Covid-19 et 73 Mt en 2019.
Au niveau mondial, la demande mondiale de pétrole est remontée de 5,4% en 2021 par rapport à 2020 mais reste inférieure de 3,3% au niveau de 2019.
Hors effets de l'épidémie de Covid-19, Ufip Énergies et Mobilités note « une lente réduction de la consommation des produits pétroliers en France, qui continue à être décorrélée du PIB ».
En 2021, les prix du gazole et du SP95 ont respectivement atteint en moyenne 1,43 €/l (contre 1,26 €/l en 2020) et 1,55 €/l (contre 1,35 €/l en 2020) en France. Les taxes ont compté pour près de 60% de ces prix à la pompe en 2021.
La renaissance du bioéthanol
Les ventes de bioéthanol (E85), carburant économique où de l'alcool pur remplace en grande partie l'essence, ont fortement progressé en France en 2021 face à la hausse des prix des autres carburants.
Par rapport à 2020, les ventes d'E85 ont augmenté de 33% l'an dernier, contre + 21% pour l'essence. Avec 468 000 mètres cubes consommés en 2021, l'E85 représente désormais 4% des ventes d'essence. L'E85 est très faiblement taxé: à 0,75EUR le litre en moyenne, il reste deux fois moins cher que l'essence à la pompe (malgré une augmentation ces derniers mois) et à l'usage (en dépit d'une consommation supérieure de 25%).
Désormais, 30% des stations-service françaises proposent de l'E85. 30 000 automobilistes ont installé un boîtier de conversion sur leur véhicule l'an dernier, soit deux fois plus qu'en 2020. 6 000 véhicules neufs adaptés en 2021 ont été vendus.
A l'usage, avec l'ajout d'un boîtier sur un moteur essence, il réduit de 30 à 50% les émissions de CO2 par rapport aux carburants traditionnels.
Augmentation de la consommation d'hydrogène
En 2021, la consommation d'hydrogène par l'industrie a fait un bond de 40% en France après une baisse de 25% en 2020. 95% de l'hydrogène est consommé dans le secteur de la chimie, gros utilisateur de gaz naturel qui a augmenté la part de l'hydrogène de 2% à 3% dans sa consommation énergétique en 2021.
Globalement néanmoins, l'hydrogène ne représentait en 2021 que 0,6% de la consommation énergétique de l'industrie.
Émissions de gaz à effet de serre
D’après les chiffres de l’inventaire national, les émissions brutes de gaz à effet de serre sur le territoire ont atteint 418 Mt de CO2éq, soit une hausse de 6,4% relativement à 2020. Cette hausse fait suite à la chute de 9,6 % des émissions en 2020, provoquée par les mesures de confinement. Par rapport à 1990, nos émissions brutes sont en recul de 23%.
En 2021, les émissions résultant du transport domestique rebondissent de 10,5% après la chute de 16,5 % provoquée en 2020 par le confinement. Le rattrapage n’est donc que partiel. Seuls les chiffres de 2022 permettront de juger si les émissions de ce secteur repartent à la baisse après le plateau sur lequel elles semblent bloquées depuis 2008.
Comme le rappelle Christian de Perthuis, "les données historiques montrent combien le transport domestique est en décalage par rapport aux autres émissions (graphique). A l’origine de 23 % des émissions en 1990, le transport domestique représente 30 % des émissions en 2021. 95 % de ces émissions proviennent du transport routier : 53% des véhicules particuliers, 26% des poids lourds et 13% des véhicules utilitaires légers. On ne décarbonera pas l’économie sans une action vigoureuse dans ce secteur."
L’une des grandes surprises de l’inventaire 2022 du CITEPA est la correction à la baisse de l’estimation du puits de carbone forestier. Jusqu’en 2015, la correction réévalue le montant annuel de la quantité de CO2 absorbée par le puits de carbone forestier qui s’effondre en 2000 en raison des tempêtes Lothar et Martin, puis passe par un maximum en 2006 . Sur la période récente, le chiffre est dramatiquement revu en baisse, si bien que la quantité nette de CO2 absorbée par le puits de carbone national retombe en 2021 à pratiquement la moitié de celle de 1990.
"C’est une très mauvaise nouvelle pour la cible de neutralité climat en 2050" selon Christian de Perthuis.
Les émissions françaises de gaz à effet de serre liées à la production d'électricité se sont élevées à 18,8 Mt équivalent CO2 en 2021 soit un niveau proche de celui de 2019 et en légère augmentation par rapport à celui de 2020 (+1,7 Mt CO2). Près de 72% provenant des centrales à gaz.
En 2021, 92,2% de la production d'électricité en France métropolitaine était décarbonée (le volume annuel d'électricité « décarbonée » produit en France est stable depuis les années 2000) : « l’intensité carbone du mix électrique français demeure donc l’une des plus faibles du monde (intensité carbone de 36 g CO2/kWh, soit 6 fois moins que la moyenne européenne) », souligne RTE.
Échanges d'électricité avec l'étranger
En 2021, la France était toutefois encore « le pays le plus exportateur d'électricité d’Europe, avec un solde maintenu à un niveau quasiment identique à celui de 2020 » : 87 TWh d'exports. RTE souligne pour cette année « une forte volatilité des flux : les volumes d’exports ont été au plus haut depuis 2017 tandis que les volumes d’importation en 2021 ont atteint 44 TWh (+27 % par rapport à 2020, + 55 % par rapport à 2019), leur plus haut niveau depuis dix ans ».