Les COP (ou Conférences des Parties) sur le climat réunissent à chaque fin d'année pendant près de deux semaines des délégués venus du monde entier. Pour les représentants des États, c’est l’occasion de renforcer conjointement leurs engagements de lutte contre le changement climatique à travers de grands accords, comme le protocole de Kyoto (1997 lors de la COP3) ou l’accord de Paris (2015 lors de la COP21). De multiples évènements parallèles réunissent experts, représentants de la société civile et acteurs du monde économique.
Hautement médiatisées, les COP attirent de plus en plus de monde(1) : près de 10 000 personnes en 1997 à Kyoto, plus de 30 000 à Paris en 2015. La barre des 40 000 a été franchie à Glasgow en 2021 (COP26).
La prochaine COP aura lieu à Bakou en Azerbaïdjan en novembre 2024 (COP29).
Objectifs
C’est notamment lors de ces COP que les États signataires peuvent entériner des accords sur la réduction des émissions anthropiques de gaz à effet de serre, avec des objectifs communs ou différenciés. Ils évaluent également à ces occasions l’évolution de leurs engagements et de l’application de la convention-cadre des Nations unies sur le climat.
Des sessions de négociation sont réalisées en amont de ces sommets. Les COP réunissent les représentants des Parties mais aussi des acteurs non-étatiques : collectivités territoriales, ONG, scientifiques, etc.
Origine
Rapports du GIEC
Si le lien entre les rejets de CO2 et le réchauffement de la planète a été établi dès 1896 par le Nobel de chimie Svante Arrhenius, la question a ensuite été ignorée des politiques pendant près d’un siècle. La création en 1988 du GIEC, le Groupement intergouvernemental d’experts sur le climat, va totalement changer la donne.
Le premier rapport d’évaluation du GIEC(2) paraît en 1990. Il présente les premiers scénarios climatiques qui anticipent, si rien n’est fait pour contrôler des émissions de gaz à effet de serre (GES), un réchauffement global de 4 à 5 °C à l’horizon 2100. Il recommande, sur le modèle de ce qui a été fait quelques années auparavant pour protéger la couche d’ozone, l’adoption d’une « convention cadre » et de « protocoles additionnels » pour coordonner l’action des États.
Deux ans après la publication du rapport, se tient en 1992 à Rio le « Sommet de la Terre », une conférence décennale des Nations unies sur l’environnement.
Ce sommet historique débouche sur l’adoption de trois conventions internationales (COP) sur la biodiversité, la désertification et le climat. Il existe donc 3 types de COP et il est ici uniquement fait référence aux COP sur le climat.
Convention-cadre et « Parties »
L’ONU s’est dotée en 1992, à l’occasion du sommet de la Terre de Rio de Janeiro, d’un cadre d’action de lutte contre le réchauffement climatique : la CCNUCC (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, ou UNFCCC en anglais). Cette convention réunit presque tous les pays du monde qui sont qualifiés de « Parties ». Leurs représentants se rassemblent une fois par an depuis 1995 lors des « COP » (Conferences of the Parties) ou « CdP » en français.
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques est le traité international fondateur de la négociation climatique. Elle fixe un objectif ultime : stabiliser la concentration atmosphérique des GES à un niveau limitant les « perturbations anthropiques dangereuses du système climatique ». La Convention laisse toutefois le soin aux futurs textes d’application de préciser ce niveau.
Elle introduit le principe de la « responsabilité commune mais différenciée » face au réchauffement global. En ratifiant la Convention, chaque partie reconnaît porter une part de la responsabilité qui doit être différenciée suivant le degré de développement. La Convention liste en annexe les pays développés (pays occidentaux et Japon) qui portent la plus lourde responsabilité.
Gouvernance et COP
La Convention climat ne se contente pas d’énoncer des principes généraux. Elle met aussi en place une gouvernance, avec un secrétariat, des organes techniques basés à Bonn en Allemagne, et un organe suprême : la Conference of the Parties (COP) qui doit se réunir au moins une fois par an. Dans les COP, chaque pays, quelle que soit sa taille ou sa puissance économique, dispose d’une voix et les décisions se prennent au consensus.
Deux ans après la conférence de Rio, la Convention climat est ratifiée par un nombre suffisant de pays pour entrer en vigueur en mars 1994. La première COP sera convoquée à Berlin en décembre. Les négociations climatiques sont lancées.
Quelles COP ont eu le plus d'impact depuis 1995 ?
La 1re COP s’est tenue à Berlin en 1995. A l’occasion de la 3e « COP » en 1997, le Protocole de Kyoto a été signé : 37 pays développés se sont engagés à réduire leurs émissions de 5% en moyenne sur la période 2008 / 2012 par rapport aux niveaux de 1990. Lors du très médiatisé sommet de Copenhague en 2009 (« COP15 »), aucun accord global n’a en revanche été trouvé. En 2012, l’Amendement de Doha (« COP18 ») a prolongé le Protocole de Kyoto. Il porte sur la période 2013/2020 et prévoit pour les pays engagés une réduction moyenne de 18% de leurs émissions par rapport à 1990.
La « COP21 », qui s'est tenue à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, a permis de conclure un accord engageant 195 États à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ledit accord « de Paris » est depuis entré en vigueur le 4 novembre 2016.
Les COP suivantes se sont déroulées à :
- Marrakech en novembre 2016 (« COP22 ») ;
- Bonn en novembre 2017 (« COP23 », présidée par les îles Fidji) ;
- Katowice en décembre 2018 (« COP24 ») ;
- Madrid en décembre 2019 (« COP25 ») ;
- Glasgow en novembre 2021 (« COP26 ») ;
- Sharm el-Sheikh en Égypte en novembre 2022 (« COP27 ») ;
- Dubaï aux Émirats arabes unis en décembre 2023 (« COP28 »).
Où auront lieu les prochaines COP en novembre 2024 (COP29) et fin 2025 (COP30) ?
Les prochaines COP se dérouleront à Bakou en Azerbaïdjan du 11 au 22 novembre 2024 (« COP29 ») et à Belém au Brésil fin 2025 (« COP30 »).
Précisons que depuis 2005, date d’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, la COP est chaque année couplée à la Conférence annuelle des Parties au Protocole de Kyoto.
L'histoire des COP
L’ère des COP, de Berlin à l’accord de Paris
C’est une jeune ministre de l’environnement, inconnue du public, qui préside la première COP : une certaine Angela Merkel, qui fait là ses premiers pas diplomatiques. Sa tâche est assez simple : la COP1 donne un mandat de deux ans à un groupe de négociateurs pour compléter la Convention de 1992 par un texte d’application.
En décembre 1997, c’est chose faite : la COP3 adopte le protocole de Kyoto, premier texte d’application de la ConvenTion de 1992. Ce protocole introduit des engagements contraignants pour les pays développés et les pays de l’ex-bloc soviétique, qui doivent réduire de 5 % leurs émissions de GES entre 1990 et 2008-2012.
Pour faciliter l’atteinte de cet objectif, des mécanismes de flexibilité reposant sur des échanges de quotas ou crédits carbone sont introduits, sous la pression des négociateurs américains qui y voient une façon d’alléger la contrainte pesant sur les États-Unis.
Les négociations semblent alors être bien parties. Mais pour entrer en vigueur, le Protocole de Kyoto doit être ratifié par un nombre suffisant de pays représentant un certain volume d’émissions…
Quand les États se renvoient la balle
En mars 2001, le Président Bush, nouvellement élu à la Maison Blanche, annonce que les États-Unis ne ratifieront pas un protocole qui n’est pas contraignant pour la Chine et les autres pays émergents. Et c’est alors que la diplomatie climatique se complique. Car sans la signature des États-Unis, il faut avoir celle de la Russie pour atteindre le quorum permettant à Kyoto d’entrer en application. Cela donne un grand pouvoir de négociation au Président Poutine qui ne va pas se priver de l’utiliser. La Douma finit par ratifier le protocole en novembre 2004 et le protocole de Kyoto entre en application début 2005.
Mais sans la participation des États-Unis et avec l’accélération des émissions de la Chine et des autres pays émergents d’Asie, il couvre désormais moins d’un tiers des émissions mondiales de GES. Il faut donc trouver les voies d’un élargissement des accords climatiques. De 2005 à 2009, l’Union européenne préconise donc d’élargir le protocole de Kyoto aux pays émergents après 2012, ce qui permettrait un retour des États-Unis. Cette tentative échoue en 2009 à la COP15 de Copenhague.
Les grands pays émergents ne veulent pas d’un super-Kyoto, mais font une contre-proposition : un accord universel où chaque pays déposerait librement sa contribution avec un engagement de transfert financier des pays riches. Le Président Obama se rallie à ce schéma avec une promesse de transfert de 100 milliards de dollars par an de pays riches vers les pays pauvres.
En 2010, on renoue les fils de la négociation à la COP de Cancún sur ces nouvelles bases. L’année suivante, la COP17 de Durban confie un nouveau mandat à un groupe de négociateurs, de quatre ans cette fois, pour parvenir à un accord universel au plus tard en 2015 lors de la COP21.
Une grande incertitude pèse alors sur la possibilité de parvenir à un tel accord universel. À tel point que les candidatures ne sont pas légion pour héberger la COP21. La France se porte candidate. Sous la houlette de Laurent Fabius, le réseau du Quai d’Orsay est mobilisé. Son action est facilitée par l’engagement des Présidents Obama et Xi Jinping qui se prononcent à deux reprises à l’amont de la conférence en faveur d’un tel accord.
Les premiers pas de l’accord de Paris
Nouveau texte d’application de la convention de 1992, l’accord de Paris est adopté le 12 décembre 2015. Sa forme juridique n’est pas un protocole, mais une annexe de la décision de la COP21, ce qui facilitera sa ratification, notamment par les États-Unis. Comme en témoigne le nombre des chefs d’État sur la photo de famille, c’est un beau succès diplomatique.
En matière climatique, l’accord précise en premier lieu les objectifs de long terme : limiter le réchauffement global d'ici à la fin du XXIe siècle (par rapport aux températures de l'ère préindustrielle) bien en dessous de 2 °C en visant 1,5 °C. Pour y parvenir, l’article 4 précise qu’il faut atteindre rapidement le pic des émissions pour viser la neutralité climatique, conformément aux scénarios du 5ᵉ rapport d’évaluation du GIEC, publié en amont de la conférence.
Des « contributions déterminées au plan national »
Les objectifs de réduction des émissions de GES sont déclinés en « contributions déterminées au plan national » (NDC), que les pays déposent sur un registre des Nations unies et doivent réviser au moins une fois tous les cinq ans à la hausse, au vu d’un bilan global.
Au titre de la différenciation de la responsabilité, les financements climatiques devront être accrus, les 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 étant considérés comme un socle minimal amené à être fortement augmenté.
Contrairement au Protocole de Kyoto, l’accord de Paris entre très rapidement en application, le 4 novembre 2016. Moins d’un an après la COP21, mais… quelques jours avant l’élection présidentielle américaine. Nouvellement élu, Donald Trump retire les États-Unis de l’Accord de Paris en mars 2017. L’histoire serait-elle en train de se répéter ?
Pas tout à fait, car la sortie de l’accord de Paris est plus complexe que celle du protocole de Kyoto. Il faut quatre ans pour que ce retrait soit acté : le temps d’élire un nouveau président ! L’une des premières décisions de Joe Biden à la Maison Blanche a été de signer un décret ramenant les États-Unis au sein de cet accord.
Car l’épisode trumpien n’a pas fait dérailler l’accord de Paris. À la COP26 de Glasgow, retardée d’un an pour cause de Covid-19, la quasi-totalité des pays, États-Unis inclus, avait déposé sur le registre des Nations unies leur contribution à l’accord de Paris(3).
Quelques faits marquants de négociations diplomatiques
En théorie, un seul pays peut objecter à l'adoption de l'accord final. "C'est une question d'interprétation", avance Alden Meyer, observateur vétéran des négociations climatiques au sein du groupe de réflexion E3G. Il rappelle que l'Arabie saoudite et le Koweït, très hostiles à Dubaï à un accord visant les énergies fossiles, avaient fait part de leur opposition à la déclaration finale lors du vote en 1992 établissant la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), mais que le président de la session avait tout simplement donné le coup de maillet validant la décision.
Depuis, l'Arabie saoudite a bloqué l'adoption du règlement au sein de la CCNUCC qui prévoyait de prendre des décisions à la majorité des deux tiers en l'absence de consensus. En 2012 à Doha, le Qatar, pays hôte, a ignoré une demande de la Russie de prendre la parole pour faire part de ses préoccupations liées au protocole de Kyoto, ce qui a incité Moscou, en retour, à retarder les négociations de l'année suivante, note M. Meyer.
Un responsable de la CCNUCC précise à l'AFP que toute objection doit être "explicite" pour entraver un consensus. Un pays qui ne ferait que "protester" contre un texte, sans "objecter", ne stopperait donc pas l'adoption - ce qui lui permet de manifester son mécontentement sans tout bloquer.
La COP21 de Paris en 2015 fut un succès, avec l'adoption de l'accord visant à limiter l'élévation de la température moyenne à 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle. Mais le délégué du Nicaragua avait d'abord refusé de soutenir le texte, ce qui avait déclenché une immense campagne de pression sur le petit pays d'Amérique centrale, qui aurait même inclus l'intervention du pape François.
Les oppositions de représentants de la gauche latino-américaine ont eu plus de succès à la désastreuse COP de 2009 à Copenhague. Dans une scène stupéfiante pour les délégués épuisés, la représentante vénézuélienne, Claudia Salerno, avait levé une main ensanglantée, affirmait parler au nom de pays dans le dos desquels s'était ficelé un accord négocié par le président américain Barack Obama avec d'autres grands puissances, dont la Chine.
Le Premier ministre danois, Lars Lokke Rasmussen, était prêt à abandonner et à déclarer l'échec du sommet, quand les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont demandé une pause, à la suite de laquelle M. Rasmussen a déclaré l'accord "noté" plutôt qu'approuvé ou rejeté.
Dans le cadre d'un processus parallèle de la COP, les négociations sur la biodiversité à Montréal l'année dernière ont abouti à un accord majeur sur la protection des espèces. Le président chinois de la réunion a tout bonnement ignoré les objections de la République démocratique du Congo, qui réclamait une plus grande aide des pays riches.
Les COP sont-elles utiles ?
Cinq participants de la COP28 donnent leurs arguments quant à l'utilité des conférences sur le climat de l'ONU, qui se résument ainsi : la planète serait dans un état encore pire sans les COP.
- John Kerry, Monsieur climat américain : "Certains suggèrent ici et là que l'accord de Paris ne marche pas car nous sommes en retard et qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir. Au contraire, la preuve est claire : il marche, je me souviens qu'avant Paris (...) nous nous dirigions vers un réchauffement planétaire de 3,7 à 4°C... Désormais, avec la coopération de l'ensemble du monde, de nos collègues et d'autres, nous sommes sur une bien meilleure trajectoire" (entre 2,5°C et 2,9°C, NDLR).
- Rana Adib, directrice du réseau d'experts sur les énergies renouvelables REN21 : "La COP est un processus nécessaire. Du point de vue de l'énergie, le processus a été beaucoup trop lent, notamment face à l'urgence climatique. Bien que ceci semble à peine croyable, c'est la 28e COP et les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique n'ont jusqu'à présent jamais été mentionnées dans les textes. Je dirais donc que le chiffre est : 27 séances COP sans mentionner les énergies renouvelables, la COP28 étant la première COP au cours de laquelle les énergies renouvelables pourraient - et devraient - se retrouver dans le texte final. Il y a potentiellement un moment historique à saisir, vu la mobilisation internationale sur l'objectif de tripler les capacités des énergies renouvelables et de doubler l'efficacité énergétique (...). Il est néanmoins nécessaire qu'il soit intégré dans le texte final de la COP28".
- Fati N'Zi-Hassane, directrice Afrique d'Oxfam international : "La COP c'est quand même un espace où le multilatéralisme prévaut. Par les temps qui courent, c'est important de se dire qu'un pays comme les Seychelles, le pays le moins peuplé d'Afrique, a le même accès à la parole que n'importe quel pays développé. Il a les mêmes prérogatives que les grands pays par la taille ou l'économie. Après, il faut voir les COP comme étant un processus itératif, où on cristallisent des couches de consensus et d'avancées. Par exemple, la COP15 en 2009 à Copenhague, c'est à ce moment-là qu'on a décidé de réduire les gaz à effet de serre et qu'on a décidé de la création d'un Fonds vert pour le climat, qui n'est pas assez alimenté (...) mais qui a le mérite d'exister".
- Gustavo Pinheiro, expert du centre de réflexion E3G in Brazil : "Nous n'aurions même pas connaissance du changement climatique. Nous avons connaissance du changement climatique grâce à la Convention (de Rio), grâce à ce processus. Oui, les négociations sont difficiles, oui c'est long, oui c'est difficile de bâtir un consensus entre 195 parties mais l'humanité n'a rien trouvé de mieux pour résoudre le problème. Au moins, on connaît le problème, ce qui est la première étape pour le résoudre. C'est comme avec la démocratie, qui a ses défis, mais qui est le moins pire des systèmes qu'on ait trouvé".
- Laurence Tubiana, architecte de l'accord de Paris : "Tous les gens qui sont autour de la table sont des juristes, ils savent que, quand ils signent quelque chose, il faudra l'appliquer ensuite. Peut-être qu'on peut dire, au fond, que personne ne nous traînera devant la Cour de justice internationale mais, dans notre droit national, cela peut revenir et, de fait, cela arrive. Donc les gens font attention à ce qu'ils signent. C'est un engagement légal."
Les propos ont été recueillis par l'AFP.