Structure fondamentale de l'échelle INES (©ASN)
Critères de classification
La classification selon l’échelle INES n’est pas uniquement basée sur la gravité avérée ou non d’un incident ou accident nucléaire. Elle prend également en compte les causes racines de l’événement anormal et le nombre de barrières de défense en profondeur restant opérantes.
L’échelle INES fixe trois critères pour classer les incidents ou accidents nucléaires et radiologiques :
- les conséquences hors du site : il s'agit d’évaluer les impacts éventuels des rejets radioactifs sur les personnes et l’environnement. À titre d’exemple, l’accident de Tchernobyl (1986) en Ukraine a été classé au niveau 7 ;
- les conséquences à l’intérieur du site : il s’agit d’évaluer les impacts éventuels de l’exposition du personnel à la radioactivité ou encore les dommages subis par les installations nucléaires et les barrières de confinement. L’accident de Three Mile Island (1979) aux États-Unis qui a entrainé des dommages importants au réacteur mais sans rejet radioactif hors du site a été classé au niveau 5 ;
- la dégradation de la défense en profondeur : il s’agit d’évaluer les conséquences potentielles ou indirectes des incidents ou accidents n’ayant aucun impact direct sur l’environnement ou le site. Ce critère prend en compte les détériorations des fonctions de sûreté (ex : refroidissement du combustible, quantité des lignes de défense disponibles). L’incident le plus grave est celui de la centrale nucléaire de Vandellos en Espagne où, en 1989, un incendie s’était déclaré dans la salle des turbines. Il a été classé au niveau 3.
Il faut souligner que c’est l’exploitant des installations qui analyse l’événement anormal, le déclare et propose un niveau de gravité aux autorités nucléaires nationales. Celles-ci peuvent requalifier le niveau de l’incident ou de l’accident et ensuite déclarer ces informations à l’AIEA.
Les acteurs qui participent au développement de l’échelle INES sont les suivants :
- l’AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) et l’AEN (Agence de l’OCDE pour l'Energie Nucléaire) : ces deux organisations ont joué un rôle central dans le développement et l’utilisation de l’échelle INES ;
- l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) : cette autorité administrative française a grandement participé à la formation et au développement de l’échelle INES. Elle a également contribué à l’incorporation des incidents de transport de matières radioactives dans l’échelle INES.
Liste et classement des accidents nucléaires
En France, entre 1986 et 2006, sur plus de 10 000 événements déclarés par EDF (Electricité de France) à l'autorité en charge de la sûreté nucléaire, la plupart ont été considérés hors échelle INES ou au niveau 0. 1 615 incidents ont été classés au niveau 1 et 59 au niveau 2. Trois événements ont été classés au niveau 3 et un seul au niveau 4.
Entre 1991 et 2006, l’Allemagne a déclaré plus de 2 200 évènements classés niveau 0 ou hors échelle. 72 événements ont été déclarés au niveau 1 ou au-dessus.
Au cours de la même période, la NRC (Nuclear Regulatory Commission) des États-Unis, l’équivalent de l’ASN en France, n’a déclaré à l’AIEA et classé sur l’échelle INES que 22 événements nucléaires anormaux, dont 6 hors échelle, 7 au niveau 0, 5 au niveau 2 et 1 au niveau 3.
Centrale | Classement échelle | Année | Nature de l'événement |
---|---|---|---|
Tchernobyl (URSS) | 7 | 1986 | Cet accident a conduit à la fusion du cœur d'un réacteur entrainant ainsi un relâchement d'une quantité excessive de particules radioactives dans l'environnement. Cette exposition aux radiations a causé de nombreux décès tant à court terme qu'à long terme. |
Fukushima | 7 | 2011 | Le tremblement de terre puis le tsunami endommagent les systèmes de refroidissement et de secours des réacteurs et d'autres éléments de la centrale. Le réchauffement au cœur des réacteurs et l'hydrogène accumulé provoque d'énormes explosions. Selon l'autorité de sûreté japonaise, les émissions radioactives mesurées atteignent « environ 10% de celles émises par Tchernobyl ». |
Kyshtym (URSS) | 6 | 1957 | Une explosion chimique d'une cuve de stockage de déchets de haute activité (non valorisables et hautement radioactifs) s'est produite dans une usine de retraitement. Plusieurs villages aux alentours ont dû être abandonnés. L'accident a été gardé secret pendant 32 ans par les dirigeants soviétiques. |
Three Mile Island (États-Unis) | 5 | 1979 | Une série de défaillances matérielles et humaines ont entrainé une panne du système de refroidissement puis provoqué la fusion partielle du cœur du réacteur nucléaire. |
Sellafield (GB) | 5 | 1957 | Un incendie s'est produit dans l'un des réacteurs. Il a duré plusieurs jours et a rejeté dans l'atmosphère des produits de fission formant un nuage radioactif. |
Tokaimura (Japon) | 4 | 1999 | Pour accélérer un processus d'enrichissement, les techniciens ont dépassé la masse critique. Cela a déclenché un éclair de gamma et de neutrons. Les populations situées aux alentours ont été confinées quelques heures et 2 techniciens sont décédés. |
Saint-Laurent-des-Eaux (France) | 4 | 1980 | Une plaque métallique vient boucher des canaux, empêchant le refroidissement normal des combustibles dans le réacteur A2. Gravement endommagé, celui-ci est resté indisponible pendant 2 ans et demi. Onze ans après un premier accident de niveau 4 sur le réacteur A1 de la même centrale, cet évènement est considéré comme le plus grave ayant jamais touché un réacteur en France. |
Sellafield (GB) | 3 | 2005 | 83 000 litres de matière radioactive furent découverts dans une pièce en béton armé (conçue afin de recueillir les fuites) à l'usine de traitement de Thorp suite à une fuite dans une canalisation. La concentration d'une quantité de 200 kg de plutonium présentait un risque élevé de déclenchement d'un accident de criticité. |
On dénombre également des incidents de plus faible intensité n'ayant pas ou peu de conséquences sanitaires et mécaniques. En juillet 2008, une fuite d'uranium évaluée sans gravité a eu lieu à la centrale du Tricastin en France. L'incident a été classé au niveau 2 de l'échelle INES.
Intérêt et limites
L’échelle INES est un outil international d’évaluation et d’information :
- elle peut faciliter la perception de l'importance des incidents et des accidents nucléaires par les gouvernements, les médias et le public ;
- elle peut s’appliquer à tout incident ayant lieu dans les installations nucléaires de base civiles ou lors des transports de matières radioactives.
À ce titre, elle est un élément substantiel de la construction d’un rapport de confiance entre les populations et les acteurs du nucléaire.
Le classement de l’échelle INES reste cependant trop tributaire des autorités nationales. En effet, comme mentionné plus haut, les autorités nucléaires nationales peuvent requalifier le niveau de l’événement déclaré par les exploitants des installations. Par ailleurs, dans certains États, les autorités de contrôle peuvent être sous l’influence des politiques.
Pays membres du programme INES
En 2008, il a été approuvé par 61 pays membres : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Autriche, Bangladesh, Belgique, Biélorussie, Brésil, Bulgarie, Canada, Chili, Chine, Congo, Corée du Sud, Costa Rica, Croatie, Danemark, Égypte, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Guatemala, Hongrie, Islande, Inde, Iran, Irlande, Italie, Japon, Kazakhstan, Koweït, Liban, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Mexique, Monténégro, Norvège, Pakistan, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Slovaquie, Slovénie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Syrie, Turquie, Ukraine, Vietnam.
En 2024, près de 80 pays ont des « officiers nationaux INES »(2) et fournissent des informations en suivant cette échelle.
Définition et niveaux
L’échelle INES (International Nuclear Event Scale) est l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques.
Mise en place en 1991, elle constitue un outil d’information et un repère pour les médias et le public, indiquant la gravité des évènements nucléaires ou radiologiques.
Cette échelle comporte huit niveaux qui vont de 0 à 7 :
- les événements de niveau 0, même s’ils font apparaître des écarts par rapport au fonctionnement nominal, n’ont pas d’incidence en matière de sûreté ;
- les événements de niveau 1 à 3 sont qualifiés d’ « incidents », car ils n’ont pas de conséquence significative sur les populations et l’environnement ;
- les événements de niveau 4 à 7 sont qualifiés d’ « accidents ».
Conséquences à l'extérieur du site | Conséquences à l'intérieur du site | Dégradation de la défense en profondeur | |
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0. Écart | |||
Événement hors échelle | Aucune importance du point de vie de la sûreté | ||
1. Anomalie | Anomalie sortant du régime de fonctionnement autorisé | ||
2. Incident | Contamination importante / surexposition d'un travailleur | Incidents assortis de défaillances importantes des dispositions de sécurité | |
3. Incident grave | Très faible rejet : exposition du public représentant au moins un pourcentage des limites fixées par le guide AIEA | Contamination grave / effets aigus sur la santé d'un travailleur | Accident évité de peu / perte des barrières |
4. Accident | Rejet mineur : exposition du public de l'ordre des limites prescrites | Endommagement important du cœur du réacteur / des barrières radiologiques / exposition mortelle d'un travailleur | |
5. Accident | Rejet limité susceptible d'exiger l'application partielle des contre-mesures prévues | Endommagement grave du cœur du réacteur / des barrières radiologiques | |
6. Accident grave | Rejet important susceptible d'exiger l'application intégrale des contre-mesures prévues | ||
7. Accident majeur | Rejet majeur : effets considérables sur la santé et l'environnement |
À l’image des critères de classement pour des phénomènes naturels comme les séismes ou les avalanches, la France a mis en place dès 1987 une échelle de gravité des événements nucléaires.
En 1990, l’échelle INES a été développée par les experts internationaux de l’AIEA et de l’AEN qui se sont inspirés de l’échelle française, et a été mise en place au niveau international en 1991. Les risques liés aux radiations et aux transports de matières radioactives ont été intégrés dans le guide international d’utilisation(1) de l’échelle INES sur le site de l’AIEA en 2008.
Futur
L'échelle INES reste, pour le moment, un outil de communication destiné à faciliter la perception par les médias et le public de l'importance des événements nucléaires. Elle devra pouvoir évoluer pour une meilleure harmonisation au niveau international.
Concrètement
En France, plusieurs centraines d'incidents nucléaires de niveau 0 et une centaine d'incidents de niveau 1 sont rapportés chaque année à l’ASN. Seuls quelques incidents de niveau 2 sur l’échelle INES sont déclarés (4 en 2002, 2 en 2011, 3 en 2010, ex : « perforation d'un gant de protection »).
Le saviez-vous ?
En France, l’ASN ne rend pas systématiquement public les incidents de niveau 0 sauf s’ils présentent un intérêt médiatique particulier. Tous les incidents classés au niveau 1 et au-dessus font systématiquement l’objet d’une information publiée sur le site Internet de l’ASN. Les incidents classés au niveau 2 et au-dessus sont signalés aux journalistes par communiqué de presse.