Les années à venir « seront sans doute les plus importantes de notre histoire », prévient Debra Roberts, coprésidente d'un groupe de travail du GIEC. (©Pixabay)
Le GIEC a approuvé le 6 octobre son rapport spécial sur « les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C »(1), qui répond à une demande exprimée fin 2015 lors de l’adoption de l’Accord de Paris (COP21).
Une réduction des émissions nettes de CO2 de 45% d’ici à 2030
Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C d’ici à la fin du siècle(2), « il faudrait modifier rapidement, radicalement et de manière inédite tous les aspects de la société », résume le GIEC(3). Les transitions « rapides et de grande envergure » que le Groupe d’experts sur le climat présente concernent en premier lieu le secteur énergétique mais aussi les domaines de l’industrie, du bâtiment, des transports ou encore de l’aménagement du territoire.
Selon le GIEC, les émissions mondiales nettes de CO2 d’origine anthropique (c’est-à-dire la différence entre le volume de CO2 émis et capturé) devraient être réduites d’environ 45% à l’horizon 2030 par rapport au niveau de 2010 pour espérer atteindre la cible de 1,5°C de réchauffement. Un « bilan nul » de ces émissions serait nécessaire « aux alentours de 2050 » (neutralité carbone).
Un scénario énergétique incompatible avec les tendances actuelles
Le GIEC expose plusieurs « chemins » possibles en matière de transition énergétique, censés permettre de contenir le réchauffement climatique à 1,5°C d'ici la fin du siècle. Ces trajectoires ont sans surprise un socle commun, à savoir une baisse de la consommation globale d'énergies fossiles, une amélioration de l’efficacité énergétique et une électrification (décarbonée) plus rapide que dans « un monde avec 2°C de réchauffement ».
Ces trajectoires prévoient que la part des énergies renouvelables (incluant bioénergies, hydroélectricité, solaire, éolien, etc.) dans la consommation mondiale d’énergie primaire soit comprise entre 49% et 67% en 2050 (écart interquartile(4)), contre près de 14% en 2016 selon les dernières données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)(5).
Dans le même temps, le GIEC imagine la part du charbon chuter à hauteur de 1% à 7% du mix énergétique mondial en 2050 (contre 27% en 2016), les centrales restantes alimentées par ce combustible devant être équipées de systèmes de capture et de stockage du CO2. Entre 2020 et 2050, le GIEC envisage, dans ses scénarios jugés compatibles avec la cible de 1,5°C, une baisse de 32% à 74% de la consommation mondiale de pétrole et de 13% à 60% de celle de gaz naturel.
Le GIEC présente dans son rapport différentes trajectoires d'émissions de CO2 jugées compatibles avec un réchauffement climatique de 1,5°C à l'horizon 2100. (©Connaissance des Énergies, d’après GIEC)
De très nombreuses incertitudes persistent toutefois, notamment en matière de déploiement des technologies de capture et de stockage de CO2 (entre 0 et 460 milliards de tonnes de CO2 captées d’ici à 2050), tout comme sur le développement de l’énergie nucléaire (entre 3 et 120 EJ(6) par an à l’horizon 2050) et dans une moindre mesure de la bioénergie (entre 40 et 310 EJ par an). Ces écarts reflètent ainsi les « incertitudes » actuelles et expliquent les différentes trajectoires présentées, reconnaît le GIEC.
Les experts ayant contribué à ce rapport soulignent que ces trajectoires sont réalisables d'un point de vue géophysique (et nécessitent d'être soutenues au niveau politique) mais ils ne se prononcent pas sur leur crédibilité dans nos sociétés actuelles. Or, ces trajectoires sont totalement incompatibles avec les tendances actuelles.
Pour rappel, les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie ont augmenté de 1,4% en 2017, atteignant un niveau record de 32,5 milliards de tonnes l'an dernier. Cette hausse intervient après 3 années de stabilisation des émissions et « contraste avec la forte réduction nécessaire pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le changement climatique », alerte l’AIE. La consommation de toutes les énergies, y compris de charbon, a progressé en 2017 et la part des énergies fossiles compte encore actuellement pour plus de 80% de la consommation mondiale d'énergie primaire.
Les pays asiatiques sont à l’origine de deux tiers de la hausse des émissions mondiales de CO2 relatives à l’énergie en 2017. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Les conséquences du réchauffement déjà bien réelles
Le groupe d’experts sur le climat souligne que « les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1°C sont déjà bien réelles », comme l’attestent l’augmentation des extrêmes météorologiques, l’élévation du niveau de la mer ou encore la diminution de la banquise arctique.
Le GIEC souligne ainsi les conséquences « qui pourraient être évitées si le réchauffement était limité à 1,5°C, et non à 2°C ou plus ». Le niveau de la mer pourrait par exemple être supérieur de 10 cm dans le scénario 2°C par rapport au scénario 1,5°C selon les experts du climat. Ces derniers jugent que la quasi-totalité des récifs coralliens pourrait disparaître avec un réchauffement de 2°C alors que 10% à 30% pourraient être « épargnés » avec un réchauffement contenu à 1,5°C.
Le sentiment d'urgence domine plus que jamais dans le rapport spécial du GIEC, élaboré par 91 auteurs provenant de 40 pays, avec près de 6 000 citations scientifiques. Ce rapport « Réchauffement planétaire de 1,5°C » est le premier d’une série de publications spéciales dans le cadre du 6e cycle d’évaluation du GIEC. Devraient notamment être publiés courant 2019 un rapport consacré à « l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique » et un autre portant sur l’incidence de ce changement sur l’utilisation des terres.
D’ici là, les décideurs du monde entier doivent se réunir à Katowice du 3 au 14 décembre 2018 lors de la COP24, pour réaliser un état des lieux sur l’Accord de Paris et s’engager plus en avant, à la lumière du nouvel avertissement du GIEC.