Les émissions mondiales de CO2 comptent pour 73% des émissions globales de gaz à effet de serre(1), en considérant leur potentiel de réchauffement sur une période de 100 ans. (©Martin Muránsky-Shutterstock.com)
Les émissions mondiales de CO2 sont restées stables en 2015 selon le dernier bilan du Global Carbon Project, publié lundi en marge de la COP22. Cette stabilisation reste toutefois largement insuffisante au regard de l’objectif des « 2°C » fixé par l’accord climatique de Paris. Explications.
Une stabilisation des émissions « grâce » aux principaux émetteurs
En 2015, les émissions mondiales de CO2 dues à la combustion d’énergies fossiles et à l’industrie ont atteint 36,3 milliards de tonnes(2) (Gt CO2) selon les chercheurs associés au Global Carbon Project qui suit l’évolution de la concentration du CO2 dans l’atmosphère(3). Ce niveau d’émissions est similaire à celui de 2014 et les prévisions pour 2016 envisagent une très faible hausse de 0,2% (36,4 Gt CO2). A comparer avec la hausse moyenne de 3,4% par an des émissions mondiales de CO2 entre 2000 et 2009.
Évolution des émissions mondiales de CO2 liées à la combustion d'énergies fossiles et à l'industrie (source : Global Carbon Project)
Plus de 59% de ces émissions mondiales provenaient de 4 zones géographiques en 2015 : la Chine (28,6% des émissions mondiales à elle seule), les États-Unis (14,9%), l’Union européenne à 28 (9,6%) et l’Inde (6,3%). Les deux principaux émetteurs ont joué un rôle important dans la stabilisation des émissions mondiales, en réduisant leurs propres émissions en 2015 de 0,7% pour la Chine et de 2,6% pour les États-Unis, grâce à la baisse de leur consommation de charbon(4). Dans le même temps, l’UE a vu ses émissions augmenter de 1,4% en 2015 (« la hausse du taux de croissance du PIB a très probablement joué un rôle tout comme la faiblesse du prix des énergies fossiles », expliquait en mai dernier Carole Mathieu, chercheur au Centre Énergie de l'Ifri)(5).
L’élection de Donald Trump « pourrait certainement faire ralentir la diminution des émissions américaines, mais au niveau mondial, la tendance dépend principalement de ce qui va se passer en Chine à court terme, et à plus long terme de la présence d’autres leaders mondiaux et de la compétitivité des énergies renouvelables », indique Corinne Le Quéré, co-auteur du rapport du Global Carbon Project et professeur à l’université britannique d’East Anglia.
Rapportées à la population, les émissions américaines de CO2 restent très supérieures en 2015 à celles des autres grands émetteurs. (source : Ministère en charge de l'énergie)
Une stabilisation insuffisante pour atteindre la cible des 2°C
Selon Corinne Le Quéré, la stabilisation des émissions mondiales de CO2 ces trois dernières années est « encourageante » mais elle reste insuffisante pour espérer atteindre l’objectif de l’accord de Paris, à savoir contenir en deça de 2°C le réchauffement terrestre moyen d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Pour être à la hauteur des ambitions affichées lors de la COP21, les émissions mondiales « doivent maintenant se mettre à diminuer, pas seulement se stabiliser », met en garde Corinne Le Quéré.
Concrètement, pour avoir 66% de chance d’atteindre la cible des 2°C, les émissions mondiales de CO2 entre 2017 et 2100 devraient être limitées à 816 Gt CO2. Ce « budget »(6) correspond à près de 22 années d’émissions au rythme actuel (alors qu’il reste 83 ans d’ici la fin du siècle). Autrement dit, une réduction des émissions mondiales d’environ 0,9% par an serait nécessaire d’ici à 2030. Après 2050, le monde devrait présenter des émissions « nettes négatives ». Il est par exemple envisagé de « capturer le CO2 avant qu’il soit émis dans l’air, et de l’enfouir d’où il vient. Si l’énergie provient d’une source biologique (par exemple les résidus de l’agriculture), on peut renverser les émissions en stockant plus de CO2 que l’on en émet », explique Corinne Le Quéré.
Le charbon, controversé mais omniprésent
Près de 41,3% des émissions mondiales de CO2 en 2015 étaient encore imputables, selon le Global Carbon Project, à la combustion de charbon. La combustion de pétrole, de gaz naturel et la fabrication de ciment étaient pour leur part respectivement responsables de 33,5%, 18,7% et 5,5% de ces émissions. Notons que le « torchage » du gaz naturel, pratique qui consiste à brûler du gaz remonté lors de l’extraction de pétrole, serait également à l’origine de près de 1% des émissions mondiales de CO2.
Bien que décrié en raison de son impact environnemental, le charbon joue encore un rôle central au niveau mondial dans le mix énergétique et plus encore dans le mix électrique : ce combustible a compté pour 29,2% de la consommation mondiale d’énergie primaire en 2015(7) et pour plus de 40% de la production d’électricité dans le monde(8).