L'oléoduc Keystone XL était censé parcourir plus de 1 350 km à travers les États-Unis. (©TransCanada Corporation)
Le président américain Barack Obama a annoncé le 6 novembre le rejet du projet controversé d’oléoduc « Keystone XL » entre le Canada et les États-Unis. Retour sur 7 ans d’incertitudes ayant abouti à cet abandon, à trois semaines du début de la COP21.
Controverse : une voie de transit pour les sables bitumineux canadiens
À l’étude depuis 2008, Keystone XL est un projet d’oléoduc transfrontalier de 1 897 km de long entre le Canada et les États-Unis. Ce « pipeline » d’un peu plus de 90 cm de diamètre visait à relier aussi directement que possible Hardisty côté canadien (Alberta) à Steele City côté américain (Nebraska). Il existe déjà un oléoduc dénommé « Keystone » entre ces deux zones mais il emprunte une route plus longue que le trajet envisagé pour Keystone XL (il traverse une partie du Canada jusqu’au Manitoba).
En construisant la voie « Keystone XL », la société canadienne TransCanada souhaitait faciliter l’acheminement du pétrole brut canadien issu des sables bitumineux (mélange de bitume brut, de sable, d’eau et d’argile) dans l’Alberta jusqu’aux raffineries du Texas. D’une capacité de transport évaluée à 830 000 barils par jour, cet oléoduc était également présenté par TransCanada comme une infrastructure nécessaire face à la hausse de la production américaine de pétrole de schiste au sein de la formation géologique de Bakken, dans les États américains du Montana et du Dakota du Nord.
Depuis plusieurs années, Keystone XL restait toutefois dans l’attente du feu vert américain. Le projet a rencontré une vive opposition des associations écologistes qui craignaient des dégâts environnementaux liés à cet oléoduc et qui dénonçaient également la nature des hydrocarbures importés : l’extraction du bitume inclus dans les sables bitumineux et sa transformation en un mélange d’hydrocarbures plus léger génère en effet davantage d’émissions de gaz à effet de serre que la mise en production de types de pétroles plus « légers ».
Pour le Canada, l’exploitation des sables bitumineux s’accompagne d’importants enjeux économiques : elle a permis d’augmenter la production canadienne de pétrole de 34% entre 2009 et 2014, ce qui fait du pays le 4e producteur mondial de pétrole en 2014(1) derrière les États-Unis, l’Arabie saoudite et la Russie. Le nouveau Premier ministre canadien, Justin Trudeau(2), a regretté la décision américaine de vendredi, tout en rappelant que les relations entre son pays et les États-Unis ne se limitaient pas à ce seul projet qui a souvent focalisé l’attention.
Épilogue : une projet « pas dans l’intérêt national » des États-Unis
Dans sa déclaration de vendredi(3), Barack Obama a confirmé le rejet de Keystone XL par le Département d’État américain(4) et avancé plusieurs explications à cette décision. In fine, le projet n'apporterait pas une contribution significative à l’économie américaine sur le long terme selon le Président, rappelant au passage que le taux de chômage dans le pays a chuté à hauteur de 5%. Il a par ailleurs expliqué que les prix du gaz, déjà très bas aux États-Unis, ne seraient pas réduits grâce à ce pipeline, comme l’avaient avancé certains promoteurs du projet.
Le rejet de Keystone XL a enfin une forte portée symbolique à 3 semaines de la COP21 à Paris. Barack Obama a rappelé à plusieurs reprises dans son intervention que les États-Unis étaient prêts à assumer un rôle de « leader » dans la lutte contre le changement climatique. La Maison Blanche jugeait ainsi que ce projet aurait pu « saper le leadership mondial » des États-Unis. Souhaitant faire preuve d’exemplarité, Barack Obama a précisé qu’importer « du pétrole brut plus sale » ne renforcerait en outre pas la sécurité énergétique des États-Unis.
C’est cette dimension symbolique qu’a dénoncé le PDG de TransCanada(5) Russ Girling. Estimant que « la rhétorique l’avait emporté sur la raison », il a émis l’idée que les États-Unis puissent potentiellement privilégier des importations de pétrole provenant « du Venezuela ou d’Iran » dans le futur plutôt que du Canada. Rappelons toutefois que le Canada est de loin le premier fournisseur de pétrole des États-Unis devant l’Arabie saoudite : près de 37% des importations américaines de brut et de produits pétroliers(6) provenaient de ce pays en 2014.
Le pétrole de schiste américain a enfin changé la donnée aux États-Unis. Barack Obama a rappelé qu’il avait fixé, il y a 3 ans, l’objectif de réduire les importations américaines de pétrole de moitié d’ici à 2020. C’était chose faite dès l’an dernier, les États-Unis étant devenus entre temps les premiers producteurs de pétrole au monde.
Voie de transit envisagé pour Keystone XL et oléoducs existants (©TransCanada Corporation)