Navire pétrolier

Construit en 2015, le navire pétrolier Antigone mesure 333 m de long. (©Euronav)

Définition

Les pétroliers sont des navires citernes servant à transporter le pétrole, ainsi que ses produits dérivés comme l’essence. On les nomme également « tankers » ou « supertankers » pour les plus grands d'entre eux (« tank » signifie citerne en anglais).

Pour le transport d'autres fluides, les navires ont des appellations spécifiques comme :

Types et catégorisation

Selon leur taille, leur rayon d’action ou les produits transportés, les pétroliers sont désignés par des appellations différentes.

Par taille

La capacité de transport des navires pétroliers s'est largement accrue par rapport aux traditionnels « Jumbo » capables de transporter 5 000 tonnes de pétrole brut. Cette capacité est exprimée en « tonnes de port en lourd » (tpl ou DWT pour « deadweight tons » en anglais), ce qui correspond au chargement maximum du navire.

Dans la terminologie des transports maritimes, on distingue notamment (selon la classification retenue par l'Agence internationale de l'énergie(1)) :

  • les « Handymax » capables de transporter entre 38 000 et 49 999 tpl ;
  • les « Panamax » entre 50 000 et 74 999 tpl. Ce nom correspond à la capacité maximale initialement imposée aux pétroliers pour circuler via le canal de Panama (largeur maximale du navire de 32,3 m). Précisons que le canal de Panama a été élargi en 2016, après 9 ans de travaux (une nouvelle appellation - « New Panamax » désigne les pétroliers pouvant circuler à travers le canal élargi) ;
  • les « Aframax » entre 75 000 et 119 999 tpl ;
  • les « Suezmax » de 120 000 à 199 999 tpl ;
  • les VLCC (pour « Very Large Crude Carriers ») à partir de 200 000 tpl et jusqu'à 349 999 tpl ;
  • les ULCC (pour « Ultra Large Crude Carriers ») au-dessus de 350 000 tpl. Ces pétroliers font partie des plus grandes structures mobiles construites par l'homme.

Navires pétroliers par taille
Classification de différents types de navires pétroliers par taille (©Connaissance des Énergies, d'après données de l'AIE)

Par rayon d’action

  • Les supertankers transportent les produits pétroliers sur de grandes distances (ex : Amérique - Moyen Orient) ;
  • les pétroliers classiques sur de moyennes distances (ex : bassin méditerranéen) ;
  • les ravitailleurs et navires d'allègement permettent de ravitailler les autres navires, ou d'alléger les pétroliers trop volumineux pour accoster à certains terminaux ; ils possèdent des équipements spéciaux permettant l'amarrage à couple et le transfert de pétrole. Certains sont conçus pour s'approcher des plateformes pétrolières ;
  • les pétroliers côtiers transportent différents types de produits dans les estuaires et le long des côtes. Ils doivent avoir des dimensions limitées et une bonne manœuvrabilité pour pouvoir se glisser dans les passages étroits ;
  • les barges, particulièrement utilisées sur le continent nord-américain (environ 60 % du trafic intérieur de pétrole). Elles peuvent être poussées ou tirées par un remorqueur.

Par type de produits

  • Les transporteurs de pétrole brut acheminent le pétrole depuis les champs de production jusqu’aux raffineries, généralement sur de grandes distances. Ce sont souvent de grands navires, capables de transporter plus de 100 000 tpl ;
  • les transporteurs de produits raffinés acheminent les hydrocarbures sortis des raffineries jusqu’aux distributeurs.

On distingue communément les pétroliers à coque simple et les pétroliers à coque double. Ces derniers sont préférés de nos jours aux premiers car ils sont considérés comme plus sûrs. En effet, le principe de la double coque permet d’amortir les chocs mais aussi d’améliorer la flottabilité du navire. Si l’une des deux coques présente une défaillance, la deuxième coque limite le risque de fuites et assure la sécurisation des marchandises.

Risques et défis rencontrés

Les risques associés au transport pétrolier maritime

Six risques principaux peuvent affecter les navires pétroliers :

  • les conditions maritimes (chavirage, accident d’équipage, etc.) ;
  • la collision ou l’échouement ;
  • le feu ou l’explosion ;
  • les fissures de coque ou les déformations des citernes ;
  • le risque de pollution en opérations de chargement ou de déchargement ;
  • la piraterie.

Les marées noires

Les marées noires sont générées par le déversement généralement accidentel dans le milieu marin du contenu d’un pétrolier ou d’une installation de production suite à un accident. Avec des conséquences très néfastes d'un point de vue écologique (et économique), elles jalonnent l'histoire du transport maritime d'hydrocarbures. Citons parmi elles :  

  • le Torrey Canyon dans les eaux britanniques en 1967 (119 000 tonnes déversées sur les côtes britanniques et françaises) ;
  • l'Amoco Cadiz dans les eaux françaises en 1978 (223 000 tonnes déversées) ;
  • l'Atlantic Empress au large de Trinité-et-Tobago en 1979 (la collision avec un autre navire est responsable de 287 000 tonnes déversées, ce qui en fait la plus grosse marée noire causée par des navires) ;
  • l'Exxon Valdez dans les eaux américaines en 1989 (37 000 tonnes déversées) ;
  • l'Erika dans les eaux françaises en 1999 (près de 18 000 tonnes déversées) ;
  • le Prestige dans les eaux espagnoles en 2002 (63 000 tonnes déversées).

Selon l’ITOPF (International Tanker Owners Pollution Federation), le nombre de grosses marées noires (plus de 700 tonnes déversées dans la mer) impliquant des navires pétroliers a été divisé par plus de 7 entre les années 1970 (24,5 marées noires de cette ampleur par an en moyenne) et les années 2000 (3,2 par an en moyenne). Entre 2010 et 2018, 17 marées noires dans le monde provoquées par des navires pétroliers ont entraîné le déversement de plus de 700 tonnes de pétrole dans la mer(2).

En pratique, ces événements très médiatisés car spectaculaires ne sont globalement pas aussi fréquents que les déballastages.

Les dégazages et les déballastages

Le terme « dégazage » est souvent utilisé, à tort, pour évoquer la pratique du déballastage. En réalité ces deux termes ont une signification différente :

  • le dégazage désigne la ventilation et l'évacuation des gaz produits par les hydrocarbures dans les citernes d'un navire : ces gaz nocifs doivent être éliminés pour permettre aux hommes de pénétrer dans les citernes; 

  • le déballastage désigne quant à lui le déchargement des eaux de lestage du navire, des résidus de cargaison liquide et des résidus de fonctionnement.

Ces deux pratiques sont réglementées et doivent se dérouler dans les installations portuaires. Elles sont cependant souvent assimilées au déversement de polluants en mer. Afin de ne pas en payer le coût, certains navires vident en effet le contenu de leurs citernes et de leurs cuves directement dans les mers et les océans.

La piraterie

Depuis déjà plusieurs années, les actes de piraterie à l’encontre de pétroliers, se multiplient dans le détroit de Malacca mais aussi dans le golfe d’Aden, deux routes majeures pour le transport du pétrole. Ces zones à risques sont sous haute surveillance des forces militaires.

En 2019, les tensions autour du détroit d'Ormuz ont à nouveau mis en exergue les enjeux associés à la liberté de circulation des navires pétroliers.

De nouvelles contraintes environnementales

L’OMI participe aux politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants. Pour limiter ces émissions et la pollution de l’air associée, l’Organisation a entre autres adopté en 2008 et confirmé en octobre 2016 une réglementation abaissant le futur plafond autorisé de la teneur en soufre dans les carburants marins de l’ensemble des navires marchands : à partir du 1er janvier 2020, ce plafond sera de 0,5% de teneur en soufre, contre 3,5% actuellement. Précisons qu’un plafond plus bas de 0,1% est déjà en vigueur dans certaines zones dites d’émissions contrôlées ou « ECA ».

Un index d’efficacité énergétique des navires neufs (EEDI) permet, au même titre que les véhicules automobiles, de mesurer leurs émissions de gaz à effet de serre depuis janvier 2013. La valeur de cet index doit être inférieur à un plafond calculé sur la base des navires construits lors des dix dernières années (faute de quoi les certificats ne sont pas attribués aux navires).

À la suite d’accidents maritimes comme l’Exxon Valdez ou l’Erika, les États-Unis et l’Europe ont voulu prendre des mesures visant à garantir une meilleure sécurité des navires. L’Organisation Maritime Internationale (OMI) a mis en place un accord sur la généralisation progressive de la double coque (différentes réglementations ont mis fin à la navigation des derniers pétroliers à simple coque en 2015(7)).

Acteurs majeurs

Les chantiers navals

Les navires pétroliers sont construits et assemblés dans les chantiers navals. Les plus grands navires pétroliers au monde ayant jamais été construits (Knock Nevis(3), Pierre Guillaumat, Prairial, Batillus, Bellamya) permettaient de transporter plus de 550 000 tpl. Plusieurs d'entre eux ont été construits sur les Chantiers de l’Atlantique (ce n'est pas le cas du Knock Nevis).

Naviguant sous pavillon belge, les navires Europe et Oceania (Euronav) sont actuellement les plus grands pétroliers en service au monde avec plus de 440 000 tpl.

Les armateurs

Les armateurs sont les propriétaires des pétroliers. Ils louent leurs navires à l’affréteur.

Les affréteurs

Les affréteurs sont pour la plupart des grandes compagnies pétrolières privées dites « majors » et d’autres compagnies pétrolières étatiques ou indépendantes. Ce sont des opérateurs pouvant affréter des pétroliers sur toute route maritime. La majorité des sociétés pétrolières sont à la fois armateurs et affréteurs de pétroliers.

Les sociétés de classification

Les sociétés de classification comme Lloyd’s Register, Bureau Veritas, China Classification Society ou encore American Bureau of Shipping, travaillent en relation avec les armateurs et les assureurs. Leur tâche consiste à inspecter et à certifier l’aptitude des navires à prendre la mer. Ces sociétés classifient les navires selon certains critères (ex : construction, coque, etc.), délivrent des certificats pour l’assurance et publient des registres.

Les sociétés de ship management

Elles supervisent pour le compte de tiers la gestion de navires ou de flottes, en phase de construction (ex : supervision technique) ou d’exploitation (ex : services, logistique, équipages).

Les assureurs

Les assureurs se divisent en deux groupes :

  • les assureurs « corps du pétrolier » assurent le navire pétrolier ;
  • les Protecting and Indemnity Clubs assurent la responsabilité civile pour pollution du transporteur.

Les courtiers d’affrètements pétroliers

Ils sont chargés par les armateurs de leur trouver des affréteurs sur le marché des matières premières. La plupart de ces contrats sont conclus à New York ou à Londres.

Chiffres clés sur le transport pétrolier

Chiffres clés sur les navires pétroliers

  • Avec une capacité de 561 millions de tpl en 2018, les navires pétroliers (transportant du pétrole brut ou des produits pétroliers) comptaient pour 29,2% de la flotte maritime mondiale en tonnage cette année-là (contre 49,7% en 1980), d'après les dernières données de l'UNCTAD (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement)(4).
  • L'âge moyen de la flotte mondiale de navires pétroliers était de 19 ans en 2018.
  • Les navires pétroliers circulent principalement sous pavillon des îles Marshall, du Libéria, de Panama et de Singapour (par ordre de valeur en 2018).
  • Près de 1,87 milliard de tonnes de pétrole brut ont été transportées par voie maritime en 2017.
  • La construction d'un navire pétrolier de grande taille (330 000 tpl) coûte 100 à 125 millions de dollars, selon europétrole(5).
  • La vitesse moyenne d’un navire transportant 250 000 tonnes est d’environ 15 nœuds.

L’évaluation du coût du fret maritime

Le coût de transport du pétrole par voie maritime s'apprécie par rapport à une référence, dit barème « Worldscale » (WSC, édité par les associations mondiales de courtiers d'affrètement maritime à Londres et New York). Un coût dit « flat » est indiqué dans ce recueil de données pour les différentes livraisons possibles. Ce coût « flat » indicatif est qualifié de « WSC 100 ». Si le coût d'un transport est dit « WSC 50 », cela signifie qu'il est inférieur de 50% au coût « flat » indiqué dans le barème Worldscale (pour « WSC 120 », le coût réel est de 20% supérieur au coût flat. Ainsi, plus l’indice juxtaposé au sigle WSC est faible, plus la transaction est intéressante.

Routes de passage du pétrole

Certains points de passage sont considérés comme « stratégiques » dans l'approvisionnement du pétrole :

  • en Afrique : le détroit de Bab el-Mandeb reliant la mer Rouge au golfe d'Aden et le canal de Suez ;
  • en Amérique : le canal de Panama ;
  • au Moyen-Orient et en Asie : le détroit d'Ormuz dans le golfe Persique, principal point de trafic de pétrole au monde, et le détroit de Malacca entre Singapour et l'Indonésie qui alimente l'Asie (Inde, Chine, Corée du Sud, Japon) ;
  • en Europe : le détroit du Bosphore qui relie la mer Noire à la Méditerranée permettant d'acheminer le pétrole originaire de la mer Caspienne ou de Russie.

Transit des navires pétroliers
Points stratégiques de transit des navires pétroliers dans le monde (©Connaissance des Énergies, d'après EIA)

Histoire et évolution du transport du pétrole

Le premier pétrolier à vapeur fait son apparition en 1878 à Bakou (Azerbaïdjan), le Zoraster. Il brûle du fioul lourd et non pas du charbon.

Au début des années 1890, l'arrivée de pipelines accroît le trafic du pétrole dans le nord-est américain et la demande pour un meilleur trafic sur l'océan Atlantique : d'anciens voiliers sont reconvertis par l'ajout de citernes et de « cofferdams » (longues cloisons étanches permettant de contenir les fuites). Les coques métalliques apparaissent en 1896 et l'acier supplante le fer quelques années plus tard. La voile est elle aussi peu à peu remplacée par la vapeur.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, le rôle des navires pétroliers s’accroît pour devenir un élément stratégique pour les États qui les contrôlent. Il se stabilise ensuite, concurrencé par les pipelines. Aujourd’hui, près de 60 % du transport mondial de brut reste assuré par voie maritime selon l'EIA américaine(6).

Le plus gros pétrolier jamais construit, le Knock Nevis, avait une capacité de 565 000 tpl, ce qui représente près de deux jours et demi de consommation de pétrole en France.

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