Le vecteur hydrogène permet de « diversifier l'offre d'électromobilité », principalement dans le cadre de flottes professionnelles à l'heure actuelle. (©Toyota)
Le vecteur hydrogène apportera des « contributions majeures à la transition énergétique et écologique » en France, assure l'Ademe dans un avis publié le 3 avril(1). L'agence fait état de contributions de quatre ordres.
Un vecteur d'optimisation des réseaux énergétiques
Actuellement principalement produit par vaporeformage de combustible fossile, l'hydrogène peut être généré par électrolyse de l'eau en valorisant des surplus d'électricité sur le réseau. Dans le cadre du développement des filières renouvelables intermittentes à la production variable (éolien et photovoltaïque), ce vecteur constitue une solution pour faciliter l'équilibre du réseau électrique : « l’hydrogène est stockable et contribue à pallier la variabilité temporelle des renouvelables », insiste l'Ademe. Pour rappel, l'Ademe envisage un mix électrique reposant à 40% sur les énergies renouvelables en 2035 et entre 60% et 70% en 2050 (contre près de 18% en 2017, en majorité d'origine hydroélectrique).
L'agence rappelle que l'hydrogène peut en outre, en étant recombiné à du CO2 par le procédé de méthanation, être transformé en méthane de synthèse injectable dans les infrastructures gazières existantes (l'hydrogène peut uniquement être injecté dans les canalisations de gaz à hauteur de 6% à 20% en volume selon les conditions).
Lors des pics de demande sur le réseau électrique, ce gaz pourrait servir à produire de l'électricité, l'hydrogène pouvant ainsi jouer un « rôle de passerelle » entre les réseaux énergétiques selon l'Ademe, au prix de pertes lors de chaque transformation (le rendement de l'électrolyse avoisine 70% et le rendement global de la chaîne hydrogène, de l'électricité primaire à l'électricité utile restituée, se situerait « entre 20% et 30% selon les applications » d'après l'Ademe). L'électricité stockable grâce à sa conversion en gaz (hydrogène ou méthane) pourrait permettre de stocker « de l'ordre du TWh par an »(2).
L'Ademe voit également dans le power-to-gas le moyen de décarboner les usages du gaz, tout en rappelant que son coût estimé, encore élevé, limite actuellement le recours au vecteur hydrogène à « une solution partielle », aux côtés notamment de la méthanisation et de la gazéification. Les démonstrateurs GRHYD et Jupiter 1000 doivent contribuer à lever les verrous techniques actuels.
Un partenaire local de l'autoconsommation
L'Ademe souligne que l'hydrogène peut assurer « un stockage sur plusieurs jours, semaines ou mois », en complément de batteries permettant un stockage à court terme.
Selon l'agence, cette solution offrirait « de nouvelles perspectives pour l'autoconsommation à l'échelle d'un bâtiment, d'un ilot ou d'un village » et trouverait une « pertinence économique » dans les zones non interconnectées au réseau électrique continental, en particulier dans les collectivités d'outre-mer où la production électrique est dominée par des centrales thermiques au fioul au coût élevé (225 euros par MWh en moyenne en 2013 selon les données de l'Ademe).
Un intérêt pour les flottes de véhicules professionnels
Dans les transports, l'Ademe indique que le recours à l'hydrogène est encore coûteux et qu'un soutien est nécessaire pour accélérer le développement des véhicules équipés de piles à combustible. Les réglementations locales constituent le principal moteur de leur développement (en particulier pour des véhicules à usage professionnel) selon l'Ademe : « si la livraison est davantage contrainte pour des véhicules présentant des niveaux d’émissions de particules et de polluants dépassant les autorisations locales, et autorisée sur l’ensemble de la journée avec des véhicules zéro émission, le surcoût à l’achat des véhicules propres pourra être amorti plus facilement ».
Le déploiement des véhicules à hydrogène auprès des particuliers nécessiterait d'investir, selon l'Ademe, dans un réseau coûteux de plusieurs centaines de stations-service sur tout le territoire. Les flottes professionnelles organisées autour de « clusters locaux » ne souffrent pas de cette contrainte : l'agence indique que « le modèle économique d’une station pour flotte est accessible pour une consommation journalière supérieure à 80 kg H2/jour, pour une commercialisation de l’hydrogène à moins de 10 €/kg ».
L'Ademe rappelle enfin que le bilan environnemental de l'hydrogène dans les transports dépend principalement de « la source primaire utilisée pour fabriquer l'hydrogène ». L'agence recommande par ailleurs de limiter à moins de 100 km la distance d'acheminement de l'hydrogène entre le point de fabrication et la station de distribution. Elle precise que les véhicules à batterie restent à privilégier, lorsque c'est possible (autonomie, disponibilité, etc.), compte tenu du meilleur rendement de ce type de stockage.
Un impact à réduire dans l'industrie
Dans l'industrie, plus de 900 000 tonnes d'hydrogène par an sont consommées en France, notamment à des fins de désulfurisation de carburants pétroliers et de production d'ammoniac pour les engrais (l'hydrogène étant utilisé ici comme intrant chimique et non comme vecteur énergétique).
La production carbonée de cet hydrogène utilisé dans l'industrie serait à l'origine de près de 10 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an, soit de 7,5% des émissions de gaz à effet de serre de l'industrie française selon l'Ademe.
L'Ademe appelle ainsi à encourager « le recours progressif aux procédés d’électrolyse et de transformation de la biomasse (vaporeformage de biogaz, pyrogazéification de biomasse solide) », l'électrolyse devant être associée à une électricité décarbonée.
Si le vecteur hydrogène peut contribuer à la transition énergétique selon l'Ademe, l'agence insiste par ailleurs sur le fait que la priorité doit toujours porter sur les efforts en matière de maîtrise des besoins et d'amélioration de l'efficacité énergétique.