L'électricité 3 fois plus chère pour les usages domestiques que pour les futurs e-fuels destinés à l'aviation

Jean-Baptiste Jarin

Laboratoire TREE (TRansition Energétique et Environnementale) de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour

Dans le cadre de la transition énergétique, l’aviation se tourne vers des e-fuels nécessitant des volumes importants d’électricité bas carbone pour être produits. Or, cette électricité est bien moins taxée que l’électricité destinée à des besoins « primaires », tels que le chauffage ou l'éclairage, comme le détaille mon étude publiée dans Climate Policy(1).

Cette situation constitue une injustice énergétique majeure, sachant que les 1% les plus riches de la population au sein de l’UE sont responsables de 66% de la distance globale actuellement parcourue en avion. Concrètement, le transport aérien est presque inexistant pour 50% des citoyens de l'UE, et même très limité pour 90% d'entre eux. Et ce sont in fine les 10% les plus riches, environ 45 millions de personnes, qui génèrent 88% des émissions de CO2 eq. du transport aérien.

Les Européens et la mobilité aérienne

Prenons l’exemple de la France (la méthodologie et les principales conclusions suivantes peuvent être transposées à d’autres pays(2)) : l’électricité qui y est consommée par les ménages à leur domicile (besoins primaires(3) : se chauffer, s’éclairer, se nourrir) ou pour recharger des véhicules électriques (besoins dits secondaires, comme la mobilité courte distance pour des besoins professionnels et sociaux) est environ trois fois plus chère que l'électricité destinée aux besoins tertiaires (les moins essentiels comme la mobilité longue distance), tels que la production d’e-fuels pour l’aviation, et ce principalement en raison des politiques fiscales.

Les données retenues dans l’étude portent sur 2019 (soit avant les crises Covid et impact sur les prix de l’énergie suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les impacts de ces crises perturbant très sensiblement le prix de l’électricité dans la zone UE) et démontrent que :

  • l'électricité destinée aux besoins des ménages et à la mobilité locale coûtait en moyenne 194 €/MWh , soit trois fois plus que l'électricité utilisée pour produire des e-fuels destinés au secteur aérien (65,5 €/MWh) ;
     
  • ce sont pour l’essentiel les politiques fiscales qui expliquent cet écart : les taxes s’élevaient à 120 €/MWh pour les ménages (en incluant le tarif TURPE couvrant les coûts de transport et de distribution), contre 11,2 €/MWh pour l’aérien puisque l’électricité destinée à la production d’ e-fuels est notamment exemptée de l’accise sur l’électricité et de la TVA, les installations électro-intensives bénéficiant d’une taxation faible ou nulle, et le produit final, considéré comme jet fuel, n'étant pas non plus taxé).
Fiscalité pesant sur l'électricité

Il convient de rappeler ici quelques ordres de grandeur. En moyenne, l’ensemble des besoins primaires (chauffage, éclairage,…) et secondaires (ici représentés par l’utilisation d’une voiture électrique) d’un Français s’élèvent à environ 5 000 kWh par an. Un unique aller-retour entre Paris et New-York, pour un avion alimenté en e-fuel, représente 7 300 kWh par passager, soit presque moitié plus.

Concernant la production, produire 1 kg d'e-fuel requiert entre 23 et 28 kWh selon les études. Le monde consommant actuellement 4 500 Mt de pétrole par an, cela supposerait environ 120 000 TWh, soit 4 fois la production globale d'électricité. Si, comme cela semble souhaitable, ce vecteur énergétique était réservé à la seule mobilité aérienne, il faudrait, de par les coproduits associés lors de la production, environ 37 kWh par kg. Convertir la mobilité aérienne en totalité à l’e-fuel, plus de 300 Mt, nécessiterait alors environ 12 000 TWh au niveau mondial, soit la moitié de la production actuelle, et un quart de celle projetée d'ici à 2050. Ce sont des volumes très significatifs, et cela pourrait inciter à prioriser les SAF produits à partir de la biomasse (ces derniers présentant par ailleurs un meilleur taux de retour énergétique)

Pour une plus grande justice climatique

L'Union européenne a récemment introduit l'obligation d'incorporer des e-fuels pour la mobilité aérienne dès 2030. Comme ces nouveaux vecteurs énergétiques basés sur l’électricité ne dépassent pas encore le stade des études, ma recommandation vers les principaux décideurs politiques serait de prendre des dispositions quant à la fiscalité pour ne pas interférer avec la justice énergétique, tout en permettant à cette technologie d’éclore dans les prochaines années.

La transition énergétique doit être juste, et il me semble que les futurs taux d'imposition devraient plus largement être proportionnels à la finalité de l'énergie, et je propose d’ailleurs dans l’étude que cela devienne un pilier de la justice énergétique.

En qualité de chercheur, je défends que la neutralité technologique est rarement pertinente et que c’est l’efficacité énergétique qui devrait guider nos politiques publiques et nos investissements. Le transport terrestre peut et doit s’électrifier et il serait contre-productif d’utiliser un vecteur énergétique comme l’e-fuel pour ce secteur (le rendement énergétique étant proche de 15%, contre 85% pour un véhicule électrique) : les effets d’échelles, comme les coûts, démontrent que ce n’est pas réaliste.

Une production d’e-fuels même « raisonnable », signifie plusieurs milliers de TWh à l’échelle mondiale...

À l’inverse, pour les secteurs difficiles à décarboner, comme l’aérien et le maritime, une production raisonnée, en complément des vecteurs énergétiques produits à partir des biomasses de seconde génération (déchets ligno-cellulosiques et huiles de cuisson usagées notamment), me semble possible. Raisonnée car une production massive de ces e-fuels pourrait sensiblement accroître les inégalités par les effets de l’offre et de la demande. En effet, une production d’e-fuels même « raisonnable », signifie plusieurs milliers de TWh à l’échelle mondiale, ce qui pourrait perturber les marchés et induire une pression à la hausse sur les prix. Cet effet à déjà été observé dans la production de biocarburants, il conviendrait donc d’y être très attentif.

Reste à savoir où taxer dans la chaîne de valeur. C’est une question particulièrement importante car, si l’e-fuel serait le moins mauvais des vecteurs énergétiques basés sur l’électricité pour la mobilité aérienne (en comparaison de l’hydrogène ou de l’électrification directe avec batteries), son taux de retour énergétique reste négatif, et, sa production requiert d’importants volumes d’électricité, à faible teneur en carbone et à facteur de charge élevé : peu de pays disposent de cette combinatoire, et à ce titre, l'UE dispose d'atouts considérables pour devenir un producteur potentiel, plutôt qu'un importateur.

Ce serait donc très probablement sur le produit final (carburéacteur) que devrait porter la taxation, plutôt que sur l’électricité. L’outil à privilégier au sein de l’UE serait l’ETD (Energy Tax Directive), qui reste en discussion au sein de la Commission européenne. 

Sources / Notes

  1. Comparing electricity policies between the primary and tertiary needs:the need for distributive justice within the energy transition, Jean-Baptiste Jarin. 
  2. Bien qu'elle soit basée sur la réglementation européenne, ici appliquée à la France, la méthodologie et les conclusions de mon étude peuvent être transposées à d'autres pays, et à d'autres vecteurs énergétiques basés sur l'électricité, tels que la production d’hydrogène.
  3. La hiérarchie des besoins (Green, Citation 2000) permet de classer les besoins en fonction de leur degré d'urgence dans notre vie. 
    Les besoins primaires comprennent les besoins vitaux et de base, ou encore les besoins physiologiques et la sécurité. Il faut pouvoir les satisfaire sous peine d'affecter sa survie. La respiration, la nourriture, la boisson, l'habillement et le logement entrent dans cette catégorie. La plupart de ces besoins primaires nécessitent de l'électricité dans notre monde moderne et le chauffage, la cuisine ou l'éclairage sont ici pris en compte. 
    Les besoins secondaires ne sont pris en compte que lorsque les besoins primaires sont continuellement satisfaits. Il s'agit de besoins moins essentiels (de la survie à la vie) tels que les rencontres avec des amis, l'éducation, le travail et les déplacements. La mobilité locale entre dans cette catégorie et le chargement d'une voiture électrique est considéré ici. 
    Les besoins tertiaires sont les besoins les moins essentiels et apparaissent lorsque nous pouvons satisfaire continuellement la totalité de nos besoins primaires et secondaires. Le luxe, les voitures de sport et les vacances à l'étranger sont des besoins tertiaires. La mobilité à longue distance, telle que l'aviation, entre dans cette catégorie et la production d’e-fuel pour l'aérien est retenu dans cette étude.
     

Le droit des mobilités, ouvrage sous la direction de Sébastien Martin et Louis De Fontenelle.

L'émergence de la mobilité aérienne décarbonée : dynamiques, conflits d'usages et justice énergétique, Jean-Baptiste Jaurin.

Techno-Economic Comparison of Low-Carbon Energy Carriers Based on Electricity for Air Mobility, Jean-Baptiste Jarin, Stéphane Beddok et Carole Haritchabalet.

Commentaire

Serge Rochain
Voilà qui est frappé au coin du bon sens. Le transport terrestre a déjà parfaitement trouvé SA solution avec les BEV à l'exclusion d'autres solutions qui ont toute le défaut du piètrte rendement. L'aerien peut pour les courts courriers trouver également une solution BEV surtout si les batteries continuent à progresser comme elles l'ont fait ces dix dernieres années. Une solution mix e-fuel/BEV semble judicieuse et à développer. Le transport maritimes peut sans doute intégrer une part éolienne non négligeable, les surfaces étant importantes, une part de solaire est à récupérer la moitié du temps, et un meilleur usage des courants marins qu'il est fait aujourd'hui peut sans doute apporter une part d'énergie diminuant d'autant le reste à charge pour une solution à base d'e-fuel et de biogaz.
Jean-Baptiste
Merci. Pour le maritime, je ne pourrai pas me prononcer, ne disposant pas de l'expertise sur ce secteur. Pour l'aérien, il faudrait un vrai saut technologique pour qu'une électrification par batteries soit possible. Je doute que ce saut intervienne à temps pour une entrée en service des aéronefs d'ici à 2040-2050, au mieux, et comme la durée de vie moyenne d'un avion pour le transport de passagers est d'environ 20 ans... Pour l'hybridation, ce serait au mieux pour la catégorie CS23, et ce segment pèse quelques %, donc sans incidence notable (si l'hybridation paie sa place, ce qui reste à démontrer) sur les émissions globales.
Denis Margot
@Jean-Baptiste Barin. Votre fort intéressante étude soulève plusieurs points que je vous propose de considérer.
  1. La problématique des émissions carbonées pour l’aviation est techniquement une des plus difficiles à résoudre (à part considérer la suppression pure et simple de l’aviation qui poserait d’autres problèmes). Il y a, à un degré légèrement moindre, le même souci dans le transport maritime.
  2. Il est bon de chercher (et de trouver) des solutions, comme les biocarburants, mais pas uniquement, avant de se demander ensuite comment on taxera ces solutions.
  3. Les 50% des européens qui ne prennent pas ou peu l’avion ne sont pas systématiquement les plus pauvres. Ce sont avant tout des gens… qui ne prennent pas l’avion (pour tout un tas de raisons). Et de même, ceux qui sont dans le top 10% ne sont pas non plus nécessairement dans les 10% les plus riches, ce sont avant tout de gros consommateurs de trajets (beaucoup pour des raisons professionnelles). Que serait l’activité économique mondiale sans les voyages aériens ? Si un responsable commercial s’envole et ramène du travail pour 1000 personnes (qui sont majoritairement dans le bottom 50%), ne devrait-on pas, dans ce cas, ventiler le voyage sur tous les bénéficiaires (et ça changerait l’allure du graphe) ? Si la participation à un congrès d’un éminent chercheur se traduit plus tard par la découverte d’un remède contre Alzheimer, ne devrait-on pas également ventiler son voyage sur l’ensemble des futures guérisons ?
  4. Que l’énergie pour produire 1 kWh aérien ou maritime soit moins chère que pour 1 kWh routier ou 1 kWh de chauffage ou d’éclairage n’est ni surprenant, ni choquant. Comme l’indique votre tableau, ces kWh sont moins chers à produire et à distribuer (50% moins chers, tout de même). Qu’il n’y ait pas de TVA sur ces carburants ne change pas avec la situation actuelle, il me semble. La TVA est une taxe de consommation locale, et ces carburants sont utilisés dans un contexte international.
  5. 1 kWh électrique à 0.194 € est peut-être 3 fois plus cher que les SAF, mais ça reste une bonne affaire pour les particuliers (et pour la planète) comparativement à 1 L d’essence à 2 € qui fournit, disons 3 ou 4 kWh d’énergie mécanique.
Jean-Baptiste
Bonjour, Tout d'abord merci pour ces remarques. J'ai eu l'occasion d'étudier, et de cotoyer parfois, les points mentionnés pendant de nombreuses années. Pour la plupart vous pourrez vous appuyer sur les détails de la publication (et éventuellement de la thèse doctorale, qui est publique) pour approfondir. 1) Nous sommes d'accord, et il se trouve que l'aérien et la maritime mobilisent à peu près les mêmes volumes de pétrole (8% environ chacun). C'est un élément important lorsque sont mis en oeuvre les alternatives bas carbone liquides: il serait possible d'optimiser la coupe pour atteindre par exemple une sélectivité 50/50 entre la fraction entre lourd (maritime) et plus léger (aérien). Je place la chimie (naptha) dans un autre registre. 2) En effet, et je considère les SAF comme l'unique possibilité pour les 2 à 3 prochaines décennies (à minima 2050, qui est donc la cible du secteur). Je vous encourage à parcourir la seconde publication pour plus de détail (techno-economic comparison of low carbon fuel based on electricity). 3) Malheureusement non. Si je partage votre avis quant à la nécessité de conserver les vols pour raisons professionelles (ou humanitaires, ce que la règlementation ReFuelEU Aviation vient d'ailleurs opportunément exempter), il se trouve que ce sont désormais les vols dédiés aux loisirs et / ou raisons familiales qui dominent, environ 80%. Les données que j'ai utilisées dans cette étude pour ce chapitre proviennent des travaux d'Ivanova and Wood, publiés en 2020, avec qui j'ai échangé (qui abordent les émissions CO2 eq en fonction du revenus, par décile et par pays). Les 50 % les plus pauvres ne prennent pas l'avion tout simplement...parce qu'il sont pauvres. Il en est d'ailleurs de même pour les 4 déciles supérieurs. 4) Il n'est en effet pas choquant que de forts volumes concentrés chez quelques industriels soient moins chers que de petits volumes pour de multiples clients. Mais attention, la colonne 2 (Transport et Distribution) mentionne bien que l'écart est lié aux taxes, pas aux coûts de production (un peu petit dans le graphique de l'article ici, c'est plus net dans la publication). Le delta sur le coût de production est donc limité à 2 cents du kWh environ, et c'est bien la fiscalité qui explique le différentiel. Qu'un industriel electro-intensif bénéficie d'exemptions / subventions peut s'expliquer si le produit final est taxé (et l'entreprise concernée également par ailleurs). Ce n'est pas le cas ici. Noté que je propose, pour des raisons de compétitivité comme de souverainté, que ce soit bien le produit final qui soit taxé, pas l'électricité dédiée aux electro-intensif. Que ce soit pour l'accise comme la TVA, c'est une singularité qui n'a pas lieu d'être, et l'étude le mentionne (nota: la TVA s'applique par exemple sur les liaisons domestiques en France, à hauteur de 10%). 5) L'article ne parle pas des différents taux de retour énergétique entre pétrole et électricité, mais de justice énergétique pour une énergie bien spécifique, l'électricité, qui, au delà de ses propres enjeux de décarbonation (2/3 de l'électricité mondiale = charbon, gaz, à la marge pétrole), vient répondre aux besoins de base de l'humanité (besoins primaires: se chauffer, s'éclairer,...). Pour être très direct, je considère comme très injuste qu'un particulier aisé (nous parlons du top 1%, max 10% les plus riches) est la possibilité de "payer" l'électricité dédiée à son vol (via la production d'e-fuel donc) pour des vacances plutôt lointaines (besoin très tertiaire donc) que n'importe quel autre citoyen (les plus pauvres notamment) pour répondre à leurs besoins de bases.
Hervé
Plusieurs points: - Le transport Aeraunautique bénéfie déja de taxes allégées sur les carburants. Les raisons sont certainement multiples mais l'une d'elles est que si l'on surtaxe le carburant en France au même niveau que les autres usages, les avions iront faire le plein ailleurs, comme c'est le cas pour les automobilites en région frontalière et l'état Francais n'ecaisserait quasimment plus rien. - Il est normal que les compagnies ne paient pas la TVA sur le carburant, puisque la TVa sera payée sur le prix du billet final. C'est l'usage pour cet impot dans toutes les industries.... De plus, du fait du caractére souvent internationnal des aéroports, il est probable que les modalitées de paiement soient differentes (habituellement on la paie et on se la fait rembourser, là il est probable que, pour ce cas particulier, l'achat soit HT) mais ça ne change pas le principe de cette taxe. Il est courant que les industriels paient leur courant moins cher. Quand on est gros consommateur, on passe des contrat de long terme à prix avantageux. C'est négocié en haut lieu et rarement public. Le prix spot concerne les volumes hors contrat et fluctue au grés de l'offre demande. Les frais de transport et de distribution sont aussi bien moindre que pour les petits clients ce qui justifie une part transport nettement plus faible pour le gros client industriel (investissement au MW moindre, pas de couteux réseau MT, pertes moindres, meilleure rentabilisation du matériel...). Enfin, les prix contractuels sont dépendant de l'usage du courant, une consommation permanente permet de négocier un prix plus bas, et si l'industriel est capable d'effacer sa conso lors des pointes, une ristourne supplémentaire peut se négocier. On peut supposer que les usines qui pratiqueraient la synthese de carburants cocheront toutes ces cases. Néemoins le cout risque de rester exhorbitant au regard des carburants fossiles. A mon avis, avant de décarbonner l'aéraunautique, et si le but est réellement de réduire les émissions globales, il y a certainement beaucoup d'autres domaines à traiter avant...
Jean-Baptiste
Bonjour, Comme toujours, j'encourage à lire l'intégralité de l'article, et si possible les réponses déjà apportées aux autres commentaires. vous y trouverez la quasi-totalité des réponses aux questions posées (ou réflexions). - Taxes: c'est détaillé dans l'article, depuis l'origine (convention de Chicago) jusqu'au dernières règlementations. Il est par ailleurs faux de dire que les airlines feraient le plein ailleurs. Le tankering est une pratique, mais ne s'applique pas partout et tout le temps (delta surcoût / surconsommation / distance max franchissable). Par ailleurs cette pratique est désormais bien encadrée, du moins au sein de l'UE. Le plus gênant pour notre région se limiterait à du report vers des hubs hors UE-UK pour les passagers en transit. La dernière étude sur le sujet conclut à un report potentiel autour de 6 ou 7% des vols concernés, donc cela reste marginal (mais n'empêche pas certaines airlines, commme Turkish, de s'y intéresser). - Contrairement aux autres industriels, il ne me semble pas normal que les airlines ne paient pas de taxes de l'amont à l'aval (ni accise, ni TVA sur le billet). - Différence du prix entre industriel et particulier: déjà expliqué dans l'article et la réponse à un autre commentaire (ce n'est pas ce qui explique l'écart). - Les émissions de la mobilité aérienne sont significatives, surtout lorsque rapportées à la part de la population concernée.
Alex
Bonjour, je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse inclure le TURPE dans les taxes! Le TURPE ne correspond-il pas à un service indispensable? A savoir acheminer la production d'électricité jusqu'aux consommateurs finaux : ménages, entreprises, établissements privés, publics, etc. Et on rien trouvé de mieux que des câbles pour les relier !! Nous payons bien une part transport-distribution dans tous les biens que nous achetons : carburant, courses en GMS, livraisons à domicile. Le fisc serait-il à l'oeuvre derrière des UPS, Amazon, Transdev ??? Les aéroports payent aussi le TURPE
Jean-Baptiste
Bonjour, Ma conclusion est que le seul levier dont dispose nos gouvernants pour inciter à localiser les electro-intensifs sur notre territoire est celui de la fiscalité (le coût de production reste le levier de l'industriel, et l'écart d'environ 40% entre gros consommateurs industriels et particuliers me semble compréhensible). Aussi, les abattements, de l'ordre de 80% sur ce poste en l'occurence, peuvent s'expliquer...mais uniquement si le produit final est taxé. Ce n'est pas le cas ici.
Olivier
Pour ma part, il me semble qu'il faut souhaiter réduire les taxes sur l'électricité domestique plutôt que d'augmenter celles sur l'electricité aéronautique ! Taxer l'electricité domestique comme la France le fait aujourd'hui est un frein évident et majeur à l'electrification des usages, alors même que nos capacités de production électriques sont sous-employées. C'est parfaitement contradictoire avec les objectifs de décarbonation proclamés par tous les politiques. Si je ne me trompe pas, le kWh d'électricité est actuellement davantage taxé que le kWh de gaz. C'est une aberration à tous points de vues (décarbonation, souveraineté énergétique, balance commerciale, et probablement même rendement fiscal à moyen terme...) S'agissant de l'aéronautique, le problème a résoudre n'est pas technique, mais économique. C'est celui du coût des substituts décarbonés au kérosène par rapport à celui du kérosène fossile. Si on veut qu'elle se décarbone, il n'y a pas trente-six solutions : il faut que le coût pour les compagnies aériennes des carburants aéronautiques durables (SAF) soit inférieur ou égal à celui du kérosène fossile. Si on considère que l'aviation est utile à nos sociétés et qu'on souhaite la décarboner plutôt que la faire disparaître, il est contre-proiductif de taxer les substituts décarbonés. En revanche, il est utile de taxer progressivement le kérosène fossile pour lui faire porter le coût associés aux émissions de CO2 et inciter ses utilisateurs à développer des alternatives, dans un calendrier cohérent avec leur temps de développement. Alternativement, sans en passer par des taxes, on peut aussi imposer un taux croissant de carburant durable comme le fait l'Union européenne avec la directive "Refuel EU". Plus généralement, multiplier les taxes ou les subventions "de niche" comme le fait notre gouvernement est sans doute ce qui est le plus facile du point de vue politique, notamment quand on les présente comme ciblées sur les riches pour "réduire les inégalités" comme vous le faites. Mais du point de vue économique, cela engendre une myriade d'effets pervers imprévus, qui réduisent l'efficacité de notre système économique et nous appauvrissent tous, en promouvant des solutions qui sont rarement les meilleures. Les subventions aux producteurs d'électricité éolienne ou solaire de ces dernières décennies en constituent malheureusement un exemple flagrant et excessivement coûteux : nous dépensons aujourd'hui des milliards au prétexte de décarboner la seule énergie qui est déjà décarbonée dans notre pays - milliards qui seraient bien mieux employés à remplacer des chaudières au fioul par des pompes à chaleur !!! Il est bien préférable de mettre en place des taxations indifférentes aux technologies comme aux usages, qui laissent aux acteurs économiques le soin de choisir celles et ceux qu'il convient de développer. Si l'on veut décarboner vite et bien, la meilleure option est de mettre en place progressivement une taxe carbone généralisée, identique quel que soit l'usage pour lequel est émis ce carbone, avec comme cible finale un coût de la tonne de CO2 émise égal au coût de son extraction de l'atmosphère. En conclusion, plutôt que de taxer davantage une électricité décarbonée qui l'est déjà trop, taxons plus largement les émissions de CO2 !!!
Jean-Baptiste
Bonjour, Je suis d'accord avec vous sur le différentiel entre électricité et gaz, qui est un non sens. Pour le coût des SAF, il est illusoire de croire qu'ils seraient moins chers que le fossile (qui n'est pas taxé) puisque nous allons fabriquer un vecteur énergétique, à partir de bioamasse et / ou d'électricité. Et je considère légitime que le prix du kWh soit au moins égal au prix du kWh pour les autres usages, donc taxé au même niveau. Donc oui la obilité aérienne, sur le principe du pollueur payeur, doit payer sa part, d'autant que ce moyen de transport profite aux plus aisés. Les conclusions de l'étude ne sont pas d'opposer, mais de factualiser, et éventuellement de proposer. Concernant ReFuelEU Aviation (et dans une moindre esure ETS, quant à la taxe sur CO2 eq que vous appelez, et je suis sur point d'accord avec vous), règlementations citées dans l'étude (et largement détaillée dans ma thèse par ailleurs), j'y suis également très favorable, car c'est le seul mécanisme qui permettra de faire évoluer les positions des consommateurs comme des producteurs. Enfin, du point de vue économique, je ne partage pas votre analyse, mais c'est probablement lié à mon approche Keynesienne des biens communs. L'étude (indiquée dans le lien en bas de cette tribune), vient justement rappeler que les mécanismes économiques font que l'équilibre offre / demande vont être malmenés par les besoins en SAF. Il est déjà documenté que l'impact des biocarburants sur le prix des matières premières comme le mais, le blé ou le soja, se traduit par une hausse de 30% du prix. Il en sera de même pour l'électricité. Donc, au delà d'un différentiel important pour un usage tertiaire qui bénéficie aux plus aisés (par rapport aux besoins primaires qui bénéficient à tous), sujet de cette étude, il y a de plus un risque élevé que le prix de la nourriture et de l'électricité augmentent pour tous. Selon moi, conflits d'usages et ordre de mérite sont clefs lorsque nous abordons les biens commmuns, surtout lorsqu'ils sont en tension. L'expérience montre que laisser faire uniquement la loi du marché, dans ce cas précis, est rarement une bonne idée. Enfin, je rappelle que je n'appelle pas à interdire la mobilité aérienne comme vous le sous-entendez. Mes conclusions de thèses doctorale défendent qu'un traffic aérien proche du niveau actuel serait soutenable. Mais oui, ce serait plus cher (et un petit peu moins rapide).
Abadie
Bravo pour cet article clair et buen documenté. Je retiens le fait que l'électricité au profitde l'aérienest 3 fous moins cher que l'électricité utilisée par les ménages, alors que l'aérien ne concerne tout au plus que 1o% des citoyens, et le ménager 109%. De surcroît l'avion est le plus polluant qui existe.
Inondator
Exposé intéressant, mais je souhaiterais tout de même formuler 2~3 remarques. La première c'est qu'il y a une énorme erreur d'un facteur 10 sur la quantité d'électricité qui serait nécessaire à l'échelle mondiale pour produire 100% de e-SAF. 37 MWh/tonne de e-SAF ça fait 11000 TWh/an d'électricité, pas 120000. On passe de 4 fois la consommation électrique à seulement 1/3 (qui en 2050 ne sera plus que 15% puisque la production électrique mondiale doit à minima doubler, possiblement tripler, pour décarboner l'économie dans son ensemble). La deuxième c'est que cette consommation d'électricité peut être fortement réduite en fléchqnt les bons vecteurs énergétiques aux bons endroits. Typiquement en arrêtant de chauffer les bâtiments avec de la biomasse (solide, liquide ou gazeuse) pour la rediriger vers la production de carburants synthétiques. Dans la mesure où il faut grosso modo 2.5 MWh de biomasse ou d'électricité pour obtenir 1 MWh de SAF, mais qu'1 MWh d'électricité permet de fournir 4 fois plus de chaleur à un bâtiment qu'un MWh de bois ou de gaz, on voit où doivent être les priorités. La troisième, c'est que l'industrie ne paye pas son électricité moins chère parce qu'on lui fait cadeau du TURPE, mais parce qu'elle est reliée directement au réseau de transport qui coûte 3 fois moins cher que celui de distribution (5 G€/an vs 15 G€/an). N'utilisant pas le réseau de distribution, aucune raison que ceux-ci payent pour lui. Le TURPE est donc naturellement 4 fois plus faible pour ces entités.
Jean-Baptiste
Bonjour, pour les unités, il y a e effet un 0 en trop, 37 kWh / kg donne 37 TWh pour 1 Mt. Pour un peu plus de 300 Mt / an, cela donne bien 12 000 TWh, soit le 1/4 de la production mondiale de 2050 (estimée à 50 000 TWh par IEA). Je suis également d'accord avec vous quant au bon fléchage de nos ressources: je milite depuis plusieurs années pour la biomasse soit dédiée en priorité au SAF, l'électricité en complément (et j'utilise le même argument entre chauffage bois vs PAC). Pour le TURPE, je considère que c'est plus la CTA qui serait concernée, le coût des lignes HT n'étant pas négligeable. L'introduction d'unités de production (4 TWh pour 100 kt) n'est par ailleurs par neutre pour les régions concernées (par exemple près de 10% pour la Nouvelle Aquitaine). Merci pour ces remarques.
Jean-Baptiste
Pour précision, je viens de retrouver l'origine de l'erreur. Entre mon étude publiée fin mars et cette tribune, l'étude compare la consommation mondiale de pétrole (4500 Mt, d'où 120 000 TWh), la tribune la consommation mondiale de kérosène (330 Mt). A nouveau merci d'avoir relevé cela.
Jean-Baptiste
Ci-dessous le corectif, fidèle à la version d'origine (en anglais). Encore merci d'avoir soulevé ce point. "Concernant la production, produire 1 kg d'e-fuel requiert entre 23 et 28 kWh selon les études. Le monde consommant actuellement 4 500 Mt de pétrole par an, cela supposerait environ 120 000 TWh, soit 4 fois la production globale d'électricité. Si, comme cela semble souhaitable, ce vecteur énergétique était réservé à la seule mobilité aérienne, il faudrait, de par les coproduits associés lors de la production, environ 37 kWh par kg. Convertir la mobilité aérienne en totalité à l’e-fuel, plus de 300 Mt, nécessiterait alors environ 12 000 TWh au niveau mondial, soit la moitié de la production actuelle, et un quart de celle projetée d'ici à 2050. Ce sont des volumes très significatifs, et cela pourrait inciter à prioriser les SAF produits à partir de la biomasse (ces derniers présentant par ailleurs un meilleur taux de retour énergétique)".
François de la ROche
Bonjour, Pourquoi l’e-fuel serait le moins mauvais des vecteurs énergétiques basés sur l’électricité pour la mobilité aérienne (en comparaison de l’hydrogène ou de l’électrification directe avec batteries)? Merci.

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