Réseau de chaleur géothermique

Chantier du forage d'un réseau de chaleur géothermique dans le XIXe arrondissement de Paris (©CFG/COFOR)

Définition

La géothermie basse température (ou basse énergie) exploite la chaleur de gisements d’eau situés à des profondeurs de quelques centaines de mètres jusqu’à environ 2 000 m, pour des températures généralement comprises entre 30°C et 90°C.

Zones d'exploitation

La terre peut être subdivisée, du point de vue des ressources géothermiques, en deux types de régions :

  • les zones géodynamiques actives, généralement des « frontières de plaques », dans lesquelles une quantité très importante d’énergie est dissipée depuis les profondeurs vers la surface, produisant le mouvement des plaques et des phénomènes sismiques et volcaniques. L’énergie y est principalement dissipée par convection ;
  • les zones continentales stables, dans lesquelles l’énergie est dissipée par conduction à travers les formations géologiques, en produisant un gradient géothermique (augmentation de la température avec la profondeur) de 3°C tous les 100 mètres en moyenne.

La géothermie basse température peut être exploitée dans ces dernières zones sous réserve de disposer de formations géologiques poreuses et perméables permettant d’assurer le transfert de chaleur des roches chaudes profondes vers le consommateur en surface.

Il s’agit de formations géologiques appelées « aquifères profonds ». La plupart des gisements concernés se trouvent dans les bassins sédimentaires de la planète, riches en roches poreuses (par exemple le grès ou le sable) imprégnées d’eau et perméables (permettant sa circulation).

Usages

Le niveau de température atteint à une profondeur économiquement accessible est insuffisant pour permettre la production rentable d’électricité, mais peut être utilisé pour :

  • le chauffage des habitations ;
  • certains usages industriels ;
  • le thermalisme et la balnéothérapie ;
  • l'alimentation de piscines ;
  • la pisciculture ;
  • le chauffage de serres.

Son application principale dans les zones à habitat dense est le chauffage urbain par réseaux de chaleur. Dans ce cas, la température de l’eau géothermale doit être supérieure à 60°C.

Fonctionnement

Techniques d’exploitation

L’eau chaude est captée dans la couche poreuse par forage. Le fluide remonte à la surface dans le puits de production par un système de pompage ou grâce à la pression naturelle présente en profondeur et à la température du fluide (système dit artésien).

L’eau chaude peut être exploitée directement lorsqu’elle est suffisamment pure, avec une température et une pression adaptées.

Dans le cas de trop haute température, de trop forte pression ou de composition inappropriée du fluide (les aquifères profonds, hérités d’anciennes formations marines, sont souvent salins) des échangeurs thermiques sont utilisés. La chaleur de l’eau géothermale est alors cédée via le circuit d’un échangeur thermique(1) au fluide du réseau de chaleur servant ensuite, après passage éventuel dans un nouvel échangeur en sous-station, à alimenter un système de chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire. L’échangeur thermique, outre sa fonction de régulation, évite aussi l’endommagement des structures, l’eau géothermale étant fréquemment salée et/ou chargée en sulfures, donc corrosive.

Un second puits permet le plus souvent de réinjecter l’eau géothermale dans l’aquifère originel. Cette étape évite une pollution de surface et permet de maintenir la pression du réservoir géothermal exploité. Le puits de réinjection doit être implanté à la bonne distance du puits de production (1 000 à 2 000 mètres selon les caractéristiques du réservoir et de l’installation) pour que le refroidissement ne soit pas perceptible avant que l’installation ne soit amortie (20 à 30 ans) : il s’agit du principe du doublet géothermique.

Schéma général d'un réseau de chaleur (©ADEME-BRGM)

Schéma général d'un réseau de chaleur (©Ademe-BRGM)

Caractéristiques du réseau de chaleur géothermique

La centrale géothermique du réseau est en général alimentée par un doublet géothermique. Les puits géothermiques et l’échangeur thermique constituent un circuit primaire (ou réseau géothermique) qui chauffe le réseau de distribution ou circuit secondaire. Celui-ci alimente des sous-stations qui transfèrent la chaleur du réseau vers les bâtiments raccordés.

L’essentiel de la chaleur du réseau est fournie par la géothermie qui peut être couplée à des énergies d’appoint (gaz, charbon ou fioul) mobilisées lors des jours les plus froids et pendant les opérations de maintenance. Les réseaux de chaleur géothermiques sont des réseaux multi-énergies. D’autant qu’ils ont été généralement implantés sur des réseaux avec centrales thermiques préexistantes qui passent alors « en appoint ».

Avantages et limites

La géothermie est une source d’énergie renouvelable qui ne dépend pas des conditions atmosphériques. Disponible, le réservoir d’eau exploité n’est pas épuisé grâce au principe du doublet géothermique.

En revanche, la géothermie basse énergie nécessite la présence de certaines formations géologiques (les roches poreuses) aux températures requises et à l’aplomb du lieu de consommation, le transport de la chaleur sur des réseaux étendus étant trop coûteux. Elle nécessite surtout l’existence ou la création d’un réseau de chaleur, ce qui est assez rare en France, même en zone d’habitat dense. De plus, la réalisation d'un site de captage de géothermie basse énergie impose des contraintes techniques liées aux forages et nécessite un investissement élevé, de l’ordre de 10 millions d'euros. Un projet de ce type ne peut être viable que si l’installation est mutualisée entre plusieurs utilisateurs ; on estime qu'un minimum de 5 000 équivalents-logements doivent y être raccordés.

En France, de nombreuses régions présentent des bassins sédimentaires profonds permettant le développement de la géothermie basse énergie, mais deux régions sont particulièrement adaptée en raison de la coïncidence entre la ressource et les besoins en chaleur : l’Ile-de-France et l’Aquitaine. À elles deux, elles produisent plus de 130 ktep par an par le biais des réseaux de chaleur géothermiques, à partir d’installations réalisées dans les années 70-80 lorsque les cours du pétrole étaient très élevés. L’effondrement des cours et les bas prix de l’énergie au cours des 20 années qui suivirent (1986-2006) ont été fatales à la poursuite du développement de ces installations.

La situation a changé ces dernières années du fait des politiques climatiques et de la nouvelle envolée des cours des énergies fossiles. Avec les objectifs de consommation issue des énergies renouvelables, le Grenelle Environnement prévoit en France une contribution à la hausse de la géothermie basse énergie : à l’échéance 2020, il fixe à 500 ktepla production de chaleur annuelle à partir de la géothermie, soit une multiplication par 4en volume.

Les réseaux de chaleur et France et dans le monde

Dans le monde, de nombreux bassins sédimentaires présentent des ressources adaptées à la géothermie basse température : le bassin de l'Amazone et du Rio Plata en Amérique du Sud, la région de Boise (Idaho) et le bassin du Mississipi-Missouri aux États-Unis, le Bassin pannonien en Hongrie, les Bassins parisien et aquitain en France, le Bassin artésien en Australie, la région de Pékin et l'Asie centrale, etc.

Environ 70 pays les exploitent aujourd’hui pour la production de chaleur. Les principaux pays producteurs sont la Chine et les États-Unis. Viennent ensuite la Turquie, l’Islande, l’Italie, la Hongrie et la France(4)

La France dispose de 38 réseaux de chaleur géothermique. Ils permettent de couvrir les besoins de 180 000 équivalent-logements dont 80% sont localisés en région parisienne(2).

1 équivalent-logement correspond à un logement consommant 10 MWh (soit un peu moins d’une tonne-équivalent-pétrole) par an de chaleur utile en chauffage et eau chaude. Cela correspond à la consommation d’un logement de 70 m² construit selon les normes en vigueur au milieu des années 1990(3).

Histoire : du thermalisme au chauffage urbain

L’énergie géothermique est exploitée depuis des milliers d’années pour le thermalisme et le chauffage. De nombreuses civilisations ont développé la pratique des bains thermaux, notamment les Étrusques, les Ottomans, les Chinois et les Romains, qui l’ont perfectionnée. Des sites archéologiques romains ont montré que l’eau chaude n’était pas seulement utilisée pour les bains, mais qu’elle était également transportée par des conduites vers des bassins et des bâtiments équipés de planchers chauffants.

À partir du XIXe siècle, les progrès techniques et une meilleure connaissance du sous-sol envisagent une exploitation à plus large échelle. Mais la géothermie basse énergie ne se développe véritablement qu’au XXe siècle.

Le premier réseau de chauffage urbain par géothermie est installé en 1930 à Reykjavik, en Islande. Dès lors, des réseaux de chaleur utilisant la géothermie vont voir le jour en France, en Italie, en Hongrie, en Roumanie, en URSS, en Turquie, en Géorgie, en Chine et aux Etats-Unis.

En France, dans les années 1960, la géothermie basse énergie commence à être utilisée pour les réseaux urbains de chaleur mais aussi pour le chauffage de serres agricoles et pour la pisciculture. A partir du milieu des années 1970, elle connaît un rapide essor sous les effets des chocs pétroliers et de la mise en place de politiques incitatives. Plus d’une centaine de sites (en majorité dans le Bassin parisien) sont équipés jusqu'en 1985. Toutefois, des problèmes économiques (liés à la brutale chute des cours du pétrole) et financiers qu’ils induisent arrêtent le développement de la filière.

Après une quinzaine d’années de stagnation, liée aux cours très bas des énergies fossiles, la géothermie basse énergie connaît un regain d’intérêt. Cela suppose de réaliser de nouvelles installations, mais également d’assurer l’extension des installations existantes. Les puits uniques mis en exploitation dans les années 1980 seront à transformer en doublets géothermiques, condition de leur maintien en raison des préoccupations environnementales actuelles.

L’avenir des techniques d’exploitation de la géothermie basse énergie devrait passer par les systèmes hybrides. Leur principe est de combiner plusieurs technologies ou sources d’énergie, à l’image du nouveau Reichstag de Berlin (associant géothermie, solaire, gaz, électricité et pompes à chaleur). Ces procédés permettent un stockage thermique en aquifère profond de l’énergie solaire d’été et la réutilisation des calories pour le chauffage en hiver ; ils permettent aussi de stocker sur une source froide en aquifère superficiel  de l’eau fraiche pour la climatisation, et globalement une amélioration de l’efficacité énergétique des réseaux de chaleur et de froid.

Sur le même sujet