Selon le scénario négaWatt, l'éolien pourrait produire 12 fois plus d'électricité en 2050 qu'en 2015. (©EDF-Bruno Conty)
L’association négaWatt a présenté ce matin son 4e scénario consacré à la transition énergétique en France. Elle y esquisse un paysage énergétique 100% renouvelable à l’horizon 2050. Sur quelles bases ?
Une baisse majeure de la consommation, préalable au scénario tout renouvelable
Après la publication de précédents scénarios en 2003, 2006 et 2011, la vingtaine d’experts de l’association négaWatt a actualisé sa feuille de route énergétique pour la France, toujours marquée par ses trois principes fondateurs « sobriété, efficacité énergétique et développement des énergies renouvelables »(1). Leur approche consiste en premier lieu à identifier les gisements d’économies d’énergie envisageables aux différents postes de consommation : chauffage, transports, process industriels, etc.
Au total, ces gisements d’économie pourraient permettre, selon négaWatt, de réduire la consommation d’énergie finale de la France de moitié à l’horizon 2050 (- 63% en énergie primaire) par rapport au niveau de 2015(2). Cette baisse drastique reposerait pour 60% sur une plus grande sobriété et pour 40% sur une meilleure efficacité énergétique en réduisant tant que possible les pertes sur l’ensemble de la chaîne énergétique (meilleurs rendements de conversion, prise en compte de l’énergie « grise », etc.).
L’association négaWatt envisage une évolution contrastée entre les différents secteurs. Le résidentiel-tertiaire pourrait connaître une baisse de 56% de sa consommation d’ici à 2050, principalement grâce à la mise en œuvre d’un vaste programme de rénovation thermique des bâtiments existants. Dans le secteur des transports, le scénario envisage une baisse plus forte encore de la consommation (- 63% d’ici 2050) reposant essentiellement sur des actions de sobriété, en privilégiant notamment le transfert modal vers les transports en commun ou en banalisant le covoiturage.
Cette baisse majeure de la consommation énergétique par rapport au scénario « tendanciel(3) » (également présenté par négaWatt dans son étude) constitue un préalable à l’objectif d’un mix tout renouvelable. Elle nécessite toutefois « la mise en œuvre des lois et mesures décidées durant les deux quinquennats précédents » avec un rythme d’application très soutenu, précise l'association.
La réduction par 2 de la consommation d’énergie finale proviendrait des actions combinées de sobriété et d’efficacité énergétique (en jaune sur le graphe). (©Connaissance des Énergies d’après négaWatt)
Un mix électrique renouvelable grâce au « power to gas »
Pour « couvrir la totalité des besoins énergétiques de la France par des sources renouvelables à l’horizon 2050 », le scénario négaWatt envisage un mix énergétique reposant avant tout sur la biomasse solide, suivie par l’éolien et le photovoltaïque pour la production d’électricité. La consommation d’énergies fossiles serait quant à elle réduite à des usages non énergétiques.
Le scénario négaWatt envisage une électrification progressive dans les différents secteurs, la part de l’électricité dans la consommation d’énergie finale augmentant de 24% en 2015 à 35% en 2050. Cette électricité serait produite en grande majorité par l’éolien et le solaire photovoltaïque dont négaWatt envisage un développement « considérable ». Le scénario se base sur une non-prolongation de l’exploitation des 58 réacteurs nucléaires actuellement en service au-delà de leur 4e visite décennal, ce qui conduirait à arrêter le dernier d’entre eux en 2035 (le cas de l'EPR de Flamanville n'est pas traité ici). Pour rappel, le nucléaire compte actuellement pour plus des trois quarts de la production électrique française.
Dans le scénario négaWatt, l’énergie éolienne serait, avec 247 TWh produits en 2050 (contre 21,1 TWh en 2015), la principale source d’électricité. Le parc terrestre ferait plus que tripler dans ce cas de figure, atteignant un total d’environ 18 000 éoliennes à terre (un parc qui ne poserait pas de problème d’emprise au sol selon négaWatt qui mentionne, à titre d'exemple, le parc éolien allemand constitué de 26 800 éoliennes à fin 2015). A ces éoliennes terrestres s’ajouteraient des éoliennes offshore, sur fondations (11 GW installés en 2050) et flottantes à partir de 2025 (jusque 17 GW en 2050).
Pour pallier la variabilité d’un tel parc électrique reposant essentiellement sur des sources intermittentes, négaWatt parie sur le « power-to-gas ». Cette technologie consiste à transformer les excédents d’électricité (« fatale ») sur le réseau en hydrogène par électrolyse de l’eau. L’hydrogène produit pourrait être stocké et ensuite converti en méthane de synthèse par méthanation en y associant du CO2 (pouvant lui-même provenir de sites de méthanisation où le biogaz doit être épuré avant injection sur le réseau de gaz).
Le scénario négaWatt parie ainsi sur une complémentarité des vecteurs électricité et gaz pour tendre vers un scénario 100% renouvelables. Dans le secteur des transports, ce scénario se traduirait concrètement par un parc de véhicules électriques (principalement en ville) et hybrides électricité-gaz.
Les vecteurs gaz et électricité couvriraient plus de 70% de la consommation d’énergie finale en 2050. (©Connaissance des Énergies d’après négaWatt)
A quel prix ?
L’association négaWatt chiffre à près de 1 160 milliards d’euros les investissements nécessaires dans le secteur de l'énergie d'ici à 2050 (dont 860 milliards d'euros dans les énergies renouvelables) pour mettre en oeuvre son scénario, soit l'équivalent de 6 mois de PIB national et bien plus que les investissements cumulés du scénario « tendanciel » (650 milliards d'euros).
Elle envisage toutefois dans le même temps une division par deux de la facture énergétique de la France sur la période avec un mix de plus en plus renouvelable. Au total, négaWatt envisage in fine une économie globale de 670 milliards d’euros dans le secteur de l'énergie (en incluant investissements, dépenses de fonctionnement et importations) grâce à son scénario par rapport au scénario tendanciel.
Cette facture, nerf de la transition, sera naturellement sujette à débat entre les différentes analystes. Tout comme les retombées socio-économiques liées à cette transition : le scénario négaWatt envisage la création nette de 380 000 emplois d’ici à 2030, les nouveaux emplois liés à la transition énergétique (notamment dans la rénovation des bâtiments et les énergies renouvelables) dépassant de beaucoup les destructions d’emplois liées aux énergies fossiles et nucléaire selon l’association.