Incertitudes et volatilité sur les marchés pétroliers : état des lieux en 2018

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Marchés pétroliers

Les cours du pétrole font l’objet de « successions de hausses et de baisses », récurrentes depuis 2007 souligne IFPEN. (©Anadarko)

IFP Énergies nouvelles (IFPEN) a présenté le 5 février son bilan sur les marchés de l’énergie en 2018 ainsi que les perspectives pour l’année à venir. Les nombreuses incertitudes sur les marchés pétroliers ont entre autres été rappelées à cette occasion.

Une volatilité « extrême » en 2018

Incertitudes et volatilité sont deux termes qui reviennent fréquemment dans les analyses portant sur les marchés pétroliers. La volatilité est notamment « récurrente » depuis 2007 mais elle a été « extrême » en 2018, constate le président d’IFPEN Didier Houssin. Entre le point haut du 3 octobre 2018 (86 $ par baril de Brent) et le point bas atteint quelques semaines plus tard (proche de 50 $/b), l’écart est quasiment de 40 $/b, souligne IFPEN.

Cette volatilité « a résulté en grande partie des incertitudes portant sur l’offre et la croissance économique, mais aussi des sanctions américaines contre l’Iran » (finalement assouplies avec des exemptions accordées par les États-Unis à 8 pays(1)), résume IFPEN. En moyenne, le prix du baril de Brent en 2018 s’est élevé à 71 $, soit 31% de plus qu’en 2017. 

IFPEN rappelle que les accords successifs des 25 pays dits « OPEP+ » (15 pays membres de l’OPEP et 10 producteurs hors OPEP dont la Russie) semblent bien respectés et permettent toutefois de maintenir un prix « plancher » aux environs de 50 $/b (pour le Brent). 

Pour rappel, ces producteurs « OPEP+ » se sont entendus début décembre 2018 sur une nouvelle réduction de leur production de pétrole brut de 1,2 million de barils par jour (Mb/j). Cet engagement est mis en œuvre depuis le 1er janvier 2019 (avec le niveau de production d’octobre 2018 comme référence) et est convenu pour « une période initiale de 6 mois ».

Prix du baril de pétrole
En octobre 2018, le cours moyen du baril de Brent a dépassé 81 $, les marchés craignant alors entre autres les sanctions américaines sur les exportations iraniennes. (©Connaissance des Énergies)

Toujours de nombreuses incertitudes pour 2019 et après

Il semble pour le moins audacieux de prétendre prévoir le prix du Brent en 2019 : les différentes analyses relayées par IFPEN envisagent un prix moyen du baril de Brent compris entre 59 $ et 80 $ cette année, « autant dire qu’on n’en sait rien » reconnaît Didier Houssin.

Parmi les nombreux paramètres susceptibles de faire fluctuer les cours du brut, IFPEN mentionne toujours les évolutions affectant le contexte économique et financier mondial, les modalités d’application de l’embargo contre l’Iran (les exemptions sont censées durer jusqu’à fin avril 2019), la politique OPEP+ de plafonnement de l’offre ou encore le niveau de la production américaine.

Les États-Unis, désormais premier producteur mondial de pétrole brut, joue un rôle croissant sur les marchés pétroliers, en particulier du fait « des caractéristiques particulières des huiles de schiste qui offrent la capacité de s’adapter rapidement aux évolutions du prix du pétrole ». L’importance de la production américaine d’huiles de schiste (donc hors hydrocarbures « conventionnels ») fait l’objet de prévisions variées pour 2019 : elle pourrait être comprise entre 9,1 Mb/j et 11,1 Mb/j en fonction de l’activité de forage et de la productivité des puits selon IFPEN(2) (contre 7,3 Mb/j en moyenne pour ces seules huiles de schiste sur l’année 2018). 

Sur la base des ressources américaines d’huiles de schiste estimées par l’AIE(3), IFPEN prévoit « un potentiel de production encore conséquent sur les trois à cinq prochaines années » mais ne se prononce pas au-delà de cet horizon. L’instabilité des cours pétroliers incite au niveau mondial à la « prudence pour les décisions d’investissement en exploration/production » et l’hypothèse d’une offre insuffisante sur les marchés pétroliers reste alors possible (« supply crunch »)(4)

L’évolution des marchés pétroliers d’ici à 2024 vue par l’AIE

L’industrie pétrolière vit actuellement des « changements extraordinaires », affirme Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), en préambule de l’étude Oil 2019 rendue publique le 11 mars. Explications et perspectives pour les années à venir.

En 2018, la production moyenne de « pétrole » (incluant le brut, les liquides de gaz naturel et autres hydrocarbures liquides) a avoisiné 99,7 millions de barils par jour (Mb/j) au niveau mondial selon les dernières données de l'AIE. D'après les prévisions de l’Agence, cette production pourrait encore augmenter de 5,7 Mb/j d’ici à 2024, principalement « grâce à l'incroyable force de l’industrie (américaine) du schiste ».

Dans les rapports de l’AIE consacrés aux marchés pétroliers, souligner l’importance croissante des États-Unis ressemble désormais à un leitmotiv. En 2018, la production américaine de pétrole a connu une croissance « sans précédent » (+ 2,2 Mb/j) selon l’Agence. Et d’ici à 2024, l’AIE estime que les États-Unis compteront à eux seuls pour 70% de la hausse de l’offre mondiale de pétrole (+ 4,1 Mb/j entre 2018 et 2024, dont plus des deux tiers grâce au pétrole de schiste).

L’AIE estime également que le Brésil, le Canada, la Norvège (qui vit une « renaissance » selon l'Agence(1)) et le Guyana pourraient apporter une « contribution importante » à la production mondiale de pétrole (+ 2,6 Mb/j de hausse cumulée pour ces 4 pays d’ici à 2024).

Au sein des pays de l’OPEP, seuls l’Irak et les Émirats arabes unis envisagent une forte hausse de leur production pétrolière selon l’AIE (l’Agence retient dans son rapport une stabilité de la production saoudienne). La croissance de l’offre de ces pays devrait être compensée par des « fortes baisses » de production en Iran et au Venezuela selon l’AIE.

Production mondiale de pétrole
Grâce à la « révolution du schiste », les États-Unis pourraient devenir exportateurs nets de pétrole à partir de 2021 selon l’AIE. Ici, l’évolution de la production américaine de pétrole de schiste ou « light tight oil » en anglais. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

Consommation de pétrole : « pas de pic en vue »

En 2018, la consommation mondiale de pétrole a atteint 99,2 Mb/j selon les dernières données de l’AIE (+ 1,3 Mb/j par rapport à 2017). Elle pourrait continuer à augmenter à un rythme « modeste » de 1,2% par an, pour atteindre 106,4 Mb/j en 2024 d’après les projections de l’Agence qui n’envisage « pas de pic en vue » pour la demande mondiale.

La croissance de la consommation mondiale de pétrole dans les 5 ans à venir viendra en grande majorité de l’Asie (la Chine et l’Inde comptant à elles seules pour 44% de cette hausse attendue) selon l’AIE, tandis que la consommation européenne est appelée à diminuer - très légèrement - sur cette période (- 0,1 Mb/j entre 2018 et 2024).

La hausse de la consommation pétrolière sera en grande partie liée à une croissance de la demande des secteurs de la pétrochimie (GPL, éthane et naphta notamment) et de l’aviation (kérosène « jet » avec la forte hausse attendue du trafic aérien). À l’inverse, la croissance de la demande de carburants routiers et maritimes devrait ralentir (l’AIE indique que les nouvelles normes de Organisation maritime internationale entrant en vigueur en 2020 auront un impact important sur l’industrie mondiale du raffinage).

Consommation de pétrole dans le monde
L’Asie - en particulier la Chine et l’Inde - va jouer un rôle central dans la hausse de la consommation mondiale de pétrole d’ici à 2024, indique l'AIE. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)

Sources / Notes

  1. Chine, Inde, Turquie, Japon, Corée du Sud, Taïwan, Italie, Grèce.
  2. Cette hausse est « régulière et rapide » grâce à un bon niveau de l’activité de forage et une productivité en hausse par puits de production.
  3. 120 milliards de barils selon le World Energy Outlook 2018 (de l’ordre de 30 milliards de barils auraient déjà été produits).
  4. IFPEN indique que les investissements mondiaux dans l’amont pétrolier et gazier ont atteint 382 milliards de dollars en 2018, un niveau en hausse de 7% par rapport à 2017 mais inférieur de 40% à 2014.

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