Aux États-Unis, la centrale à charbon de Navajo (2 250 MW de puissance) a été définitivement arrêtée mi-novembre 2019 pour des raisons économiques. (©Salt River Project)
La production mondiale d’électricité provenant des centrales à charbon pourrait baisser d’environ 3% en 2019, selon une analyse publiée le 25 novembre par le site britannique Carbon Brief(1).
Une chute de la production de près de 300 TWh en 2019
L’analyse publiée par Carbon Brief estime que la production mondiale d’électricité à partir du charbon pourrait baisser d’environ 300 TWh en 2019 (par rapport à 2018)(2). Cette baisse de production équivaudrait à « davantage que les productions électriques combinées des centrales à charbon de l'Allemagne, de l'Espagne et du Royaume-Uni l’an dernier », précise ce site d’information sur le climat et les politiques énergétiques.
La baisse attendue de la production des centrales à charbon en 2019 – ce combustible fossile reste de loin la première source d’électricité dans le monde (37,9% du mix électrique mondial en 2018) – est liée à l’augmentation concomitante de la production électrique des installations renouvelables, nucléaires et des centrales à gaz mais aussi au ralentissement de la croissance de la demande d’électricité(3), explique Carbon Brief.
Au cours des 35 dernières années, la production électrique des centrales à charbon dans le monde n’avait baissé qu’à deux reprises : en 2009 dans le contexte de la crise financière (- 148 TWh) et en 2015 avec un « ralentissement » en Chine(4) (- 217 TWh). Précisons que la production mondiale des centrales à charbon a augmenté de 299 TWh en 2017 et de 294 TWh en 2018.
Selon l’analyse de Carbon Brief, la production mondiale d’électricité à partir du charbon pourrait baisser de 303 TWh en 2019. (©Connaissance des Énergies, d’après Carbon Brief)
Chute de la production des centrales à charbon dans les pays développés
En 2019, la baisse de production des centrales à charbon dans de nombreux pays développés (États-Unis, Allemagne, Corée du Sud, etc.) ne sera donc pas « contrebalancée » par le géant chinois (1er producteur, 1er consommateur et 1er importateur mondial de charbon, le pays pourrait encore compter pour 48,1% de la production mondiale d’électricité à partir du charbon en 2019), ni par « les augmentations continues de la production en Asie du Sud-Est ».
Parmi les grands acteurs réduisant le poids de leurs centrales à charbon figure l’Union européenne, dont la production desdites centrales pourrait baisser de 23% en 2019, par rapport à 2018 selon Carbon Brief(5). Cette chute serait due pour moitié aux nouvelles installations de capacités éoliennes et solaires et pour moitié à une substitution du charbon par le gaz(6). Il est entre autres rappelé que le Royaume-Uni a produit de l’électricité sans faire appel à ses centrales à charbon pendant 2 semaines en mai, une première dans ce pays depuis le début de la Révolution industrielle.
Aux États-Unis aussi, la baisse du charbon atteint des niveaux très élevés : 57 centrales d’une puissance cumulée de 14 GW devraient être arrêtées en 2019 (soit 5,8% du parc américain de centrales à charbon) et la production d’électricité provenant de ce combustible outre Atlantique a déjà baissé de 13,9% durant les 8 premiers mois de 2019 (par rapport à la même période en 2018).
Au Japon, les importations de charbon ont été réduites de 3,5% au cours des 9 premiers mois de 2019 (par rapport à la même période en 2018), « reflétant une demande d’électricité relativement stable et une hausse de la production nucléaire ». En Corée du Sud, la production des centrales à charbon pourrait également baisser de 10% en 2019 selon Carbon Brief, notamment en raison de la hausse de la production nucléaire et de l'augmentation en avril 2019 du montant de la taxe carbone nationale de 28% (cette taxe s’élève désormais à 40 $ par tonne de CO2).
Même en Inde, Carbon Brief indique que la « production d'électricité à partir du charbon est sur le point de chuter, pour la première fois depuis au moins trois décennies » (la croissance de la consommation d’électricité a fortement ralenti dans le pays).
Une évolution toujours incompatible avec les « 2°C »
En Chine, la consommation d’électricité pourrait augmenter de 3% en 2019 (contre 6,7% par an au cours des deux dernières années) et les énergies non fossiles (nucléaire, éolien, hydroélectricité en particulier) seraient susceptibles de satisfaire la quasi-totalité de cette demande supplémentaire. Dans le même temps, les énergéticiens chinois continuent pourtant à connecter au réseau électrique une nouvelle centrale à charbon toutes les deux semaines en moyenne.
Carbon Brief évoque à ce titre le risque économique associé à l’exploitation des centrales à charbon, dont le nombre d’heures de fonctionnement dans l'année est en forte baisse : en 2019, leur taux d'utilisation atteindrait seulement 48,6% en Chine et 54% au niveau mondial (contre 62% en 2011). « Un taux d’utilisation aussi bas implique que l’électricité générée est plus chère », avertit Carbon Brief. Selon le site spécialisé, cette situation pourrait perdurer alors que des premières centrales éoliennes et photovoltaïques atteignant la « parité réseau » en Chine (autrement dit, produisant de l’électricité au même prix que les centrales à charbon) devraient entrer en service en 2020.
En Asie du Sud-Est, les centrales à charbon pourraient voir leur production augmenter de 10% en 2019 selon Carbon Brief. La plus forte croissance est attendue au Vietnam qui a doublé ses importations de charbon(7) et augmenté de 10% sa production intérieure au cours des 10 premiers mois de l’année.
La baisse de la production mondiale du parc de centrales à charbon aura une importance centrale dans le cadre de la lutte contre le changement climatique(8) : le scénario « Sustainable Development » de l’Agence internationale de l’énergie – jugé compatible avec l’Accord de Paris – parie sur une baisse moyenne de 6% par an de cette production électrique à partir du charbon. Autrement dit, le double du rythme de réduction « historique » envisagé par Carbon Brief pour l’année 2019.
La puissance installée du parc mondial de centrales à charbon continue d’augmenter mais ces centrales sont moins utilisées durant l’année. (©Connaissance des Énergies, d’après Carbon Brief)