Pipeline dans l'État de Washington (©photo)
Introduction
Le pétrole est la principale source d’énergie consommée dans le monde. Le transport constitue ainsi un enjeu central dans l’approvisionnement pétrolier, y compris au niveau national. Il nécessite de trouver des voies sûres d’acheminement en optimisant ses coûts.
L’inégale répartition des réserves dans le monde implique des flux pétroliers très importants entre les zones de production et de consommation. Le commerce de pétrole brut et de produits raffinés entre les différents pays atteint près de 66,96 millions de barils par jour en 2021(1), soit presque deux tiers de la production mondiale (93,8 millions de barils par jour). Cette matière première satisfait encore autour de 30% de la demande énergétique mondiale.
Sur les longues distances, le transport est principalement effectué via des pipelines par voie terrestre et via des navires pétroliers par voie maritime. Le transport par camion, par train et par barge sur des cours d’eau peut également être utilisé pour la distribution de produits pétroliers jusqu’aux consommateurs finaux.
Les types de transport du pétrole
Le pétrole brut est d’abord acheminé entre le site de production et les raffineries pour être transformé. Les produits pétroliers sont ensuite transportés jusqu’aux différents lieux de consommation.
Par voie terrestre
Rappelons que l’on qualifie de « pipeline » une canalisation qui permet de transporter des matières gazeuses, liquides ou solides d'un point à un autre. Les pipelines ont des caractéristiques différentes selon les produits qui se déplacent en leur sein : un pipeline transportant du pétrole est appelé « oléoduc ».
Le transport par voie terrestre s’effectue principalement via des oléoducs. Ceux-ci sont constitués de différents tronçons qui ont été soudés et contrôlés par rayon gamma afin d’éviter des fuites. Ces canalisations sont recouvertes d’un matériau goudronneux pour éviter la corrosion et enveloppées d’une couche de laine minérale ou de plastique.
Lorsqu’ils sont enterrés, les oléoducs reposent sur un lit de sable ou de gravier. Certains tubes peuvent être lestés avec du béton pour éviter que l’oléoduc ne se soulève avec la pression des fluides. Tous les oléoducs sont soumis à des essais hydrostatiques avant leur mise en service.
La pression à l’intérieur des oléoducs est élevée jusqu’à un niveau de près de 70 bar afin de permettre la circulation du pétrole. Des stations de pompage en surface, situées tous les 60 à 100 km, maintiennent cette pression. Précisons que le pétrole transite dans les oléoducs à faible vitesse, à une moyenne de 7 km/h.
Il est indispensable de surveiller en permanence la pression, l'écoulement et la consommation d'énergie du pipeline sur toute sa longueur. Une chute de pression sur une partie de l’oléoduc permet de détecter les fuites et de déclencher des mesures correctives (arrêt du flux de pétrole au niveau des stations de pompage).
Un pipeline peut-être détenu par une entreprise privée transportant ses propres produits ou un gestionnaire public, tenu d’acheminer les produits de toutes les sociétés dans des conditions techniques et tarifaires prédéfinies. De manière générale, les grandes compagnies comme les 5 « majors » (Exxon Mobil, Chevron, Shell, BP, Total) sont verticalement intégrées. Elles concentrent toutes les activités de l’exploration à la distribution, y compris le transport.
Par voie maritime
Le pétrole peut être transporté par des navires pétroliers, aussi appelés « tankers » ou « supertankers » pour les plus grands d’entre eux. Les navires pétroliers ont des appellations différentes selon le type de produits qu’ils transportent (pétrole brut ou produits raffinés) et selon leur capacité embarquée. La dimension des navires (et donc leur capacité de transport) est par ailleurs limitée selon les points de transit empruntés (plus ou moins larges).
La capacité de transport des navires pétroliers est exprimée en « tonnes de port en lourd » (tpl ou dwt en anglais). Cela correspond à leur chargement maximum.
Les tankers les plus répandus à l’heure actuelle sont :
- les Panamax capables de transporter entre 50 000 et 79 999 tpl. Cette capacité correspond à la limite imposée aux pétroliers pour transiter par le canal de Panama ;
- les Aframax entre 80 000 et 124 999 tpl (capacité maximale pour les navires ayant un système de jauge dit AFRA, pour « Average Freight Rate Assessment ») ;
- les Suezmax de 125 000 à 199 999 tpl ;
- les VLCC (pour « Very Large Crude Carriers ») à partir de 200 000 tpl et jusqu'à 349 999 tpl dans le cas des navires à double coque (jusqu'à 319 999 tpl dans le cas des navires à coque simple) ;
- les ULCC (pour « Ultra Large Crude Carriers ») au-dessus de 320 000 tpl dans le cas des navires à coque simple et au-dessus de 350 000 tpl dans le cas de ceux à double coque.
Les plus grands navires pétroliers actuellement en activité ont une capacité de 441 560 tpl. La vitesse moyenne d’un navire transportant 250 000 tonnes de pétrole est d’environ 15 nœuds, soit près de 28 km/h. Notons que des barges peuvent être utilisées pour le transport fluvial. Elles sont très répandues aux États-Unis.
Le plus gros pétrolier jamais construit, le Seawise Giant, mesurait 458 m de long et avait une capacité de 565 000 tonnes, ce qui représente près de deux jours et demi de consommation de pétrole en France (il a cessé de naviguer en 2009).
Le transport du pétrole par voie maritime est très souple, les tracés des trajets pouvant être ajustés. Le transport par voie terrestre reste toutefois incontournable, en particulier pour accéder à des pays n’ayant pas d’accès direct à la mer.
Les navires pétroliers sont détenus par les armateurs qui les louent à un affréteur. La majorité des grosses compagnies pétrolières sont à la fois armateurs et affréteurs de navires pétroliers.
Principaux enjeux pour les transporteurs
Coût
Le coût du transport du pétrole jusqu’au consommateur (stockage compris) compte en moyenne pour 6% à 7% du prix final des carburants à la pompe en France. Pour suivre les itinéraires les plus courts possibles et réduire ainsi les coûts de transport, les navires pétroliers empruntent des détroits et autres lieux de passage stratégiques.
Le barème WSC permet d’avoir un prix référence pour le transport par voie maritime. Il s’agit d’un recueil de données, édité par l'Association Internationale des Transporteurs Maritimes, concernant tous les terminaux pétroliers du monde. Il délivre un « coût flat », principalement déterminé par la longueur des trajets, qui évolue selon le marché.
Sécurité du tracé et géopolitique
A terre comme en mer, le problème de la sécurité d’acheminement du pétrole se pose. Par voie terrestre, des vols peuvent avoir lieu le long des oléoducs. En mer, des actes de piraterie se développent dans certaines zones comme le détroit de Malacca ou le golfe d’Aden. Des forces militaires maintiennent ces zones sous surveillance.
Pertes et enjeux environnementaux
Le transport pétrolier maritime est confronté à différents risques (échouement, feu, piraterie, etc.) dont le plus grave est le déversement de ses produits suite à un accident. Ces marées noires sont très médiatisées en raison de leur impact très néfaste sur l’environnement. Citons notamment les cas de l’Amoco Cadiz en 1978 (223 000 tonnes de pétrole déversées), ou plus récemment de l’Erika en 1999 (18 000 tonnes déversées) et du Prestige en 2002 (63 000 tonnes déversées).
Ces événements sont en forte baisse au cours des dernières décennies. Les navires à double coque permettent d’améliorer la flottabilité et de mieux amortir les chocs ainsi qu’à limiter le risque des fuites. Les déballastages qui consistent à décharger des eaux de lestage des navires ou des résidus de cargaisons (improprement appelés « dégazages ») sont plus fréquents, certains navires préférant ne pas en payer le coût dans les ports.
Dans le cas des oléoducs, un des principaux risques est une fuite due à la corrosion des canalisations (le CO2 et l’hydrogène sulfuré contenus dans le pétrole attaquent les parois métalliques), notamment dans des conditions extrêmes comme en Sibérie.
Principales zones stratégiques de transport dans le monde
Par voie terrestre : les oléoducs majeurs
Parmi les oléoducs les plus longs au monde, citons :
- l’oléoduc de Druzhba, qui s’étend sur plus de 5 300 km du sud-est de la Russie à l’Allemagne en traversant 6 autres pays par deux différentes voies : la Biélorussie et la Pologne par le nord et l’Ukraine, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque par le sud ;
- l’oléoduc de Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) qui s’étend sur près de 1 200 km entre la mer Caspienne et la mer Méditerranée ;
- l’oléoduc trans-Alaska (TAPS) qui s’étend sur près de 1 300 km du nord de l’Alaska jusqu’au port de Valdez dans le sud de l’État.
Par voie maritime : les détroits majeurs
Certains points de passage sont considérés comme « stratégiques » dans l'approvisionnement du pétrole :
- en Afrique : le détroit de Bab el-Mandab reliant la mer Rouge au golfe d'Aden et le canal de Suez ;
- en Amérique : le canal de Panama ;
- en Asie : le détroit d'Ormuz, principal point de trafic de pétrole au monde qui relie le golfe Persique au golfe d’Oman, et le détroit de Malacca entre Singapour et l'Indonésie ;
- en Europe : le détroit du Bosphore qui relie la Mer Noire à la Méditerranée permettant d'acheminer le pétrole originaire de la mer Caspienne ou de Russie.
Histoire : les débuts du transport pétrolier
Le premier navire pétrolier à vapeur apparaît en 1878 à Bakou (Azerbaïdjan) : le Zoraster. D'anciens voiliers sont reconvertis en y ajoutant des citernes et des « cofferdams » (longues cloisons étanches permettant de contenir les fuites). Les coques métalliques apparaissent en 1896 et l'acier supplante le fer quelques années plus tard. Dans la seconde partie du XIXe siècle apparaissent aussi les premiers oléoducs, par exemple en 1862 au Canada entre le champ pétrolifère de Petrolia et Sarnia(4).
Durant le XXe siècle, le rôle des navires pétroliers s’accroît pour devenir un élément stratégique pour les États qui les contrôlent. Il se stabilise ensuite, concurrencé par les oléoducs dont certains ont marqué l’histoire. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’oléoduc PLUTO reliant l’Angleterre et la France sous la Manche (mis en service en août 1944) a notamment permis d’approvisionner les Alliés en pétrole suite au débarquement en Normandie.
Les principaux projets
De nouveaux projets d’oléoducs prennent un caractère stratégique très important. En effet la question de la sécurité énergétique passe par une diversification des approvisionnements aussi bien en termes de ressources que de voie d’acheminements.
En Amérique du Nord, la construction de l’oléoduc Keystone XL entre l’ouest du Canada (sables bitumineux de l’Alberta) et le centre États-Unis (raffineries) fait l’objet de nombreuses protestations de groupes environnementaux depuis 2008. Fin janvier 2015, le Sénat américain a donné son accord pour autoriser le projet transfrontalier mais Barack Obama a posé son veto un mois plus tard en attendant de nouvelles évaluations.
L’élargissement du canal de Panama constitue un autre projet majeur pour le transport de pétrole. Il doit permettre de doubler la capacité de transport par ce point stratégique. A fin 2014, 84% du projet a déjà été réalisé. Le gouvernement du Panama annoncé attendre 500 millions de dollars de recettes supplémentaires grâce à ce projet dès 2017, en plus du milliard que rapportait déjà le canal de Panama.
Travaux d'élargissement du Panama (©Panama Canal Authority)