Accident nucléaire de Tchernobyl

Le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl et son « sarcophage », 20 après l'accident nucléaire. (©photo)

Définition et catégories

Le 26 avril 1986, l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl en Ukraine (qui fait alors partie de l’URSS) provoque le plus important accident nucléaire civil jamais constaté (niveau 7 sur l'échelle INES).

Cet accident libère dans l’air un nuage radioactif qui se propage principalement sur toute l’Europe, avec de lourdes conséquences à court et long terme sur les populations et le milieu naturel de plusieurs pays.

Tchernobyl montre que l’énergie nucléaire civile mal contrôlée peut causer des dommages majeurs aux populations exposés et à l’environnement.

L'accident

Une série d’erreurs conduit à l’explosion du réacteur

Au début 1986, 100 000 personnes habitent à Tchernobyl, à une centaine de kilomètres de la capitale Kiev (Ukraine). La ville profite de l’essor économique de sa centrale nucléaire, mise en service entre 1977 et 1983 et située à près de 15 km.

La centrale est composée de 4 réacteurs mais ne dispose pas des équipements de sécurité intégrés dans la plupart des centrales occidentales, comme par exemple la double coque de protection.

  • Le 25 avril au matin, un test du réacteur 4 est planifié à l’occasion d’une opération courante de maintenance, sous les ordres du contremaître Anatoly Dyatlov. Ce test de l’alimentation électrique de secours consiste à couper l'alimentation de la turbine afin de vérifier si celle-ci conserverait la puissance suffisante pour démarrer les pompes à eau servant à refroidir le cœur du réacteur.
  • Le 25 avril à 14h (heure locale), le système d'alarme du système de refroidissement du réacteur est débranché en prévision du test, au mépris des principes élémentaires de sécurité.
  • La puissance du réacteur 4 est réduite comme prévu de 1 000 à 700 MWt, puissance atteinte le 26 avril à 0h05.
  • La puissance continue alors à baisser, contrairement aux conditions prévues par le test. Le 26 avril à 0h28, une erreur d’un opérateur fait chuter la puissance du réacteur à 30 MWt. Cela provoque un empoisonnement du réacteur au xénon (accumulation de xénon-135, produit fissile qui absorbe des neutrons et perturbe le processus de fission nucléaire(1)).
  • À 1h23, le test sur le réacteur 4 se poursuit alors que le cœur est très difficile à maîtriser. Une série d’erreurs et de mauvais choix de la part des équipes provoque une hausse de la température du réacteur. Le mélange d’hydrogène et d’oxygène, créé par la radiolyse de l’eau, provoque de petites explosions qui éjectent les barres de contrôle du réacteur.
  • Selon le Département de l'Énergie américain, l'explosion de Tchernobyl se produit le 26 avril 1986 à 1h23 et 44s. La partie supérieure du cœur du réacteur se retrouve à l’air libre et le graphite prend feu. L’incendie est entretenu par l’intense chaleur dégagée dans le cœur, qui est principalement due aux désintégrations radioactives des produits de fission et qui n’est plus évacuée. Il n’est définitivement arrêté que le 9 mai. Des poussières et des gaz radioactifs sont rejetés pendant 10 jours.
  • Deux heures après l'accident, les techniciens de la centrale ayant survécu éprouvent les premiers symptômes de la contamination radioactive (malaises, vomissements, vertiges, diarrhées, brûlures). À 6h du matin, leur état est si alarmant qu'ils sont conduits à l'hôpital. Plusieurs d'entre eux meurent dans les jours qui suivent.
  • Le 27 avril, les premiers habitants de la ville toute proche de Pripyat sont évacués de la zone.
  • Selon le rapport TORCH (rédigé par les Verts/ALE au Parlement européen), l'explosion libère des débris du bâtiment et du réacteur jusqu’à 7 à 9 km d'altitude. Près de 30% du combustible du réacteur s'échappe dans les environs immédiats de la centrale. Environ 50 tonnes de gaz radioactif sont éjectés dans l'atmosphère, l'équivalent de 200 fois les retombées de Hiroshima et Nagasaki.

L’intervention des « liquidateurs » 

Pour circonscrire les différents incendies de la centrale, plusieurs équipes de pompiers interviennent sans protection efficace contre les radiations.

Selon l'OCDE, près de 600 000 travailleurs(2) participent aux opérations d’assainissement de Tchernobyl entre 1986 et 1991. Ces personnels militaire et civil intervenant sur le site sont appelés les « liquidateurs » et sont cités au titre de héros de la nation. Dans un premier temps, une sorte de pâte collante est déversée par hélicoptère sur la centrale pour coller au sol toutes les poussières radioactives puis les travailleurs détruisent et enterrent les objets radioactifs. Près de 300 000 m3 de terre contaminées sont ainsi ensevelis sous du béton.

Deux mois après l'accident, les liquidateurs participent à la fabrication d'un immense sarcophage d'acier et de béton pour protéger la centrale. Par précaution, des robots sont envoyés en première ligne. Mais ils ne résistent pas aux radiations et tombent en panne, les émissions de radioactivité détruisant leurs composants électroniques. Des hommes sont donc envoyés sur le site sur lequel ils ne peuvent rester que 2 ou 3 minutes au risque d'être irradiés à mort. En novembre 1986, la mise en place du sarcophage est terminée.

Un nuage qui s’étend à toute l’Europe

Le 28 avril 1986, la Suède découvre l’accident qui avait été passé sous silence par le gouvernement de Gorbatchev, du fait de niveaux de radioactivité anormalement élevés mesurés dans l’air. L’URSS rend alors l’accident public.

Le nuage radioactif se déplace sur l’Europe, touchant d’abord la Biélorussie voisine et la Scandinavie. Il traverse la France puis remonte vers le Luxembourg et la Belgique. Une partie du nuage se déplace ensuite vers les Pays-Bas et l'Écosse tandis qu'une autre partie s'étend vers la Corse, la Tunisie, la Grèce et la Turquie. En quelques semaines, le nuage radioactif recouvre une superficie évaluée à 3,9 millions de km2, soit environ 40% de la superficie de l'Europe.

Les autorités face à l'accident

Silence et atermoiements des autorités russes

Pendant plusieurs semaines, le gouvernement russe sous-estime les conséquences de l’explosion et opère une campagne de désinformation. La première conférence de presse russe a lieu 15 jours après l’accident et de nombreux journalistes occidentaux réalisent la dissimulation de la situation par les autorités russes.

Malgré cet accident, la centrale de Tchernobyl continue de fonctionner à la surprise générale. Les autorités attendront 1991 pour arrêter le réacteur 2 et l'an 2000, soit plus de 14 ans avant d'arrêter le réacteur 3.

Révisions de la sécurité des centrales

En Europe occidentale, Tchernobyl conduit tous les États équipés de centrales nucléaires à relever le degré de sécurité de leurs installations et à revoir dans le détail l'organisation de la sécurité nucléaire, notamment les plans d'urgences locaux.

Différentes mesures, en particulier concernant l'alimentation électrique, sont prises le 2 mai dans de nombreux pays européens (Pologne, Danemark, Norvège, Finlande, Suède, Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Italie, Grèce etc.). L'Italie met en place un contrôle de contamination à ses frontières, dans le but de refouler les produits contaminés venant de France où aucune mesure n'a été décidée.  

En 1991, l'OMS crée le Programme International sur les Effets Sanitaires de l'Accident de Tchernobyl (IPHECA). Depuis cette date, l'OMS achète et fournit des médicaments et des équipements médicaux au Belarus, à la Russie et à l'Ukraine.

Polémique en France

Le 30 avril 1986, le Pr Pellerin, directeur du SCPRI (Service central de protection contre les rayons ionisants) indique  qu' « aucune élévation significative de la radioactivité n'a été constatée ». C'est le lendemain que toutes les installations nucléaires détectent une importante radioactivité et en informent le SCPRI.  Le Pr Pellerin diffuse à de nombreux destinataires un communiqué qui affirme que « les prises préventives d'iode ne sont ni justifiées, ni opportunes ». Il avoue le 10 mai au journal télévisé de TF1 que les mesures de radioactivité sont « anormales » depuis le 30 avril, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient dangereuses (pas de prise préventive d’iode requise étant donné le nombre de becquerels émis).

C'est en raison de la perception d'un manque de transparence à la  fois de l'Etat et du SCPRI (ancêtre de l’IRSN qui effectue alors les mesures officielles) qu'une poignée de scientifiques prennent la décision de créer une commission indépendante, la CRIIRAD, dans les semaines qui suivent afin de réaliser leurs propres mesures de la radioactivité en France. Leurs résultats sont sans appel et confirment la toxicité des légumes et du lait durant la première semaine du mois de mai 1986.

Le bilan et point à date

Les répercussions globales sur la santé des habitants d’Europe occidentale et sur l’environnement font encore l’objet de vives polémiques.

Bilan humain

Les estimations de la mortalité liée à l'accident de Tchernobyl restent aujourd'hui difficiles et très débattues : « les nombres avancés se sont échelonnés de quelques mille à quelques centaines de mille, sans que soient apportées de justifications convaincantes »(3) selon l'IRSN.

En septembre 2005, le « Forum Tchernobyl », initiative des Nations unies sous l’égide de l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et de l’OMS, estime(4) le nombre total de décès en raison des irradiations de Tchernobyl à environ 4 000 à terme.

Ce chiffre inclut une cinquantaine de morts suite à une irradiation aiguë et une dizaine d’enfants décédés d’un cancer de la thyroïde, mais pas certaines régions moins contaminées (en ex-URSS ou ailleurs en Europe). Il est très contesté par des organismes comme Greenpeace qui évaluent le nombre de victimes, sans détailler leurs méthodes de calcul, en dizaines, voire en centaines de milliers de victimes indirectes.

La pondération précise de la responsabilité de l’accident de Tchernobyl en termes de cancers reste délicate et sujet à polémique. Le comité d’experts de l’OMS ayant participé au Forum de Tchernobyl estime que seuls les « liquidateurs » fortement exposés ayant travaillé autour du réacteur en 1986-1987 (240 000), les personnes évacuées en 1986 (116 000) et les résidents des zones strictement contrôlées fortement contaminés (270 000) ont reçu des doses nettement au-dessus des niveaux de rayonnement naturel (en moyenne 2,4 mSv par an).

Calcul des doses radioactives totales reçues en moyenne par les populations les plus exposées de Tchernobyl (©OMS, Aide-mémoire 2006)

Dose totale reçue par les populations les pluys exposées (hors rayonnement naturel)NombreTotal moyen en 20 ans (mSv)
« Liquidateurs » (1986-1987) (fortement exposés)240 000> 100
Personnes évacuées (1986)116 000> 33
Résidents des ZSC (> 555 kBq/m2) (1986-2005)270 000> 50
Résidents faiblements contaminés (37 kBq/m2) (1986-2005)5 000 00010-20
Rayonnement de fond natutel : 2,4 mSv/an
Habituellement compris entre 1 et 10 mSv/an (maximum 20 mSv/an)
 48
Doses approximatives classiques dues aux rayons Xpar acte (mSv)
Tomodensitométrie (« corps entier »)12
Mammographie0,13
Radiographie thoracique0,08

Notons que l'effet pathogène des doses reçues de radioactivité inférieures à 100 mSv n'est pas démontré. En revanche, l'effet pathogène de ces doses est systématique (et non probabiliste) pour les doses supérieures à 1 000 mSv.

Seul le risque de cancer de la thyroïde peut être clairement imputé au rayonnement de Tchernobyl selon les examens de ce groupe d’experts. Au Belarus, en Ukraine et en Russie, près de 5 000 cas ont été diagnostiqués jusque 2006 chez des enfants et des adolescents âgés de 18 ans au plus au moment de l’accident.

L’incidence de l’accident de Tchernobyl sur les pathologies dans les régions fortement exposées est également difficile à circonscrire car le dépistage des maladies est beaucoup plus développé par rapport à la période antérieure à l’accident.

Bilan environnemental

Les conclusions demeurent également incertaines en ce qui concerne les conséquences environnementales. La clairance des sols (temps au bout duquel la contamination est divisée par 2), comprise entre 10 et 25 ans pour le césium 137, et la présence d’animaux et de végétaux pourraient plaider en faveur d’une décontamination du site.

Néanmoins, ce processus est extrêmement lent et le césium 137 et le strontium 90 continuent à migrer verticalement dans le sol de 2 à 4 centimètres par an, rencontrant des racines qui peuvent faire remonter ces éléments radioactifs. De même, l’état de santé des animaux reste difficile à évaluer.

Le bilan de Tchernobyl fait donc encore débat mais tous reconnaissent que la situation n’est pas « réglée », ne serait-ce qu’en raison des quantités de combustible encore sur le site, protégés par un sarcophage vieillissant.

Bilan psychologique

Au-delà de ses conséquences chiffrées, la catastrophe de Tchernobyl constitue un traumatisme en Europe occidentale et continue de nourrir la peur de l’énergie nucléaire, à l’image de la ville fantôme de Pripyat, « martyre de l’atome ». L’accident de Tchernobyl a eu d’importantes répercussions sur la santé mentale et le bien-être des populations touchées.

Présent

Un nouveau sarcophage pour Tchernobyl

Il a été décidé de construire une nouvelle enceinte de confinement pour remplacer le sarcophage construit en 1986. Le maître d'ouvrage Chernobyl Nuclear Power Plant et un consortium (Novarka) mené par Bouygues et Vinci(5) ont été chargés de ce projet : une structure en forme d'arche a été construite entre 2007 et fin 2018 (mise en place sur site en 2016) et recouvre désormais le réacteur n°4 pour lequel les conditions de démantèlement ne sont toujours pas précisées.

Pesant plus de 30 000 tonnes, cette arche mesure près de 110 m de haut et 256 m de long. Elle est censé avoir une durée de vie d'au moins 100 ans.

Le saviez-vous ?

La série Chernobyl de HBO qui a rencontré un grand succès a développé « l'attrait » pour cette zone sinistrée autour de laquelle les autorités ukrainiennes veulent développer le tourisme.

Sur le même sujet