En 2016, la puissance du parc photovoltaïque en France a augmenté de près de 9%. Avec 8,3 TWh produits durant l'année, il a couvert près de 1,7% de la consommation électrique française selon le SER. (©EDF-Marc Didier)
Le 18e colloque du Syndicat des énergies renouvelables (SER) s’est tenu hier à Paris, à près de 3 mois de l’élection présidentielle française. Il y a été rappelé les progrès de ces filières, tant aux niveaux français que mondial, mais aussi les freins à leur développement. Ces derniers seront-ils levés lors du prochain quinquennat ?
État des lieux des énergies renouvelables en France
En préambule du colloque, le président du SER Jean-Louis Bal a salué les « incontestables simplifications » mises en œuvre lors des 5 dernières années et la meilleure visibilité dont disposent aujourd’hui les filières renouvelables en France : publication de la PPE, nouveaux appels d’offres s’étalant sur trois ans pour le photovoltaïque et l’éolien, autorisation environnementale unique(1), etc.
Les énergies renouvelables ont couvert 19,6% de la consommation d’électricité en France en 2016, selon les dernières données communiquées hier. Les filières éolienne et photovoltaïque ont compté à elles seules pour 88% des nouvelles capacités raccordées au réseau électrique l’an dernier (respectivement 1 345 MW et 576 MW). Mais en raison de leur facteur de charge limitée, elles n'ont satisfait que 6% de la consommation électrique française, contre 12,3% pour le parc hydroélectrique (le nucléaire comptant encore pour près des trois quarts du mix).
Les énergies renouvelables ne se limitent toutefois pas aux seules filières productrices d’électricité et c’est bien le bois-énergie qui reste la principale énergie renouvelable consommée en France. Jean-Louis Bal a d’ailleurs souligné le succès du « Fonds Chaleur » mis en œuvre en 2009(2) mais déplore que son budget n’ait pas été relevé à ce jour, malgré un doublement annoncé.
Répartition de la production d'énergie primaire renouvelable par filière (©Connaissance des Énergies, d'après SER)
Le livre blanc du SER : 6 questions aux candidats à l’élection présidentielle
Dans un livre blanc présenté le 13 janvier dernier, le SER interpelle les candidats à l’élection présidentielle autour de 6 grandes thématiques relatives au développement des énergies renouvelables (EnR) :
- la garantie d’une visibilité forte et de trajectoires claires en matière de déploiement des EnR ;
- le renforcement du signal-prix du CO2, avec notamment le respect des objectifs à moyen terme de la contribution climat-énergie en France (56 €/tonne de CO2 en 2020, 100 €/t CO2 en 2030) ;
- la poursuite du « choc de simplification » afin de réduire les délais d’instruction et de traitement des recours (réduisant in fine les coûts des filières) ;
- le soutien à une coopération industrielle européenne (avec notamment la constitution d’un « champion industriel » dans l’énergie solaire) avec la mobilisation de différents outils de l’État (BPI France, etc.) ;
- le fléchage d’enveloppes budgétaires des investissements d’avenir vers les nouveaux enjeux permettant d’assurer l’intégration croissante au réseau de sources intermittentes (stockage de l’électricité, smart grids, digitalisation, etc.) ;
- l’amélioration des outils de financement pour accompagner l’internationalisation des PME et ETI, principalement « sous forme de prêts et non de financements).
Outre ces grandes recommandations, le SER présente dans son livre blanc des « mesures opérationnelles » propres aux différentes filières afin d’en favoriser le déploiement.
Les positions des candidats en matière d’énergie
La dernière table ronde du colloque du SER était consacrée aux programmes des différents candidats à l’élection présidentielle et des mesures envisagées affectant les filières renouvelables. Yannick Jadot et les représentants des autres principaux candidats (avec l’absence notable du représentant socialiste) étaient amenés à s’exprimer sur les grandes thématiques du livre blanc du SER. Les termes de « visibilité » et de « simplification » sont revenus de nombreuses fois dans leurs prises de parole dont voici quelques points saillants.
Jean-Marie Brom (physicien, représentant de Jean-Luc Mélanchon – La France Insoumise) :
« Des choses ont été faites » avec le Grenelle Environnement et la loi de transition pour la croissance verte(3) mais Jean-Marie Brom déplore le manque de clarté des moyens pour atteindre les objectifs fixés. Il appelle à viser une cible de 100% d’énergies renouvelables en France en 2050, citant les scénarios de l’Ademe, de négaWatt et d’Afterres comme des bases de discussion possibles. Il ne souhaite pas s’avancer sur la part potentielle de chaque filière renouvelable.
Lorsqu’on qualifie « de rêve ou d’utopie » ce mix 100% renouvelables, il évoque la sortie du charbon initiée dans les années 1970 à laquelle peu de personnes croyaient alors (« Serions-nous plus imbéciles ou moins innovants qu’en 1973 ? »). Il appelle aujourd’hui à « repolitiser » les problématiques énergétiques en en faisant à nouveau un sujet régalien.
En matière de prix du CO2, il s’interroge sur la financiarisation des dégâts : « en punissant les mauvais élèves, on leur donne le droit de tricher ». La pénalisation du carbone n’est pas la meilleure solution selon lui, dès lors que c’est le consommateur final qui finit par payer (contribution climat-énergie).
Yannick Jadot (député européen, candidat pour Europe Écologie Les Verts)
Yannick Jadot rappelle que la France est en retard sur son objectif de porter à 23% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale à l’horizon 2020. Il met en cause un manque de volonté politique, symbolisé par l’orientation actuelle des financements. Il reproche notamment la mise en place par François Fillon d’un moratoire sur le solaire photovoltaïque en 2011 et la décision du projet d’EPR d’Hinkley Point qui met selon lui EDF en danger « à cause de l’obsession nucléaire ».
Il appelle à une stabilité et une simplification des procédures liées au déploiement des EnR. L’Allemagne et le Danemark ont, selon lui, payé « les coûts d’entrée » pour ces filières et il appelle à mettre en œuvre rapidement la transition en France associant sortie du nucléaire, développement des renouvelables et des financements associés et efficacité énergétique.
Yannick Jadot appelle par ailleurs à « purger le marché carbone européen », estimant que celui-ci ne peut répondre aux seules lois du marché et juge essentiel de disposer d’un prix du carbone supérieur à 100 €/t en Europe et dans le reste du monde.
Arnaud Leroy (député des Français établis hors de France, représentant d’Emmanuel Macron – En Marche)
Arnaud Leroy salue le cadre actuel (loi de transition, stratégie nationale bas-carbone, PPE) et appelle à arrêter les « stop and go » législatifs associés à une surenchère d’objectifs. Dès le début du quinquennat, il appelle à apporter une visibilité claire aux filières renouvelables pour les cinq années à venir
Il indique mener entre autres une réflexion sur l’urbanisme afin de « raccrocher les villes durables aux réseaux de chaleur » alimentés par la géothermie ou la biomasse.
Concernant le marché carbone, il précisé être opposé à un « corridor français » et se dit favorable à un système incitatif. Arnaud Leroy évoque également le problème des « fuites carbone » associées à la délocalisation de productions. Il indique suivre de près la renégociation du paquet climat-énergie au niveau européen.
Philippe Murer (économiste, représentant de Marine Le Pen – Front National)
Pour lutter contre le réchauffement climatique, l’urgence doit être de « se passer des énergies fossiles », souligne Philippe Murer. Il souligne en revanche que le nucléaire permet à la France d’émettre deux fois moins de CO2 que l’Allemagne.
Il parle de « 2e transition énergétique » pour qualifier le mouvement en cours (après celle du nucléaire) et évalue à 1 600 milliards d’euros les investissements nécessaires pour la mettre en œuvre. Il en appelle à un « État stratège » avec l’appui de la Banque de France, les intérêts privés ne pouvant apporter selon lui lesdits financements. Philippe Murer entend imposer notamment que les panneaux solaires et équipements renouvelables soient produits en France (par des sociétés françaises ou étrangères).
Il condamne le pilotage du marché carbone « moitié marché, moitié bureaucratique » (Commission européenne) et déplore que les sociétés en Europe puissent perdre en compétitivité en étant davantage taxés que les sociétés chinoises et américaines. « Le vrai problème, c’est l’Union européenne », juge-t-il.
Bertrand Pancher (député de la Meuse, représentant de François Fillon – Les Républicains) :
Bertrand Pancher souligne que les entreprises sont confrontées à des investissements très lourds et réclament une stabilité du cadre législatif et des objectifs. Il appelle ainsi à ne pas chercher des « changements permanents » mais à tenir les objectifs d’ores et déjà fixés en s’appuyant sur les énergies renouvelables (stockage inclus) mais aussi sur le nucléaire dont il juge la cible des 50% (dans la production électrique en 2025) « intenable ».
Il appelle à connecter au réseau électrique au moins 1,5 GW de capacités renouvelables par an (en donnant une visibilité sur 3 à 5 ans) et à soutenir le Fonds Chaleur à hauteur de 200 millions d'euros par an. Il souligne par ailleurs l'importance de pérenniser « une fiscalité environnementale forte ».
Bertrand Pancher soutient les objectifs de la contribution climat-énergie en France et appelle à « tout faire pour faire remonter le prix du CO2 européen », en élargissant le périmètre de ce marché (notamment aux transports).