Nucléaire et PPE : quelles implications derrière les 3 scénarios à l’étude ?

Jacques Percebois – Professeur à l’Université Montpellier I

Professeur émérite à l’Université de Montpellier (CREDEN)

La presse a évoqué hier trois scénarios envisagés par le gouvernement quant à l’évolution du nucléaire en France. Le scénario retenu sera officialisé la semaine prochaine lors de la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Dans les trois cas, il est prévu de fermer entre 11 et 14 réacteurs avant fin 2035 (en incluant les 2 tranches de Fessenheim dont l’arrêt est déjà acté) sur les 58 réacteurs en activité. Dans les trois cas, la part du nucléaire devrait baisser à 50% de la production d’électricité mais à des dates un peu différentes : 2035 dans le scénario « Hulot/Rugy » et le scénario dit « intermédiaire », et 2040 dans le scénario « Bercy ».

Dans les trois cas, la part des renouvelables devrait atteindre 40% de la production d’électricité contre 18% environ aujourd’hui, mais là encore à des dates un peu différentes : 2030 dans le premier scénario, 2032 dans le second et 2034 dans le troisième.

La vraie divergence entre ces scénarios ne tient pas aux dates, assez proches, de réduction de la part du nucléaire mais au fait que seul le troisième scénario envisage de façon explicite de construire de nouveaux réacteurs : 4 EPR, 2 vers 2034-2035 et 2 vers 2040-2041.

Dans les deux premiers scénarios, on donne l’impression que le nucléaire est à échéance plus ou moins lointaine condamné à disparaître en France. Seul le troisième maintient le cap nucléaire tout en réduisant la voilure.

Plusieurs questions devront être explicitées :

  • Sur quelle base d’évolution de la demande d’électricité ces scénarios ont-ils été construits ? Maintient-on l’hypothèse d’une demande d’électricité stable, voire en baisse ? Quid des nouveaux besoins liés à la mobilité électrique et aux objets connectés ?
     
  • Quels réacteurs seront fermés ? Si ce sont les plus anciens, cela concerne les réacteurs dits « moxés ». Si tel est le cas, ne risque-t-on pas de mettre en péril le retraitement du combustible donc toute la filière « aval » du cycle ? La France a choisi le cycle fermé du combustible avec recyclage de l’uranium et du plutonium, ce qui permet d’économiser de l’uranium et de réduire le volume des déchets à stocker.
     
  • Si l’on veut maintenir les compétences dans le nucléaire, renvoyer à 2035 la construction de nouveaux réacteurs n’est-il pas trop tardif ?
     
  • Il faudra aussi se prononcer sur le choix de l’après EPR : maintient-on le cap de la « Génération IV » (les RNR) ? Le projet Astrid est-il abandonné, repoussé ? Qu’en est-il des nouvelles technologies du type SMR (Small Modular Reactors) ? Un regard sur ce qui se fait à l’international, en Russie, en Chine et aux États-Unis sera nécessaire à ce niveau si l’on veut rester dans la course. Mais le veut-on ?

Comme on le voit, beaucoup de questions demeurent en suspens et devront être débattues en rappelant que la lutte contre le réchauffement climatique est une priorité à la réalisation de laquelle le nucléaire contribue fortement en France. 

Scénarios nucléaire PPE
Nucléaire Les 3 scénarios de la PPE 2019-2028

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Commentaire

GUEMY, Michel

OUI, il faut sans cesse répéter que "la lutte contre le réchauffement climatique est une priorité à la réalisation de laquelle le nucléaire contribue fortement en France".
Et y ajouter également que le nucléaire contribue à la lutte contre la pollution atmosphérique par les particules fines.
Alors que nos voisins - Allemagne, Pologne notamment - sont de très mauvais exemples en la matière !

Michel Naud

J'ai lu hier le communiqué de FO Mines et Énergie cité par une dépêche AFP citée par le site. Il semblerait que ce sont les seuls parmi les organisations politiques et syndicales à oser braver le discours général, en tout cas les seuls à réussir à être relayés par les médias :

"FO Énergie et Mines rappelle son désaccord constant avec l’atteinte d’un objectif de 50 % de part du nucléaire dans le mix électrique, lequel ne repose sur aucune considération objective. La définition d’une politique énergétique doit être fondamentalement pragmatique et reposer sur l’analyse de la contribution réelle des différents moyens de produire l’électricité à la lutte contre le réchauffement climatique. La montée en puissance des énergies intermittentes et la réduction de la part du nucléaire n’améliorent en rien le bilan CO2 de notre pays. Comme l’a rappelé la Cour des Comptes, l’accélération du développement des énergies renouvelables intermittentes génère des coûts élevés qui pèsent largement sur les ménages. Elle amplifiera le déficit commercial de notre pays et présente à terme des risques géopolitiques avérés (terres rares quasi exclusivement concentrées en Chine). Elle porte également un risque sur la sécurité d’approvisionnement de notre pays en l’absence de solution économiquement abordable en matière de stockage.

Notre pays peut compter aujourd’hui sur un parc nucléaire performant qui a contribué à faire de la France un des pays européens où l’électricité - hors taxes - est l’une des moins chères d’Europe et sur la troisième filière industrielle de France, qui emploie 220 000 salariés. FO Énergie et Mines considère qu’au point de vue économique, social et environnemental,la fermeture pour des raisons politiques d’une centrale nucléaire serait une absurdité et un gâchis pour notre pays, sa compétitivité et le pouvoir d’achat des Français. FO s’y opposerait alors de toutes ses forces avec les personnels.

Le nucléaire reste une énergie d’avenir et il importe en conséquence, pour maintenir les compétences, de lancer parallèlement un programme de construction de nouveaux réacteurs."

Guy

Oui, c'est ça, mais vivement que l'on sorte des boulet Flamanville et Finlande, car si ce n'étaient ces boulets, le nucléaire serait plus facilement défendable.

Jean-François …

Excellent article du Pr Jacques Piercebois qui semble à l'heure actuelle le seul à poser les questions qui ... tuent!
En tant que technicien du nucléaire civil et militaire, je partage d'emblée l'intégralité de ses constats, notamment sur le vieillissement accéléré des réacteurs au MOX, bien plus fissile que l'uranium pour lesquels ils avaient été conçu à l'origine. Le seul réacteur à eau pressurisée (génération III) qui soit conçu pour le MOX est l'EPR (quand il n'a pas des défauts de construction ...)

Il faut bien comprendre qu'il EST PARFAITEMENT IMBÉCILE de continuer à construire des réacteurs G3. C'est investissement qui sera prématurément caduque. Nous devons reprendre la filière G4 des réacteurs à neutrons rapides (RNR) sans déchets et bien plus rentables.
La France à été pionnière à l'époque de Pierre Messmer , homme d'une rare intelligence, à avoir pris la courageuse initiative de créer de toutes pièces la filière électronucléaire, et cela alors que notre expérience était quasiment nulle dans le domaine du nucléaire civil. Cela a été fait dans la perspective d'assurer à la France son autonomie énergétique face au choc pétrolier et en prévision de la baisse de la production de charbon.
Mais cet homme, de 1938 à 2007 s'est consacré au bien de son pays comme peux d'hommes politiques pourraient s'en vanter aujourd'hui, ce n'était pas un homme de dossiers, mais un moine guerrier! Et il savait anticiper.

Alors, n'avons nous plus les c.......... aujourd'hui pour faire ce qui a été fait en 1973? Avons-nous régressé à ce point?

Il est officiellement admis que l'augmentation de la consommation électrique va croître de 60% d'ici 2035, globalement pour toutes les nations industrielles, les émergentes étant les plus concernées par cette courbe. La France, elle, prétend "contrôler" l'augmentation de sa consommation, comme elle a "contrôlé" la contamination du nuage de Tchernobyl; le terme étant ici limitatif à notre consommation actuelle. Quel hypocrisie lorsqu'on préconise la voiture électrique et les pompes à chaleur, lesquelles peuvent être débridées l'été pour la climatisation et ainsi faire sauter le réseau!
La consommation énergétique est proportionnelle à l'augmentation de la population active, il en va ainsi des carburants fossiles comme de l'électricité. Elle est aussi consécutive du développement des réseaux du web avec tous les serveurs géants qui sont des gouffres à kilowatts. Plus nous sommes "connectés", plus nous sommes tributaires des serveurs qui à eux seuls peuvent maintenant chauffer des villes! D'ailleurs la solution a déjà été mise en oeuvre dans certains états américains, en lieu et place de la méthanisation.

Nous devons bien comprendre qu'un réseau énergétique ne peut fonctionner de manière fiable que si il est alimenté par une source permanente et régulée, s'adaptant à la demande, sinon les nœuds de ce réseau se déséquilibrent et un effondrement en cascade survient, mettant en péril autant le générateur que la charge (Lois de Kirchhoff).
Nos réacteurs nucléaire fonctionnent en mode contrôlé c-à-d à débit/charge constante, ils ne sont pas réglables selon la demande, et si la charge s'effondre ils peuvent s'emballer. Nous avons donc besoin d'eux pour assurer l'énergie instantanée en deçà de laquelle notre réseau ne peut fonctionner. Parallèlement nous devons alléger le régime de certains de ces réacteurs parce qu'ils sont fortement attaqués par l'extrême fissibilité du MOX, et la plupart d'entre eux devront être arrêtés. Mais nous devons maintenir une source énergétique non variable pour palier au décrochage périodique des sources intermittentes sur le réseau. Heureusement la nuit la plus grande partie des activité humaines est à l'arrêt, celles soutenables par les énergies alternatives liées éventuellement à un stockage transitoire. Mais l'industrie continue à tourner, et les serveurs de données tournent en sauvegarde et en reprogrammation pour ceux qui sont off-line. Ceux qui sont on-line continuent à tourner à fond avec le reste du réseau planétaire, en ponts et en boucles rétroactives pour parler simplement. Ils constituent des nœuds avec le réseau planétaire et leur besoin énergétique peut atteindre celui d'une petite ville. Ce sont des mégawatts qui sont dépendants des centrales nucléaires. De jour le solaire ne peut alimenter ces monstres, sauf à disposer de dizaines d'hectares de panneaux photovoltaïques dans l'arrière cour du serveur de données...Mais la nuit....? Géothermie, éolien, ....?!

Nous ne pouvons renvoyer à 2035 la construction de nouveaux réacteurs, et tout les autres pays technologiquement évolués sont en train de se rendre compte des limites des énergies intermittentes, même les pays du Golfe Persique qui sont bombardés de soleil et de chaleur.
Nous devons résolument encourager le développement de la filière RNR face aux EPR qui ne pourront être dans les budgets et dans les temps. Nous avons créé la filière REP (Réacteurs à Eau Pressurisée) à partir de rien (ou pas grand chose) en 1973, nous pouvons créer la filière RNR avec l'expérience acquise des REP.
Nous ne pouvons pas admettre une hypothèse conservatrice, sans construction de nouveaux réacteurs, car en 2035 les besoins aurons augmenté de près de 40%, et il faudra rationner l'énergie!

N'oublions pas que le LINKY est conçu pour opérer des délestages partiels à distance!

A bons entendeurs .....

Hervé

Oui, je suis d'accord. vous pouvez même écrire délestage "ciblé". Linky est un outil formidable pour cela, il pourra délester les pauvres sans embêter les responsables (écolos) ....

Néanmoins par rapport à votre souhait de construire des RNR, quand je vois la difficulté que l'on a à construire des réacteurs d'ancienne génération, j'ai quelques doutes sur la capacité de notre industrie à reconstruire ces réacteurs, du moins à court terme.

Alain Capitaine

Monsieur Jean-François

Pourquoi écrire autant de mensonges dans une seule phrase, ''Nous devons reprendre la filière G4 des réacteurs à neutrons rapides (RNR) sans déchets et bien plus rentables''. où avez vu que les RNR étaient sans déchet et plus rentable? De plus heureusement que les réseaux électriques vont pouvoir se réguler avec les batteries, nous ne sommes plus en 1950. Enfin ce que vous nommer notre création de filière REP, moi je nomme cela achat de la licence à Westinghouse, ce qui fut une excellente opération pour la France, notre filière à l'époque se nommait UNGG.

Hervé

Bonjour,
Je vous suggere de regarder l'intervention de Jancovici a l'ademe.
https://www.youtube.com/watch?v=jC0IiJnuB2U
Le début est excellent , il fait le bilan du résultat des efforts en matière de baisse des émissions de CO2
Pour résumer: grosses dépenses, aucun résultat...
On en rigolerait si c'étais pas notre pognon qui est jeté par les fenêtres!

guy

Il faudrait quand même s'intéresser un peu plus au solaire PV, car remplacer l'Arabie Saoudite (pétrole) par la Chine (cellules et batteries), on n'est guère avancé sur le chapitre stratégique de l'indépendance énergétique.
De plus, c'est cher comparé au nucléaire , même au gaz (oublions pétrole et charbon), et polluant en fabrication (électricité carbonée en Chine).
Ca ne dure que 20 ans et on ne sait pas trop quoi faire des déchets (déjà ça commence en Chine).
A partir de 2030 (2010 + 20 ans) , bonjour les dégâts.
Quant aux centaines milliers de km2 "asséchés" par les panneaux, les écolos vont hurler avec une certaine raison.

Enfin, on ne parle pas assez de la géothermie profonde type Soultz-sous-Forêts en SGS. C'est dommage car on a un bon potentiel (les sources chaudes) sans allez jusqu'aux volcans.

Alain Capitaine

Bonjour Guy

Il est urgent que vous fassiez une remise à niveau de votre connaissance sur le solaire qui semblent dater du millénaire passé. Quand on veut descendre une technologie, il faut à minimum être au top des informations sur le sujet , sinon cela se nomme de la désinformation.

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