Selon l’AIE, voilà à quoi pourrait ressembler le continent africain de nuit en 2030 si d’importants investissements y sont consacrés à l’électrification. (©AIE)
Depuis 2012, plus de 100 millions de personnes supplémentaires(1) accèdent chaque année à l’électricité dans le monde. L’électrification et l’accès à des systèmes de cuisson propres restent toutefois encore des défis majeurs, en particulier en Afrique subsaharienne.
L’électrification depuis 2000 : un « success story » en Inde
L’accès à l’énergie (plus précisément à l’électricité et à des moyens de cuisson propres) rime avec « développement humain, viabilité environnementale et croissance économique », réaffirme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son « Energy Access Outlook 2017 » publié le 19 octobre. Pour rappel, « l’accès à tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable »(2) fait partie des 17 grands objectifs de développement durable des Nations Unies « pour transformer notre monde » d’ici à 2030.
En 2016, près de 1,1 milliard de personnes dans le monde étaient encore dépourvues d’accès à l’électricité. Leur nombre a été réduit d’environ un tiers(3) depuis 2000, notamment grâce à une forte électrification de l’Asie (+ 870 millions de personnes depuis 2000). L’Inde fait en particulier figure de « success story » selon les termes de l’AIE, avec 500 millions de personnes supplémentaires ayant eu accès à l’électricité durant cette période. En Afrique subsaharienne, les efforts d’électrification ne permettent en revanche de compenser la croissance démographique que depuis 2014, précise l’AIE. Le taux d’électrification de cette zone atteignait encore seulement 43% en 2016.
Précisons par ailleurs que 70% des personnes dans le monde ayant accédé à l’électricité depuis 2000 sont alimentées grâce à des énergies fossiles (45% à partir de charbon). Les énergies renouvelables, dont les coûts ont fortement baissé, et les systèmes hors-réseau ou micro-réseaux ont commencé à se développer au cours des dernières années et sont amenés à jouer un rôle central dans les futurs projets d’électrification selon l’AIE.
En 2016, plus de 55% des personnes n’ayant pas accès à l’électricité dans le monde vivaient en Afrique subsaharienne. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
L’accès universel à l’électricité d’ici 2030 : un défi avant tout africain
Pour la première fois, l’AIE a regroupé des données détaillées sur les tendances récentes et sur les trajectoires pour parvenir à « l’accès universel à des services énergétiques modernes » d’ici à 2030. Selon ses projections, tous les ménages indiens pourraient par exemple avoir accès à l’électricité au début des années 2020 (les énergies renouvelables comptant pour 60% des nouveaux « accès » à l’électricité).
En 2030, la question de l’accès à l’énergie sera avant tout un défi africain selon l’AIE : 90% des personnes dans le monde dépourvues d’accès à l’électricité à cet horizon pourraient alors vivre en Afrique subsaharienne (près de 600 millions de personnes sur un total de 674 millions), principalement dans les zones rurales. Pour rappel, les Nations Unies estiment que la population de l’Afrique pourrait augmenter de près de 450 millions de personnes d’ici à 2030 et doubler d’ici à 2050(4).
Au sein même du continent africain, l’AIE envisage d’importantes disparités d’un pays à un autre. Selon ses projections, l’Éthiopie, le Gabon et le Kenya pourraient bénéficier d’un « accès universel à l’électricité » en 2030. Pour permettre une électrification du monde entier, l'AIE estime qu’il faudrait doubler les investissements mondiaux en faveur de l’accès à l’énergie afin de les porter à 52 milliards de dollars par an d’ici à 2030. Près de 95% de l’investissement additionnel devrait être concentré sur les projets en Afrique subsaharienne d’après les préconisations de l’AIE.
Entre 2000 et 2016, le taux d’électrification de l’Afrique subsaharienne est passé de 23% à 43%. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
L’accès à des moyens de cuisson propres : une problématique de santé publique
Selon l’AIE, près de 2,8 milliards de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à des moyens de cuisson « propres », la grande majorité d’entre eux utilisant encore de la biomasse solide pour cuisiner. Des progrès ont été réalisés depuis 2000 pour donner accès à des moyens plus « propres » (GPL, gaz naturel, électricité) mais ils restent bien insuffisants, compte tenu de l’urgence sanitaire rappelée par les Nations Unies : près de 2,8 millions de personnes mourraient chaque année de façon « prématurée » en raison des fumées liées à la combustion de biomasse solide, de kérosène ou de charbon pour la cuisson.
En Afrique subsaharienne, près de 80% de la population cuisine toujours avec de la biomasse solide. Une situation qui concerne 240 millions de personnes supplémentaires depuis 2000. Dans son scénario tendanciel, l’AIE estime que les efforts en faveur de solutions de cuissons « propres » ne parviendront pas à compenser la croissance démographique du continent d'ici à 2030 : le nombre de personnes dépourvues de ces systèmes « propres » pourrait ainsi encore augmenter et atteindre 910 millions en 2030.
Malgré la hausse de la population mondiale, parvenir à « l’accès universel » à l’énergie d’ici à 2030 n’entraînerait, selon l’AIE, pas de hausse nette des émissions de gaz à effet de serre par rapport à son scénario de référence. La hausse des émissions liées à la croissance de la demande mondiale d’énergie serait en effet « largement compensée », selon l’agence, par la baisse de l’utilisation de la biomasse pour cuisiner.