Selon le scénario « New Policies » de l'AIE, la demande mondiale de pétrole pourrait avoisiner 105 millions de barils par jour en 2040. (©Apache Corporation)
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a rendu public ce matin son « World Energy Outlook 2017 », après avoir publié plusieurs rapports thématiques au cours des dernières semaines. Elle y présente les évolutions actuelles du système énergétique mondial et les grandes tendances d’ici à 2040.
Une hausse de 30% de la consommation mondiale d’ici 2040
La consommation mondiale d’énergie primaire pourrait augmenter de 30% d’ici à 2040 selon le scénario « New Policies » de l’AIE, basé sur l’impact des politiques existantes et annoncées. L’Inde compterait à elle seule pour 30% de cette hausse de la demande mondiale, qui est liée à la croissance économique (+ 3,4% par an d’ici 2040 selon l’AIE) et démographique (plus de 9 milliards d’habitants en 2040 contre 7,4 milliards à l’heure actuelle). L’Asie du Sud-Est constitue « l’autre poids lourd en devenir du système énergétique mondial » selon l’AIE.
D’ici à 2040, l’AIE estime que les énergies renouvelables pourraient satisfaire près de 40% de la hausse de la demande mondiale d’énergie primaire. Leur déploiement rapide sera encore lié à la baisse de leurs coûts de production, déjà significative lors des dernières années : le coût des nouvelles centrales photovoltaïques a baissé de 70% depuis 2010, rappelle l’AIE (celui de l’éolien de 25% et celui des batteries de 40%). Les énergies renouvelables devraient toutefois rester encore largement minoritaires dans le mix énergétique mondial de 2040.
La consommation mondiale de gaz naturel pourrait augmenter de 45% d’ici à 2040 selon l’AIE tandis que la demande de pétrole continuerait à augmenter sur cette période (la consommation de charbon se « stabiliserait »). La production mondiale d’électricité d’origine nucléaire pourrait pour sa part continuer à progresser sous l’effet de la Chine qui devrait devenir le principal producteur devant les États-Unis d’ici à 2030.
La consommation d’énergie primaire de l’Inde devrait plus que doubler d’ici 2040 selon les estimations de l’AIE. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Un système énergétique marqué par l’électrification et le schiste américain
Près de 40% de la consommation finale additionnelle d’énergie d’ici à 2040 pourrait être satisfaite par l’électricité selon l’AIE. Cette électrification croissante serait due à une pénétration forte de ce vecteur dans les transports (l’AIE prévoit 280 millions de véhicules électriques en circulation dans le monde en 2040 contre 2 millions aujourd’hui), à l’augmentation des équipements en appareils électriques et aux progrès en matière d’accès à l’énergie.
Compte tenu de l’importance croissante des filières intermittentes (photovoltaïque, éolien) dans cette électrification, l’AIE souligne que « le véritable défi politique consistera à garantir un niveau suffisant d’investissement dans les réseaux » et dans des unités de production permettant une bonne flexibilité des systèmes électriques, avec l’aide des technologies numériques.
Aux États-Unis, l’AIE estime que la production de pétrole de schiste pourrait augmenter de 8 millions de barils par jour (Mb/j) d’ici 2025 par rapport au niveau de 2010, ce qui correspondrait à la plus forte croissance de production jamais constatée pour un pays dans l’histoire pétrolière. L’AIE prévoit ainsi d’importants investissements dans la pétrochimie et d’autres industries énergivores en Amérique du Nord. Une croissance majeure de la production américaine de gaz de schiste est également attendue et les États-Unis pourraient devenir le premier pays exportateur de gaz naturel liquéfié (GNL) vers le milieu des années 2020.
Les États-Unis pourraient compter à eux seuls pour 80% de la hausse de l’offre mondiale de pétrole d’ici à 2025. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Des « efforts insuffisants » en matière d’émissions de gaz à effet de serre
Au lendemain de la présentation du Global Carbon Budget 2017 (qui prévoit une hausse de 2% des émissions de CO2 d’origine énergétique et industrielle cette année), le « World Energy Outlook » de l’AIE met à nouveau en lumière l’écart entre les tendances énergétiques actuelles et les objectifs de l’Accord de Paris(1). Selon le scénario « New Policies » de l’AIE, les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie devraient ainsi continuer à augmenter légèrement d’ici à 2040.
L’AIE présente toutefois également un autre scénario dit « Sustainable Development(2) » visant à parvenir « bientôt au pic d’émissions de CO2 » de manière à tendre vers la cible des 2°C tout en parvenant à un accès universel à l’électricité.
Ce scénario impliquerait une « transition énergétique » accélérée par rapport aux tendances du scénario « New Policies », à savoir multiplier par deux la part des énergies bas carbone dans le mix énergétique mondial d'ici 2040 (pour qu’elle atteigne près de 40% à cet horizon). La production électrique mondiale de 2040 devrait, dans ces conditions, être très fortement décarbonée grâce aux énergies renouvelables (plus de 60% du mix), à l’énergie nucléaire (15%) et aux installations avec capture et stockage de CO2 (6%). Pour rappel, cette production électrique repose encore à l’heure actuelle à près de 40% sur le charbon.