Le transport maritime compterait actuellement pour 2% à 3% des émissions mondiales de CO2 d’origine anthropique. (©Pixabay)
L’Organisation maritime internationale (OMI) a conclu le 13 avril un accord(1) visant à réduire d’au moins 50% les émissions mondiales de gaz à effet de serre du transport maritime d’ici à 2050, par rapport au niveau de 2008. État des lieux.
Une « première » pour le transport maritime
C’est « la première fois » que le transport maritime s’impose des objectifs de réduction de ses émissions de CO2, a insisté l’OMI dans un communiqué suite à l’accord du 13 avril. La marine commerciale, qui compte pour plus de 80% du transport international de marchandises, serait à l’origine de 2% à 3% des émissions mondiales de ce gaz à effet de serre. « Si rien n’avait été entrepris, ces émissions auraient pu augmenter de 50 à 250 % d’ici 2050 », selon le ministère de la transition écologique et solidaire qui a salué l’accord de l’OMI.
Jusqu’à peu, « le transport maritime ne s’était jamais posé de questions environnementales à part celles de ses pollutions », rappelle Paul Tourret, directeur de l’ISEMAR (Institut supérieur d’économie maritime). Ces pollutions étaient de deux ordres : accidentelles (marées noires provoquées par l’Amoco Cadiz en 1978, l’Exxon Valdez en 1989, l’Erika en 1999 ou encore le Prestige en 2002) ou opérationnelles (dégazages pour nettoyer les soutes et les eaux de ballast).
Lors des différentes conférences sur le climat (COP), le transport maritime « s’est trouvé relativement épargnée par la question du CO2 (compte tenu de ses faibles émissions par km), qui était renvoyée vers le transport routier et aérien » selon Paul Tourret et c’est le dioxyde de soufre (SO2) qui s’est imposée comme la question environnementale centrale du secteur. Plusieurs réglementations ont imposé une réduction progressive de la teneur en soufre des carburants marins.
Les termes de l’accord de l'OMI
L’accord de l’OMI relatif aux émissions de l’ensemble des gaz à effet de serre fixe pour ambition de :
- réduire le volume total des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime d’au moins 50% en 2050 par rapport à 2008 ;
- réduire d'au moins 40% les émissions de CO2 (à la tonne par kilomètre) par les navires d'ici 2030 par rapport à 2008, « tout en poursuivant l’action menée pour atteindre une réduction de 70% d'ici à 2050 ».
L’accord a fait l’objet de nombreux débats et constitue un compromis entre les tenants d’une ambition plus forte (réduction de 70% à 100% des émissions, défendue par des pays du Pacifique et de l’Union européenne) et d’autres réclamant un horizon de temps plus éloigné pour l’objectif de réduction (Japon notamment).
« La détermination de l’OMI permettra d’éviter l’adoption de mesures régionales qui amoindrirait les règles d’équité entre les États », juge Hervé Thomas, délégué général d’Armateurs de France qui salue le consensus final autour de l’accord. Le secrétaire général de l’OMI, Kitack Lim a quant à lui présenté cet accordcomme « une base pour des actions futures ». L’organisation précise que le secteur va « poursuivre ses efforts pour les éliminer complètement ».
La stratégie de l’OMI pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être révisée en 2023.
Un secteur forcé à innover
Pour l’agence internationale de l’énergie (AIE), la stratégie de l’OMI va « avoir d’importantes conséquences pour un secteur qui a traditionnellement fait face à des obstacles importants aux innovations ». Pour rappel, le transport maritime consomme aujourd’hui principalement du fioul lourd, issu du bas de la colonne de raffinage pétrolier(2). Selon les statistiques de l’AIE, le transport maritime serait actuellement à l’origine d’environ 5% de la demande mondiale de produits pétroliers, soit l’équivalent de la consommation combinée de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni.
Ces dernières années, le secteur du transport maritime a déjà réduit la vitesse de ses navires pour consommer moins de carburant, souligne Paul Tourret, ce qui en a fait « la première industrie du transport à ralentir ». « Avec la question des émissions, le transport maritime doit être une deuxième fois efficient : en consommation et en nuisances », constate le directeur de l’ISEMAR. Pour respecter les obligations sur la teneur de soufre des carburants, les armateurs avaient principalement consommé du fioul désoufré qui en renchérit le prix ou installé des « scrubbers », équivalents de pots catalytiques qui nécessitent un important investissement.
Parmi les solutions permettant déjà de réduire les émissions de CO2 du secteur, Hervé Thomas cite entre autres « la vitesse écoresponsable et le branchement électrique à quai » des navires (ce qui permet d’éviter le recours à leurs moteurs auxiliaires). Se pose également la question du développement de carburants alternatifs. L’utilisation du gaz naturel liquéfié (GNL) « permettra de réduire de près d’un quart les émissions de CO2 », considère Hervé Thomas qui rappelle que « plusieurs armateurs ont déjà commandé des navires neufs propulsés grâce à ce carburant : Brittany Ferries pour une livraison dès 2019 et CMA CGM (9 porte-conteneurs de 22 000 EVP(3) à partir de 2020) ».
Cette solution ne sera toutefois pas suffisante pour de nombreux observateurs et « de nouvelles solutions doivent être trouvées », confirme Hervé Thomas. Armateurs de France, organisation professionnelle des transports et services maritimes français, appelle à ce titre le gouvernement à développer « un grand plan de recherche et d’innovation français, voire européen, au bénéfice de la décarbonation des futurs navires de commerce ».