- AFP
- parue le
L'industrie chimique française espère la mise en place d'un plan d'ici fin 2025 pour protéger le secteur face au flux d'importations américaines et chinoises qui risquent de se déverser sur le Vieux Continent, mettant en péril "200 à 350 usines" dans l'Union européenne dont 47 en France, a averti France Chimie mercredi.
"La chimie est prise en étau entre les États-Unis et la Chine", a déclaré Frédéric Gauchet, le président de France Chimie, association qui représente les 4.000 entreprises du secteur en France, lors de son assemblée générale annuelle.
Secteur stratégique qui aime à se présenter comme l'"industrie des industries" avec ses molécules de synthèse, la chimie alimente 90% des autres secteurs de grande consommation: automobile, énergie, construction, agroalimentaire, pharmacie et cosmétiques.
Selon M. Gauchet, le conflit commercial lancé par Donald Trump pourrait "amplifier" chez les entreprises la tentation de dumping, c'est-à-dire la baisse drastique des prix, voire la vente à perte, pour trouver de nouveaux débouchés aux marchandises freinées par les nouvelles taxes douanières aux États-Unis et en Chine. Avec à la clé, le risque que des flux massifs de marchandises soient redirigés vers l'Union européenne.
Cela contraindrait l'Europe à fermer ses usines les moins compétitives ne pouvant s'aligner sur les baisses de tarifs, a expliqué à la presse M. Gauchet.
- Le dumping "existe partout" -
La guerre commerciale en cours est la goutte d'eau qui fait déborder le vase de la chimie européenne déjà très fragilisée par les "surcapacités mondiales", les "coûts de l'énergie" plus élevés en Europe, la "charge réglementaire" et une "fiscalité défavorable", a-t-il ajouté.
Alors que la demande industrielle européenne pour des produits chimiques est en décroissance, "nous craignons une Europe de la chimie encore plus affaiblie" et nous attendons "un nouveau recul du chiffre d'affaires" de la chimie française pour 2025, a ajouté M. Gauchet.
Les industriels évaluent "entre 150.000 et 200.000" le nombre d'emplois totaux menacés dans la chimie à l'échelle européenne, dont 15 à 20.000 en France.
C'est surtout l'industrie des produits de base qui est menacée. "Il est possible qu'il n'y ait plus du tout de production d'acide nitrique en Europe si on ne fait rien", a ainsi estimé M. Gauchet.
Au centre des critiques, la Chine et ses pratiques de dumping documentées par les diverses procédures lancées par Bruxelles.
Mais le dumping "existe partout", a fait valoir M. Gauchet: sur le plastique PVC par exemple, il est pratiqué par les États-Unis et l'Égypte, a assuré le dirigeant.
Selon les calculs de l'association, 10 à 20 milliards d'euros de produits exportés par la Chine pourraient inonder l'Union européenne - qui n'applique que 3% de droits de douane sur les produits chimiques - et 5 à 10 milliards de produits "made in America".
Avalanche d'autant plus difficile à digérer pour l'industrie européenne que le taux d'utilisation de ses capacités de production reste "inférieur à 80%" pour la deuxième année de suite, en dessous de son seuil de rentabilité.
- "Risque d'extinction" -
Pierre Luzeau, PDG du groupe pharmaceutique Seqens, a appelé l'Europe à une action rapide pour éviter le "risque d'extinction de [son] industrie".
Selon lui, le pacte européen pour une industrie propre présenté récemment par Bruxelles "n'est pas à la hauteur" face au double impératif paradoxal qui menace l'industrie européenne: plus de concurrence et plus de protectionnisme en même temps.
Benoit Decouvelaere, l'un des dirigeants de la branche polymères de TotalEnergies, a fait valoir de son côté les besoins des vapocraqueurs qui produisent les "briques élémentaires de la chimie".
"30 à 40% de nos coûts de production sont de l'énergie", a-t-il dit en appelant à des tarifs plus compétitifs de l'électricité notamment.
Kristin Schreiber, représentante de la Commission européenne lors de l'AG de France Chimie, a confirmé un plan d'action européen pour la chimie d'ici la fin de l'année.
Il devra à la fois répondre aux craintes de "fermetures de sites à court terme" et "préparer le long terme" pour faire en sorte que la transition énergétique fonctionne, a-t-elle dit.
"On est tous d'accord que le but n'est pas de déréguler, mais de simplifier et de moderniser", a-t-elle ajouté en évoquant le chantier de la simplification de la réglementation Reach sur les substances dangereuses.
im/jum/LyS