Le prix moyen du baril de Brent sur l’ensemble de l’année 2016 avoisine 43 $. (©photo)
IFP Énergies nouvelles a présenté ce matin les grandes tendances des marchés pétrolier et gazier au cours de l’année écoulée et ses projections pour 2017. En voici les principaux enseignements.
Un tournant : le changement de stratégie de l’Arabie saoudite
Fin 2014, l’Arabie saoudite s’est lancée dans une défense de ses parts de marché (au détriment des prix) face à la forte hausse de la production américaine d’huiles de schiste. Riyad avait ainsi cessé d'endosser son rôle de « régulateur » du marché pétrolier en refusant d'ajuster sa production à la baisse pour compenser les excédents d'offre sur ledit marché. Certains analystes y ont alors vu la fin de l’OPEP avec la concurrence accrue entre producteurs pétroliers.
Près de deux ans plus tard, l’objectif de réduction de la production américaine d’huile de schiste a été « globalement un succès » selon Didier Houssin, président d’IFP Énergies nouvelles. L’industrie américaine du schiste a toutefois fait preuve d’une résilience inattendue, sa production ayant continué à augmenter en 2015, bien que deux fois moins vite qu’en 2014. L’année 2016 a marqué un tournant avec une baisse de la production américaine de 0,5 million de barils par jour (Mb/j).
Le rééquilibrage du marché pétrolier entre offre et demande s’est amorcé en 2016 et le prix du brut, qui avait chuté à près de 30 $ par baril en janvier 2016, a fortement augmenté (autour de 55$/baril actuellement). Certains pays pétroliers (en particulier l’Algérie, le Nigéria et le Venezuela) se sont trouvés dans une situation économique particulièrement difficile avec la chute de leurs revenus pétroliers. L’Arabie saoudite, elle aussi affectée par la chute des cours, a été très active pour parvenir aux accords de baisse de la production conclus fin 2016, au prix notamment de concessions vis-à-vis de l’Iran.
S'ils sont bien respectés, les accords de réduction de la production conclus fin 2016 vont avoir un fort impact sur les cours du pétrole en 2017. (©IFP Énergies nouvelles)
Des excédents d’offre enfin résorbés en 2017 ?
Les accords de réduction de la production au sein de l’OPEP (objectif de réduction de 1,2 Mb/j) et « hors OPEP » (- 0,6 Mb/j) sont entrés en vigueur au 1er janvier 2017. Du respect de ces accords ambitieux dépendra la vitesse de rééquilibrage des marchés pétroliers en 2017. Pour rappel, ces accords ne s’appliquent que pour 6 mois, période à l’issue de laquelle une prolongation pourra être ou non décidée. Si ces accords sont respectés, IFP Énergies nouvelles estime que les marchés pétroliers pourraient connaître un déficit d'offre compris entre 0,7 Mb/j et 1 Mb/j en 2017. Ce déficit pourra tout à fait être compensé par les très importants stocks de pétrole (de l'ordre de 400 millions de barils), constitués durant les dernières années de surproduction.
Outre l’incertitude liée au respect des plafonds de production décidés fin 2016 se pose la question des producteurs non engagés par l’accord, à commencer par la Libye et le Nigéria qui possèdent un fort potentiel d’augmentation de leur offre (atteignant respectivement 0,5 Mb/j et 0,3 Mb/j en 2017 selon IFP Energies nouvelles).
La reprise de la production de l’industrie américaine du schiste sera particulièrement observée, la vitesse et l’ampleur de cette reprise étant elle aussi sujette à un certain nombre d’incertitudes (disponibilité du personnel et des appareils de forage, capacités de transport, etc.). L’EIA américaine a estimé à seulement 0,3 Mb/j la hausse de la production pétrolière des États-Unis en 2017, un niveau jugé très prudent par IFP Energies nouvelles qui envisage davantage une croissance autour de 1 Mb/j dans les conditions de prix actuelles.
L'excédent d'offre sur les marchés pétroliers a été nettement réduit en 2016 par rapport à 2015. En 2017, l'équilibre offre/demande dépendra fortement du respect des accords conclus fin 2016. (©IFP Énergies nouvelles)
Quid des investissements à moyen terme ?
En 2016, les investissements mondiaux en exploration-production (pour le pétrole et le gaz naturel) ont chuté pour la deuxième année consécutive (- 24%), une première depuis 30 ans. Le marché de la géophysique a dans le même temps particulièrement souffert (- 35%) et le nombre de forages a fortement baissé, tant à terre (- 30%) qu’en mer (- 20%).
Dans l’exploration-production, une légère reprise est attendue par IFP Energies nouvelles en 2017 (+ 5%). Celle-ci devrait être assez contrastée selon les zones (hausse de 20% envisagée en Amérique du Nord, zone « très réactive ») et selon les acteurs (les indépendants américains vont réinvestir plus rapidement que les compagnies internationales, encore dans une logique de réduction de leurs coûts). Si ces investissements en exploration-production se maintenaient à un faible niveau dans les 2 à 3 prochaines années, c’est un déficit d’offre que craignent désormais certains observateurs.
Le risque d’un tel « supply crunch a une certaine crédibilité » selon Didier Houssin qui rappelle que l’évolution du marché va beaucoup dépendre des États-Unis. Côté américain, Rex Tillerson, choisi par Donald Trump comme futur secrétaire d’État, avait jugé en octobre 2016(1) que ce risque était fortement exagéré alors qu’il se trouvait encore à la tête d’Exxon.
En 2016, les investissements mondiaux en exploration-production (pétrole et gaz réunis) auraient atteint 394 milliards de dollars, soit 42% de moins qu'en 2014. (©IFP Énergies nouvelles)