« Il n’y pas de solution unique ou simple pour transformer le système énergétique mondial », prévient le directeur exécutif de l’AIE Fatih Birol.(©Peabody)
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié le 13 novembre son World Energy Outlook 2019 qui présente différents scénarios d’évolution du système énergétique mondial d’ici à 2040.
Un scénario tendanciel loin des « 2°C »
Le monde de l’énergie « est marqué par un ensemble de profondes disparités », souligne l’AIE en préambule de sa publication phare. L’Agence souligne en particulier l’écart entre l’ambition affichée dans la lutte contre le changement climatique – dans l’accord de Paris et au fil des COP successives – et les faits, à savoir un niveau record d'émissions de CO2 liées à l’énergie en 2018 et un système énergétique reposant « obstinément » sur les énergies fossiles.
Dans son World Energy Outlook 2019, l’AIE présente 3 scénarios d’évolution du système énergétique d’ici à 2040. Un scénario tendanciel (dit « Current Policies ») envisage une hausse de la consommation mondiale d’énergie de 1,3% par an d’ici à 2040 et une part de 78% d'énergies fossiles dans le mix énergétique à cet horizon (contre 81% en 2018), ce qui conduirait à une croissance « sans relâche » des émissions de gaz à effet de serre associées.
L’AIE présente également un scénario, dit « Stated Policies », basé sur les politiques et objectifs annoncés par les différents pays en matière d’énergie. La consommation mondiale d’énergie augmenterait dans ce cas de 1% par an d’ici à 2040. Les sources d’énergie bas carbone (solaire photovoltaïque en tête) pourraient satisfaire plus de la moitié de cette hausse de la demande et le gaz naturel un tiers selon l’AIE.
Mais cette amorce de transition serait loin de « compenser les effets de l’expansion de l’économie mondiale et de la croissance démographique » : les émissions de gaz à effet de serre augmenteraient plus lentement que dans un scénario tendanciel mais n’atteindraient pas un pic avant 2040 et les énergies fossiles compteraient encore pour 74% de la consommation mondiale d'énergie primaire à cet horizon.
Le pétrole de schiste américain « sous les projecteurs »
Aux États-Unis, les hydrocarbures de schiste « sont amenés à rester à un niveau supérieur aux prévisions annoncées jusqu’ici » selon l’AIE. Dans son scénario Stated Policies, l’Agence estime que la croissance de la production américaine va certes ralentir par rapport au rythme « effréné » des dernières années mais que le pays pourrait toutefois compter pour 85% de la hausse de la production mondiale de pétrole et pour 30% de celle de gaz naturel d’ici à 2030.
D’ici à 2025, la production américaine d’hydrocarbures de schiste pourrait dépasser la production russe de pétrole et de gaz selon l’Agence. Dans le même temps, la part des membres de l’OPEP et de la Russie dans la production mondiale de pétrole pourrait baisser à 47% en 2030 (contre 55% au milieu des années 2000), ce qui pourrait fortement contrarier les efforts de l’ « OPEP+ » pour peser sur les cours du pétrole.
Le Moyen-Orient restera toutefois le « principal fournisseur » sur les marchés pétroliers et le détroit d’Ormuz conservera une position stratégique cruciale, notamment pour les exportations vers les pays asiatiques(1).
Une « grande coalition » pour un système énergétique plus « durable »
Le directeur exécutif de l’AIE Fatih Birol appelle à la formation d’une « grande coalition » réunissant les gouvernements, investisseurs et entreprises pour lutter contre le changement climatique. Le scénario Sustainable Development de l’AIE est présenté comme un guide pour ladite coalition, en vue d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris.
Il est en particulier rappelé l’importance de faire progresser l’efficacité énergétique : l’intensité énergétique mondiale (c’est-à-dire le rapport entra la consommation mondiale d’énergie primaire et le PIB) a baissé de 1,2% en 2018, bien loin des 3% de baisse annuelle jugés nécessaires par l’AIE dans le cadre du scénario Sustainable Development.
Même dans son scénario le plus vertueux, l’AIE envisage que les énergies fossiles seront toujours majoritaires dans le mix énergétique mondial de 2040 (avec une part de 58%) : la consommation de gaz devrait en particulier continuer à augmenter jusqu’à 2030 avant de décroître, celle de charbon devrait être fortement réduite et la demande de pétrole en 2040 pourrait retrouver le niveau du début des années 1990.
Le scénario Sustainable Development envisage une baisse de la consommation mondiale d’énergie mais une hausse de plus de 45% de la production mondiale d’électricité d’ici à 2040(2). Dans ce scénario, l’éolien et le solaire photovoltaïque compteraient pour 40% de la production mondiale d’électricité à cet horizon, devant l’hydroélectricité (environ 18%), le gaz naturel (14%), le nucléaire (11%) ou encore… le charbon (6%).
L’AIE souligne que les centrales à charbon en Asie sont en moyenne exploitées depuis seulement 12 ans (soit deux décennies de moins que la moyenne en Amérique du Nord et en Europe). Dans ce contexte, le déploiement des technologies de capture, stockage et utilisation du CO2 (« CCUS » en anglais) dans le secteur électrique et l’industrie constitue une « variable cruciale » du scénario Sustainable Development.