Près de 15 000 personnes sont attendues lors de la Conférence Climat de Marrakech. Ici, Salaheddine Mezouar et Ségolène Royal, respectivement présidents de la COP22 et de la COP21. (©flickr-UNclimatechange)
La COP22(1) débute aujourd’hui à Marrakech, trois jours après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris. Cette nouvelle Conférence Climat se tiendra jusqu’au 18 novembre. Quels en sont les principaux enjeux ?
État des lieux, onze mois après l'Accord de Paris
Le 12 décembre 2015, les 196 Parties à la Convention Climat des Nations Unies (195 pays et l’Union européenne) ont conclu un accord historique à Paris avec pour objectif commun de contenir « nettement en dessous » de 2°C l’augmentation de la température mondiale d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. « On aurait pu craindre que l’enjeu climatique soit relayé au second plan après ce pic de mobilisation mais cela n’a absolument pas été le cas », constate Carole Mathieu, chercheuse spécialiste des politiques climatiques au Centre Énergie de l’Ifri.
L’Accord de Paris est en effet entré en vigueur en un temps record, le 4 novembre dernier, soit un mois après l’atteinte du seuil de ratification (55 pays comptant pour au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre) et moins d'un an après la COP21. A ce jour, 100 États ont ratifié l’accord de Paris(2).
Un certain nombre de pays ont de plus traduit en décisions politiques les ambitions affichées à Paris, comme le rappelle Carole Mathieu, qui cite notamment « la prolongation des crédits d’impôts pour les énergies renouvelables aux États-Unis, la fermeture de mines de charbon en Chine ou encore l’ambition de l’Union européenne de préciser au mois de décembre la répartition des efforts d’atténuation entre ses États membres pour les secteurs non-couverts par le marché carbone ».
Mi-octobre, les 197 États signataires du protocole de Montréal se sont par ailleurs engagés à Kigali à réduire progressivement l'utilisation d'hydrofluorocarbures (HFC). Cette décision relativement peu médiatisée pourrait avoir un impact significatif dans la lutte contre le réchauffement climatique, sachant que ces gaz, principalement utilisés comme réfrigérants, ont un effet de serre très important(3).
Une COP22 plus « technique »
Pour rappel, la quasi-totalité des Parties avaient, en amont de la COP21, fait part de leurs contributions nationales (INDC) à l’horizon 2025/2030 pour lutter contre le changement climatique. D'après les climatologues, la somme de celles-ci ne permettra toutefois pas d’atteindre la cible des 2°C (la trajectoire de réchauffement à l’horizon 2100 dépasserait 3°C)(4). Selon Réseau Action Climat-France qui fédère des ONG de lutte contre le changement climatique(5), la priorité est donc « d’inciter les pays à concrétiser et amplifier leurs actions de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, sans attendre 2020 ». Et il reste également à préciser entre autres les règles de transparence et modalités de suivi des objectifs nationaux(6).
Lors de la COP22, c’est ainsi la mise en œuvre de l’Accord de Paris et ses modalités concrètes qui vont être débattues, raison pour laquelle certains qualifient la Conférence Climat de Marrakech de « COP de l'action ». « L’enjeu est d’ordre technique mais il reste essentiel car selon que des interprétations strictes ou souples sont retenues, l’accord de Paris peu gagner ou perdre en substance », insiste Carole Mathieu.
L’entrée en vigueur de l’Accord de Paris rend juridiquement possible l’adoption des règles de transparence dès la Conférence Climat de Marrakech mais « les pays auront très certainement besoin de plus de temps pour finaliser leurs discussions, avec comme cible 2017 ou 2018 pour une prise de décision », indique Carole Mathieu.
Les financements au cœur de cette « COP africaine »
Dans son discours lors de la cérémonie d’ouverture à Marrakech(7), la présidente de la COP21 Ségolène Royal a fait de « la justice climatique et en particulier pour l’Afrique […] le grand défi de la COP22 ». La ministre française en charge de l’énergie a rappelé que ce continent était particulièrement affecté par le réchauffement climatique, signalant que 36 des 50 pays « les plus meurtris par le réchauffement se trouvent en Afrique subsaharienne ».
Dans ce cadre, la problématique des financements des pays du Nord en faveur de ceux du Sud reste incontournable. Une cible de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020(7) avait été confirmée lors de la COP21 (et de nouveaux objectifs plus ambitieux doivent être fixés pour 2025). « Aujourd’hui, les pays en développement attendent de la visibilité et des garanties sur la montée en puissance des financements climat », indique ainsi Carole Mathieu. La chercheuse rappelle que les discussions portent avant tout sur la méthode puisqu’il n’y a pas à ce jour de définition communément admise de la « finance climat ». D’autres questions se posent telles que la répartition des financements entre les programmes d’adaptation au changement climatique et d’atténuation et l’accès à ces financements, un soutien administratif étant nécessaire pour les pays en voie de développement.
Pour rappel, sur les 915 millions d’habitants qui peuplaient l’Afrique en 2013, seuls 290 millions avaient accès à l’électricité (avec de grandes disparités entre zones urbaines et rurales). Compte tenu de la croissance démographique actuelle, le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'électricité augmente en outre plus rapidement que celui des habitants nouvellement connectés au réseau électrique (l'ONU envisage un quadruplement de la population de l'Afrique subsaharienne d'ici à 2100).
Une dynamique également liée aux initiatives en marge de la COP22
Si le succès de la COP21 avait été symbolisé par l’Accord de Paris, il avait également été le fruit des « milliers d’engagements pris à côté et qui ne sont pas dans l’accord », avait souligné l’an dernier Pascal Canfin, ancien ministre français chargé du développement et actuel directeur général de WWF France.
De nombreuses initiatives avaient été lancées lors de la précédente Conférence Climat à l’image de l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables ou de l’Alliance solaire internationale mais aussi de nombreuses actions de la société civile en marge de la COP21. Pour Carole Mathieu, « les territoires, la société civile et les acteurs privés sont désormais très impliqués dans ces grands rendez-vous climatiques et doivent profiter de l’attention politique et médiatique pour faire le point sur leurs engagements, se donner de nouveaux objectifs et renforcer le dialogue international ».
Cette année encore, la réussite de la COP22 dépendra ainsi de décisions « officielles » (notamment sur le renforcement des capacités administratives, les transferts de technologies ou encore l’adaptation) mais aussi de la confirmation que « la mise en œuvre de l’accord de Paris est bien enclenchée avec une accélération des efforts à tous les niveaux », confirme Carole Mathieu.