Après le « Super Tuesday », les candidats démocrate Hillary Clinton et républicain Donald Trump ont une avance confortable sur leurs concurrents à l'investiture. (©photo)
Une dizaine d’États américains ont voté début mars 2016 lors du « Super Tuesday » des primaires de la présidentielle américaine. Jusqu’ici, les débats de cette campagne ont davantage porté sur l’immigration, le contrôle des armes ou l’emploi que sur les problématiques énergétiques. Quelles sont donc les positions des prétendants à la Maison Blanche en matière d’énergie ?
Démocrates : cap sur les énergies renouvelables
Les deux candidats aux primaires du Parti démocrate, Hillary Clinton et Bernie Sanders, entendent tous deux poursuivre les politiques énergie-climat du président Obama en en rehaussant le niveau d’ambition. Reconnaissant chacun l’urgence de lutter contre le réchauffement climatique, ils veulent tous deux promouvoir un développement rapide des énergies renouvelables.
Lors d’un débat début février, la favorite Hillary Clinton (qui est arrivée en tête dans 7 des 11 États votant lors du « Super Tuesday ») a annoncé vouloir fixer un objectif d’installation de 500 millions de panneaux solaires photovoltaïques dans les 4 prochaines années. Bernie Sanders a pour sa part appelé à une transition vers un mix 100% énergies renouvelables. « Nous devons laisser les ressources fossiles dans le sol », a notamment plaidé le sénateur du Vermont en janvier 2016(1).
Hillary Clinton a des positons plus mesurées que Bernie Sanders vis-à-vis des compagnies pétrolières et gazières. Elle a notamment souligné à l’été 2015, lors du National Clean Energy Summit, l’intérêt du gaz naturel dans une transition énergétique. L’ancienne Secrétaire d’État américaine a toutefois marqué son opposition à l’exploitation pétrolière en Arctique et a fait part de ses doutes sur le bien-fondé des forages offshore au large des États du sud-est du pays. En novembre 2015, Hillary Clinton a annoncé qu’elle envisageait un plan de soutien de 30 milliards de dollars en faveur de l’industrie du charbon, dans le cadre de la transition vers des sources d’énergie « plus propres ».
Les candidats démocrates se sont tous les deux déclarés opposés au projet d’extension de l’oléoduc Keystone XL (Hillary Clinton a toutefois refusé de prendre position jusqu’en septembre 2015) et ont signé l’engagement de l’ONG NextGen Climate(2) appelant à satisfaire au moins la moitié des besoins en électricité du pays à partir des énergies renouvelables en 2030 (contre 13% en 2014 selon l’EIA(3)).
Sur la question du nucléaire, Hillary Clinton est assez discrète (elle s’était déclarée « agnostique » sur ce sujet lors de la primaire de l’élection 2007) mais inclut dans son programme le nucléaire « avancé » parmi les innovations devant faire l'objet d'investissements(4). En revanche, Bernie Sanders est vivement opposé à cette énergie et à la construction de nouveaux réacteurs. Pour rappel, les États-Unis disposent du premier parc nucléaire au monde avec 99 réacteurs opérationnels début mars 2016 (et 5 réacteurs en construction).
Républicains : cap sur l’indépendance énergétique
Les candidats républicains plaident en revanche pour faciliter les conditions d’exploitation des compagnies pétrolières et gazières qu’ils considèrent comme des acteurs centraux de la croissance américaine et de l’indépendance énergétique. Ils refusent les subventions aux énergies renouvelables (ainsi que celles en faveur des énergies fossiles dans le cas de Ted Cruz) et souhaitent en particulier favoriser l’attribution de nouveaux permis de forage offshore.
Les candidats républicains ont soutenu le projet Keystone XL et ont voté contre la cible nationale d’un mix de production électrique reposant à 25% sur les énergies renouvelables en 2025. Ted Cruz, sénateur du Texas qui est le premier État américain en matière de production éolienne (l’éolien compte pour 4,4% du mix de production électrique américain en 2014), s’est déclaré en faveur du développement de cette filière sous réserve qu’elle ne soit pas subventionnée.
Le favori Donald Trump (qui est, comme Hillary Clinton, arrivé en tête dans 7 États lors du « Super Tuesday ») est entre autres connu en Europe pour avoir appelé avec insistance le Parlement écossais à faire interdire la construction d’éoliennes offshore à proximité d’un terrain de golf lui appartenant. Interrogé en novembre 2015 par une petite fille sur les bénéfices de cette source d’énergie, le magnat de l’immobilier avait répondu que les éoliennes « étaient jolies mais tuaient les oiseaux ».
Marc Rubio a entre autres annoncé son souhait de mettre un terme au Clean Power Plan (visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique) et de diminuer les pouvoirs de l’EPA (Environmental Protection Agency) en renforçant ceux des États américains et des collectivités locales. Il croit en l’innovation pour faire évoluer le système énergétique américain.
Les candidats républicains encore en lice réfutent la réalité du changement climatique d’origine anthropique (ce qui n'était pas le cas d'autres candidats comme Jeb Bush). Marc Rubio considère que le changement climatique n'est pas dû aux activités humaines tandis que Donald Trump qualifie régulièrement cette problématique de « canular » (allant jusqu’à accuser les Chinois d’être à l’origine dudit canular dans un tweet de novembre 2012)(5).
Les trois candidats républicains sont favorables à l’énergie nucléaire, Ted Cruz étant très discret sur ce sujet tandis que Donal Trump a déjà affirmé son fort soutien à la filière.
Rappels sur la situation énergétique des États-Unis
Grâce à l’exploitation de leurs hydrocarbures non conventionnels, les États-Unis sont désormais les premiers producteurs mondiaux de gaz naturel (depuis 2009) et de pétrole (depuis 2014). Face à la chute des cours du pétrole, la production américaine « de schiste » a baissé mais montré une certaine résilience avec une forte baisse des coûts d’exploitation.
Selon Bloomberg New Energy Finance, la part du charbon dans le mix de production électrique des États-Unis atteindrait 34% en 2015 contre 39% un an plus tôt (et environ 50% en 2005). Suite à la révolution du gaz de schiste, le gaz naturel est désormais préféré au charbon, d’autant plus que sa combustion entraîne une réduction de près de la moitié des émissions de CO2 associées. Les émissions américaines de gaz à effet de serre liées à la production électrique auraient ainsi atteint en 2015 leur plus bas niveau depuis 1995.
Selon les dernières estimations publiées hier par l’EIA américaine(6), 93 % des nouvelles capacités installées en 2016 (en puissance) devraient concerner trois énergies : le solaire (+ 9,5 GW), le gaz naturel (+ 8 GW) et l’éolien (+ 6,8 GW). Compte tenu du caractère intermittent des deux filières renouvelables, ce sont les centrales à gaz qui pourraient augmenter le plus leur production, confirmant ainsi le rôle central du gaz naturel dans le paysage énergétique américain.