L’heure du déclin n’a pas encore sonné pour le charbon selon l’AIE en 2018

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Charbon dans le monde

La zone Asie-Pacifique a compté pour 73% de la consommation mondiale de charbon en 2018 selon l'AIE. Ici, le site de production de Mt Arthur en Australie. (©BHP)

La demande mondiale de charbon devrait baisser en 2019 mais rester « globalement stable au cours des 5 prochaines années » selon un rapport publié le 17 décembre par l’Agence internationale de l’énergie (AIE)(1).

Encore 35% de la production mondiale d’électricité en 2024 ?

En 2018, la consommation mondiale de charbon avait augmenté de 1,1%, dans la lignée du « rebond de 2017 » (après 3 années de baisse entre 2014 et 2016). La production mondiale avait elle augmenté de 3,3% l’an dernier, l’Indonésie et la Russie portant leurs exportations de charbon à un niveau historiquement élevé(2). Les centrales à charbon avaient quant à elles généré plus de 10 000 TWh en 2018 (environ 2% de hausse par rapport à 2017).

En 2019, cette production mondiale d’électricité à partir du charbon pourrait chuter de plus de 250 TWh (soit environ 2,5% de baisse) selon l’AIE. Un déclin historique – déjà signalé fin novembre par le site britannique Carbon Brief – qui pourrait toutefois faire figure d’exception à court terme, au regard des prévisions de l’AIE.

Selon l'Agence, la production mondiale d’électricité des centrales à charbon pourrait légèrement repartir à la hausse entre 2020 et 2024 (moins de 1% de croissance par an), tandis que les filières renouvelables devraient satisfaire la majorité des nouveaux besoins en électricité dans le monde durant cette période. Le charbon devrait toutefois rester « de loin la première source d’électricité dans le monde » dans les 5 prochaines années, sa part dans le mix de production étant estimée par l'AIE à 35% en 2024, contre 38% en 2018.

Si une « recrudescence de la consommation de charbon n’est pas attendue aujourd’hui, un plongeon soudain non plus », indique l’AIE. L’Agence rappelle notamment que « la fin imminente du charbon était déjà annoncée » lorsque la consommation mondiale de ce combustible avait baissé entre 1997 et 1999. Cette dernière avait finalement augmenté de 75% entre 2000 et 2013, soit « davantage que lors des 9 décennies précédentes », souligne l’Agence.

Consommation de charbon dans le monde
En 2024, la consommation mondiale de charbon pourrait atteindre 5 624 Mt selon l'AIE, soit près de 3% de plus qu'en 2018. (©Connaissance des Énergies, d'après AIE)

Les pays asiatiques, socle de la croissance du charbon

En Europe et aux États-Unis, la production des centrales à charbon « s’enfonce à des niveaux jamais vus depuis des décennies ». La chute du charbon dans ces zones est en grande partie liée à la compétitivité du gaz (le gaz de schiste mène en particulier le charbon « à sa perte » sur le sol américain) et elle devrait être uniquement freinée d’ici à 2024 (« à moins d’une pression supplémentaire » : renforcement des politiques climatiques ou prix du gaz plus faibles qu’attendu).

Pour autant, « la fin du charbon est encore lointaine, puisque la demande progresse en Asie », souligne Keisuke Sadamori, Directeur des marchés et de la sécurité énergétiques à l’AIE. La part de cette région dans la production mondiale des centrales à charbon avoisine 80% en 2019 contre à peine plus de 20% en 1990, « ce qui signifie que le sort du charbon est de plus en plus lié aux décisions prises dans les capitales asiatiques ».

L'avenir du charbon dépendra en particulier de la situation de la Chine, qui compte toujours à elle seule pour près de la moitié de la production et de la consommation mondiale de ce combustible. L’Inde, l’Indonésie et le Vietnam s’appuient également fortement sur le charbon pour faire croître leurs économies. La production indienne d’électricité à partir du charbon va certes « probablement baisser pour la première fois en 45 ans » en 2019 mais cette baisse est imputable à des événements exceptionnels (faible croissance de la demande d’électricité, production hydroélectrique particulièrement élevée).

En outre, « les centrales électriques au charbon en Asie sont jeunes - 12 ans en moyenne - ce qui fait qu'elles pourraient encore fonctionner pendant des décennies », rappelle le directeur exécutif de l'AIE, Fatih Birol. Celui-ci prône à ce titre un recours à grande échelle aux technologies de captage, de stockage et de valorisation du CO2 (CCUS).

In fine, « le tableau global n’a pas beaucoup changé » selon les termes de Keisuke Sadamori. Malgré les politiques annoncées de lutte contre le changement climatique, l’AIE reconnait que son constat et ses prévisions sont « très similaires » à ceux des années précédentes, quand bien même « les menaces » pesant contre le principal « ennemi climatique » grandissent. Pour rappel, le charbon compte actuellement pour environ 40% des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie et à l'industrie.

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