Chauffage urbain | Réseau de chaleur

Réseau de chaleur

Intérieur d’une chaufferie alimentant un réseau de chaleur (©Laurent Mignaux/MEDDE-DICOM)

Définition

Un réseau de chaleur pour le chauffage urbain est un système de distribution de chaleur à partir d’une installation de production centralisée et à destination de plusieurs consommateurs. Il se compose principalement d’une unité de production de chaleur commune à différents logements ou bureaux et de canalisations diffusant la chaleur jusqu’à ces points de consommation. L'énergie est transportée au sein d’un ensemble de canalisations, généralement à l’échelle d’un quartier.

Les réseaux de chaleur sont principalement utilisés à des fins de chauffage résidentiel (logements et eau chaude sanitaire) mais ils peuvent desservir de nombreux autres types de bâtiments : immeubles de bureaux, centres commerciaux, hôpitaux, usines, piscines, etc.

Contrairement à une idée assez répandue, ils ne sont pas nécessairement alimentés par des énergies renouvelables. Les réseaux de chaleur peuvent être alimentés par un très large éventail de sources d’énergies. Outre la récupération de chaleur des égouts ou des centres de serveurs informatiques, on trouve également des réseaux alimentés par l’incinération de boues de stations d’épuration et même par la chaleur issue de crématoriums ou de la combustion de noyaux de fruits.

Les réseaux de chaleur répondent très souvent à des initiatives publiques locales, portées par des collectivités ou des organismes qui en sont proches. Contrairement aux réseaux de gaz et d’électricité qui maillent l’ensemble du territoire en France, ils sont uniquement locaux, à l’échelle d’une ville ou d’un quartier.

En France, selon la dernière enquête officielle(3), il existe 946 réseaux de chaleur à fin 2022, raccordés à 47 380 bâtiments. Ils permettent de chauffer un peu plus de 2 millions d’équivalents-logements(2). Ils contribuent ainsi pour près de 6 % de la production nationale de chaleur.

Notons qu’il existe par ailleurs 40 « réseaux de froid » conçus, comme leur nom l’indique, pour fournir du froid.

Fonctionnement

Les réseaux de chaleur se composent d'un système de production centralisée de chaleur, de canalisations et de sous-stations (points de livraison de la chaleur aux différents consommateurs).

Un réseau de chaleur se compose de trois éléments principaux :

  • la chaufferie,système de production centralisée de chaleur qui peut comporter une ou plusieurs chaudières. Il en existe de nombreux types selon leur puissance et les énergies utilisées : gaz naturel, fioul, biomasse, géothermie, chaleur de récupération, etc. ;
  • les canalisations : elles véhiculent un fluide caloporteur (eau ou vapeur d’eau) qui assure le transport de l’énergie thermique. Selon les réseaux de chaleur, la température de ce fluide peut être comprise entre 60°C (généralement pour la distribution de chaleur dans des immeubles d’habitation ou de bureaux) et près de 300°C (pour la fourniture de chaleur à usage industriel) ;
  • les sous-stations : ce sont les échangeurs qui constituent les points de livraison de la chaleur. Une sous-station peut être associée à un bâtiment seul ou à un ensemble de bâtiments gérés par une même entité. Une fois ses calories transmises au niveau d’une sous-station, le fluide caloporteur refroidi circule en sens inverse jusqu’à la chaufferie. Le réseau de chaleur fonctionne ainsi en boucle. 

Fonctionnement d'un réseau de chaleur

Schéma de principe du réseau de chaleur (source : ADEME sur base Cerema)  

  1. À la base d’un réseau de chaleur se trouve une unité de production : usine d’incinération d’ordures ménagères, chaufferie, centrale géothermique, etc.
  2. La chaleur qu’elle produit est transmise à un fluide caloporteur (vapeur ou eau chaude).
  3. Celui-ci circule par un réseau de canalisations, dit de distribution « primaire » jusqu’à des « sous-stations » situées au pied de chaque bâtiment raccordé au réseau.
  4. Au niveau de chaque sous-station, la chaleur est transmise par le réseau primaire à un autre circuit de distribution dit « secondaire » grâce à un échangeur de chaleur. Celui-ci répartit la chaleur entre les différents logements ou bureaux. Il assure la distribution de la chaleur depuis la sous-station jusqu’aux émetteurs de chaleur finaux (par exemple, les radiateurs dans les logements). Il est géré par le responsable de l’immeuble (syndic de copropriété, bailleur social, etc.).
  5. Une fois ses calories transmises au niveau d’une sous-station, le fluide caloporteur refroidi circule en sens inverse jusqu’à l’unité de production de chaleur. Le réseau de chaleur fonctionne ainsi en boucle.  

Le gestionnaire du réseau de chaleur peut être une collectivité territoriale en régie ou un opérateur privé dans le cadre d’une délégation de service public.

Un réseau de chaleur permet de faire évoluer le bouquet énergétique du chauffage de tout un quartier ou toute une ville sans intervention dans les bâtiments ou dans les rues.

Atouts et limites

Ils permettent de valoriser des énergies renouvelables et de récupération peu utilisées comme la géothermie profonde ou la chaleur fatale industrielle mais sont encore principalement alimentés en France à partir de gaz naturel.

Avantages

Les réseaux de chaleur permettent de concentrer les contraintes liées à la production de chaleur et de pouvoir potentiellement :

  • mieux maîtriser les nuisances (qualité de l’air, bruit, stockage de combustible, etc.) grâce à des actions centralisées au niveau de la chaufferie ;
  • augmenter l’efficacité énergétique des systèmes de production grâce à des unités de qualité industrielle, pilotées et entretenues toute l’année par des professionnels ;
  • faire évoluer le bouquet énergétique du chauffage de tout un quartier ou toute une ville sans intervention dans les bâtiments ou dans les rues en remplaçant par exemple une chaudière au fioul ou au charbon par une chaudière au bois au niveau de la chaufferie ;
  • mobiliser des énergies renouvelables et de récupération peu utilisées par ailleurs comme la géothermie profonde, la chaleur fatale industrielle, etc.

Freins

Les réseaux de chaleur ne peuvent se développer partout. Les principaux facteurs conditionnant l’implantation d’un réseau de chaleur sont : la densité urbaine, l’organisation spatiale de cette densité, la présence de  bâtiments aux besoins de chaleur importants et stables (hôpitaux, etc.), le coût des travaux (variables selon le contexte urbain), la présence de ressources locales (notamment d’énergies renouvelables ou de récupération), etc.

L’opportunité d’un réseau de chaleur (en création ex nihilo comme en extension d’un réseau existant) doit donc être étudiée au cas par cas. Les gestionnaires de réseaux de chaleur ne peuvent pas s’appuyer sur un dispositif de soutien de péréquation nationale comme celui dont bénéficient les gestionnaires de réseaux électriques.

Pour rappel, les charges de ces derniers relatives à l’exploitation, au développement et à l’entretien de réseaux électriques sont compensées par un tarif TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité), identique partout en France (cela permet de mutualiser au niveau national le coût du développement de réseaux électriques dans certaines zones présentant un bilan économique défavorable).

Acteurs majeurs

Au niveau local

Les réseaux de chaleur sont majoritairement développés par des délégataires de service public, pour le compte de collectivités. Citons parmi les principales entreprises du secteur Dalkia, Cofely, Idex et Coriance. Certaines collectivités font parfois le choix d’établir et d’exploiter leur réseau en régie, avec leurs propres agents.

Le développement d’un réseau de chaleur sur un territoire touche de multiples acteurs et fait appel à de nombreuses compétences croisant énergie et aménagement. Outre la collectivité et l’exploitant du réseau de chaleur, les autres acteurs concernés sont les abonnés et usagers, les agences locales de l’énergie, les aménageurs et promoteurs, etc.

Au niveau national

Au plan national, les principaux acteurs sont :

  • le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie ainsi que les établissements publics dont il a la tutelle, en particulier l’Ademe (qui est notamment gestionnaire du Fonds Chaleur, outil de soutien financier au développement des réseaux de chaleur) et le Cerema (qui réalise et diffuse des études, fiches et guides pour l’intégration des réseaux de chaleur dans l’aménagement du territoire) ;
  • l’association AMORCE qui regroupe les collectivités impliquées dans le développement de réseaux de chaleur. Elle porte le point de vue des collectivités et produit également des études et guides afin d’aider les acteurs locaux à mener leurs projets ;
  • le Syndicat National du Chauffage Urbain (SNCU) qui regroupe les entreprises en charge de la construction et de l’exploitation des réseaux de chaleur (et de froid). Le SNCU est également en charge de l’enquête statistique réalisée chaque année pour connaître la situation nationale de ces réseaux. En complément du SNCU, l’association Via Séva œuvre pour la promotion des réseaux de chaleur auprès du grand public.

Chiffres clés

La dernière enquête nationale annuelle portant sur l’année 2013 fait apparaître les chiffres suivants.

  • Nombre de réseaux de chaleur : 501 (et 17 réseaux de froid)
  • Longueur totale des réseaux : 3 883 km
  • Puissance totale installée : 16 553 MW
  • Énergie thermique livrée : 25 800 GWh

Près de 42% de la chaleur distribuée par les réseaux de chaleur en France est produite à partir de gaz naturel.

  • Prix moyen global du MWh thermique : 67,5 € HT (76,2 € TTC) selon la dernière étude(2) portant sur l’année 2011 avec de fortes disparités entre les différents réseaux de chaleur (rapport de 1 à 4). Cela fait des réseaux de chaleur une solution économique très compétitive pour la production de chaleur selon l’Ademe.
  • Émissions moyennes de CO2 associés : 162 g/kWh en moyenne (électricité : 180 g/kWh en France où près de 95% de la production électrique est « décarbonée », près de 350 g/kWh en moyenne en Europe ; gaz naturel : 234 g/kWh). Le faible bilan carbone des réseaux de chaleur s'explique par la part importante des énergies renouvelables et de récupération mobilisées (40%) et surtout par l'utilisation de la cogénération. En effet, pour calculer les émissions d'un réseau fonctionnant en cogénération, on soustrait les émissions évitées par la cogénération (correspondant globalement aux émissions qui auraient été émises pour produire la même quantité d'électricité).
  • Bouquet énergétique des réseaux de chaleur (en volume de chaleur produite) : 57% à partir d’énergies fossiles (dont 42% à partir de gaz naturel) et 40% à partir d’énergies renouvelables et de récupération (dont 25% provenant d’unités d’incinération de déchets produisant de la chaleur et de l’électricité par cogénération, appelés unités de valorisation énergétique)(3).

Clientèle des réseaux de chaleur

Clientèle des réseaux en volume de chaleur livrée (©Connaissance des Énergies d'après données du Cerema)

Précisons enfin qu’un réseau sur deux fonctionne en cogénération, c’est-à-dire qu’il produit de l’électricité en plus de la chaleur.

Réseaux de chaleur en France et dans le monde

En France

Il existe des réseaux de chaleur partout en France, leur concentration variant géographiquement selon l’histoire des régions en matière de développement des infrastructures énergétiques :

  • un réseau sur deux se trouve en Île-de-France. On y trouve notamment le plus grand réseau de chaleur français (CPCU - Paris) ainsi que de nombreux réseaux de chaleur alimentés par la géothermie profonde ;

Carte réseaux de chaleur Ile de France

Extrait de la cartographie régionale des réseaux de chaleur en Ile-de-France (consommations de chaleur des bâtiments regroupées sur des carreaux de 250 m). Cliquez sur la carte pour plus de détails.

  • la région Rhône-Alpes est également marquée par une forte présence des réseaux de chaleur, avec le deuxième plus grand réseau (Grenoble) ainsi que de nombreux réseaux plus petits, notamment dans des zones plus rurales ;
  • la région Pays de la Loire compte le plus grand nombre de projets aidés par le Fonds Chaleur depuis 2009. Le réseau de chaleur Centre-Loire à Nantes devrait devenir le troisième plus important de France avant 2020 (avec 80 km de canalisations).

Pour localiser l'ensemble des réseaux de chaleur et de froid en France métropolitaine, cliquez ici.

La relance du développement des réseaux de chaleur en France, enclenchée en 2009 avec les lois Grenelle, a permis à certaines régions de recréer une dynamique autour de cet outil de transition énergétique locale.

En Europe et dans le monde

Dans certains pays d’Europe, plus de la moitié de la chaleur produite est distribuée via des réseaux de chaleur. C’est notamment le cas du Danemark, de la Lituanie et surtout de l’Islande (dont 95% des besoins de chauffage sont satisfaits par des réseaux de chaleur grâce à l’abondance naturelle de la géothermie).

C’est la Russie qui dispose du plus grand nombre de réseaux de chaleur au monde. 

La directive européenne relative à l'efficacité énergétique impose aux États-membres de réaliser une cartographie nationale de chaleur avant fin 2015. Cette cartographie permettra notamment d’identifier les territoires sur lesquels des études d’opportunité de développement de réseaux de chaleur devraient être menées en priorité. L’Angleterre a par exemple réalisé sa «national heat map » en 2012.

Au niveau mondial, les réseaux de chaleur sont très développés dans les zones aux conditions climatiques extrêmes (Mongolie, Sibérie, etc.). C’est la Russie qui dispose du plus grand nombre de réseaux de chaleur. Avec plus de 17 000 systèmes de chauffage urbain desservant 44 millions de clients, ce pays dispose de près de 55% de la puissance de chauffage urbain installée dans le monde(4). Précisons que ces réseaux sont presque exclusivement alimentés par des énergies fossiles.

Création et développement de la technologie

Les réseaux de chaleur existent, dans leur principe de base, depuis l’Antiquité. En France, on trouve la trace d’un réseau de chaleur à Chaudes-Aigues (Cantal) au Moyen Âge : il chauffait quelques maisons à l’aide d’une source géothermale.

Les réseaux de chaleur modernes tels que nous les connaissons aujourd’hui sont véritablement apparus à la fin du XIXe siècle, aux États-Unis. Créé en 1882, le réseau de New York est considéré comme le plus ancien réseau de chaleur moderne du monde (c’est aussi le plus important aujourd’hui au regard de la quantité de chaleur produite). Les réseaux de chaleur se sont développés en Europe lors des années ou décennies suivantes selon les pays.

Développement des réseaux de chaleur

Chronologie du développement des réseaux de chaleur en France (source : Cerema)

En France, on peut distinguer quatre grandes périodes de développement des réseaux de chaleur :

  • au début du XXe siècle, quelques réseaux sont mis en place dans les villes les plus peuplées ayant des importants besoins de chauffage. C’est à cette époque qu’apparaissent les plus gros réseaux de chaleur actuels à Paris et Grenoble ;
  • après la Deuxième Guerre mondiale, la reconstruction du pays s'accompagne de grands programmes urbains qui intègrent parfois des réseaux de chaleur ;
  • dans les années 1980 suite aux chocs pétroliers. Avec la volonté de réduire la dépendance aux énergies fossiles se développent des réseaux alimentés par la géothermie et la récupération de chaleur issue de l’incinération de déchets ménagers ;
  • depuis 2009-2010, les réseaux de chaleur font partie des politiques de lutte contre le changement climatique et de développement des énergies renouvelables.

Le projet de loi de transition énergétique actuellement à l’étude souhaite encourager le développement des réseaux de chaleur. Il fixe pour objectif que ces derniers distribuent 5 fois plus d’énergie d’origine renouvelable ou de récupération en France en 2030 par rapport aux niveaux de 2012.

Selon les projections, les réseaux de chaleur pourraient ainsi fournir près de 20 % de la production de chaleur nationale en 2030 (contre près de 6% en 2015). Le rythme de développement des réseaux de chaleur envisagé en France entre 2015 et 2030 peut globalement être comparé à celui suivi au Danemark dans les années 1980.

Les politiques européennes mettent en avant le rôle que peuvent jouer les réseaux de chaleur et de froid pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les importations d’énergie et la consommation d’énergies fossiles.

Au niveau mondial, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement mentionne, dans un rapport publié début 2015, les réseaux de chaleur et de froid parmi les leviers principaux pour engager une transition énergétique à l’échelle des villes.

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