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Projet de barrage géant de la Chine au Tibet : 3 questions à Bernard Tardieu

parue le
Tibet

En 2025, Connaissance des Énergies a le plaisir d'inaugurer une nouvelle sous-rubrique : chaque semaine, Jean-Louis Caffier (journaliste spécialiste des questions énergétiques) interroge un membre de notre comité scientifique, avec 3 questions faisant écho à l'actualité.

Invité cette semaine : Bernard Tardieu, vice-président du Pôle Énergie de l’Académie des Technologies et vice-président de la Commission Internationale des Grands Lacs. Il est l’un des meilleurs spécialistes de l’hydroélectricité au monde.

Le gouvernement chinois vient d’autoriser la construction au Tibet d’un nouveau barrage d’une puissance inégalée qui en ferait de loin la plus grosse centrale de production d’électricité de la planète : 60 gigawatts, soit près de quarante fois la puissance d’un EPR, trois fois plus que l’autre très gros barrage chinois des Trois Gorges sur le Yangzi Jiang.  

Il sera construit sur le Yarlung Tsangpo, nom Tibétain du Brahmapoutre, qui traverse la Chine, l’Inde et le Bangladesh et se jette dans le Gange. 

Ce projet est-il bien réaliste et simplement faisable ?

Je ne sais pas pourquoi les Chinois ont fait cette annonce. Ce projet n’est pas encore mûr. Il reste de nombreux aspects à étudier : les crues qui peuvent être très importantes, comme sur le Congo, l’altitude, autour des 4 000 mètres, c’est beaucoup et difficile d’accès, la dimension du lac, la hauteur du mur entre 200 et 300 mètres, les lieux saints sur le site qu’il faudra protéger... 

Sur le plan technique, c’est faisable, plus sûrement si c’est progressif : 10 gigawatts, puis 20 GW, puis 30, etc.

Quel est globalement l’avenir de l’hydraulique ?

Multiple ! Un barrage, cela ne sert pas uniquement à produire de l’électricité. Il s’agit aussi et peut-être surtout de stocker l’eau pour l’agriculture notamment et d’autres usages. 

Sur le plan énergétique, je suis persuadé que l’hydrogène vert se fera avec l’hydroélectricité. Pour compenser l’intermittence des autres renouvelables, il faut un mix nucléaire et hydraulique partout où c’est possible.

Des conflits d’usage sont-ils évitables ?

Oui et c’est déjà le cas. Pendant les travaux et pendant qu’on remplit le lac, tout le monde râle. Et une fois que le barrage est en fonction, tout le monde est content. 

Bien évidemment, il y a des négociations entre les pays concernés. Pour le projet Motuo par exemple, la Chine et l’Inde ont négocié pour qu’il n’y ait pas de conséquences sur le débit du Brahmapoutre. Et l’Inde va bénéficier d’une partie de l’électricité produite. 

Idem sur le Nil entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie qui a construit le barrage de la Renaissance (1 500 MW aujourd’hui, 6 500 MW prévus).  

 

Propos recueillis par Jean-Louis Caffier.

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