Pipeline de gaz naturel (©photo)
Le transport du gaz consiste à l’acheminer depuis la zone d’extraction jusqu’à la zone de consommation, afin d’alimenter les réseaux de distribution. En 2023, les flux mondiaux de gaz atteignent un volume légèrement supérieur à 1 000 milliards de m3.
Les réserves de gaz étant inégalement réparties dans le monde, les moyens de transport du gaz doivent parfois couvrir de longues distances et traverser plusieurs frontières afin de relier les pays producteurs aux pays consommateurs.
Il existe deux moyens complémentaires pour transporter le gaz efficacement :
- les gazoducs : ce sont des canalisations capables de transporter sur de longues distances du gaz sous pression. Ils peuvent être terrestres ou sous-marins ;
- la transformation en gaz naturel liquéfié (GNL) : le gaz est liquéfié puis acheminé par navire méthanier vers les zones de consommation, lorsque le transport par gazoduc est trop coûteux ou impossible (ex : traverser l’océan Atlantique),
Le réseau de transport du gaz est souvent comparé à une autoroute car il est constitué de grands axes, alors que les réseaux de distribution nationaux sont composés d'axes plus courts acheminant le gaz directement chez le consommateur. À l'échelle nationale ou internationale, le gaz est transporté de manière efficace, généralement invisible et en toute sécurité. En outre, les pays Européens s'échangent du gaz grâce à de nombreuses interconnexions gazières.
La quantité de gaz transporté se mesure généralement en mètres cubes ou en pieds cubes aux États-Unis (« cubic feet »), sachant qu'un mètre cube est égal à près de 35,3 pieds cubes.
Les techniques d'acheminement du gaz sur de longues distances
Longtemps considéré comme un coproduit dangereux et mal valorisable des gisements de pétrole, le gaz naturel est peu à peu devenu une matière première offrant de nombreuses possibilités d’utilisation. Cet attrait pour le gaz a été rendu possible grâce à l’amélioration des techniques de transport et de stockage, du fait de son effet de serre réduit.
Malgré la construction du premier gazoduc en 1891 aux États-Unis, il faut attendre les années 1960 pour que les techniques de métallurgie permettent de construire des gazoducs performants. Dès 1970, des milliers de kilomètres de gazoducs sont construits.
Ces dernières années, l’amélioration des techniques de liquéfaction, l’innovation de la construction navale ont permis l’essor du gaz naturel liquéfié. Le transport du gaz sur de longues distances est désormais possible et économiquement viable. Les pays ont la possibilité de diversifier leurs sources d'approvisionnement et négocier entre elles.
Tandis que les gazoducs acheminent le gaz à l’échelle régionale, le GNL permet une véritable internationalisation des échanges.
En outre, les méthodes de transport du gaz par gazoducs ou sous forme liquide reposent sur des techniques différentes.
Les gazoducs
Les gazoducs ont été le moyen de transport du gaz le plus utilisé jusqu'à très récemment, car ils sont fiables et rentables sur la durée. Des tubes d’acier d'un diamètre variant entre 50 centimètres et un mètre sont soudés pour former une canalisation, pouvant atteindre plus de 3 000 kilomètres de long.
Lorsque le gaz est sous pression, il occupe moins de volume et circule plus vite : il peut atteindre une vitesse de 40 km/h dans les gazoducs. Pour garantir une vitesse optimum et éviter les déperditions énergétiques, des stations de compressions sont installées à intervalles réguliers le long du gazoduc, tous les 100 à 200 km. La pression est fixée entre 16 et 100 bars.
Pour des raisons de sécurité et d’environnement, les gazoducs sont le plus souvent enterrés. Cependant, dans les régions désertiques ou lorsque le sol est gelé (ex : pergélisol), le gazoduc est installé à même le sol. Les gazoducs sous-marins sont posés au fond de l’océan.
Aussi, des systèmes de surveillance et des compteurs sont installés le long du réseau pour contrôler en permanence le débit de gaz. Ils donnent des informations sur le niveau de la demande et, en cas de fuite ou d’accident, préviennent en temps réel les équipes de maintenance. Le gazoduc est protégé contre la corrosion.
Des postes de livraison sont également répartis le long du gazoduc afin de distribuer le gaz aux différents réseaux de distribution.
Le réseau de gazoducs est extrêmement dense. En France, GRTgaz gère plus de 32 000 km de gazoducs avec 26 stations de compression. Dans le monde, le gaz circule dans plus d’un million de kilomètres de gazoducs, ce qui correspond à 25 fois la circonférence de la terre.
Les méthaniers
La liquéfaction du gaz sous forme de GNL permet de l’acheminer par bateaux, appelés méthaniers, sur de longues distances et de le stocker.
Longtemps considéré comme une alternative aux gazoducs lorsque ceux-ci sont trop coûteux ou pratiquement inconstructibles, le transport de GNL par méthanier est devenu le principal mode de transport du gaz dans le monde depuis 2022.
À pression atmosphérique et à une température d'environ -161°C, le gaz se condense (sous forme liquide) et le volume du gaz est réduit de 600 fois - contre 100 fois par gazoduc à une pression de 100 bars. Cela permet de transporter de plus grandes quantités plus facilement.
Le gaz liquéfié est quasiment du méthane pur car l’oxygène, le dioxyde de carbone et les éléments sulfurés sont extraits dans les usines de liquéfaction.
Le GNL est transporté à bord de méthaniers, des navires géants spécialement conçus pour cet usage. Les navires dits « Q-Max » sont les plus gros méthaniers en activité : ils mesurent 345 mètres de long, 54 mètres de largeur et ont une capacité de 266 000 m3 de GNL. Ces bateaux doivent être isolés thermiquement pour maintenir le gaz à l’état liquide en évitant les déperditions énergétiques.
Une fois à destination, ces navires ne peuvent pas être amarrés sur les côtes. Ils déchargent leur cargaison sur un terminal méthanier, qui est une installation de réception du GNL. Ce dernier est regazéifié avant d’être acheminé par conduites depuis le terminal jusqu’aux réseaux de distribution.
Le développement du GNL permet l’émergence d’un véritable marché du gaz à l’échelle mondiale. Les importateurs ne dépendent plus d'une liaison physique avec un producteur unique dont la dépendance est de facto forte, mais peuvent choisir entre différents producteurs, et donc négocier les tarifs et conditions.
Risques et enjeux de l'approvisionnement
Le transport du gaz est nécessaire à l’essor de l’industrie et au commerce du gaz.
Assurer la sécurité des approvisionnements est un élément clé du transport du gaz. L’amélioration des infrastructures garantit un transport plus sûr et plus efficace.
Des investissements lourds
Les infrastructures de transport coûtent cher et nécessitent plusieurs années pour être construites. Un méthanier transportant 100 000 tonnes de GNL coûte en moyenne 200 millions d’euros. Un terminal méthanier plus d'un milliard d'euros. Le coût moyen de construction d’un gazoduc de plus de 1 000 km s’élève à plusieurs milliards d’euros. Sans compter les frais de maintenance et de gestion.
A potentiel énergétique identique, le transport du gaz coûte 5 fois plus cher que celui du pétrole.
Lors d’un projet de construction de gazoduc, un consortium réunissant plusieurs industriels est créé afin d’apporter les fonds nécessaires pour gérer les étapes de la construction. Pour l'ancien projet South Stream qui visait à relier la Russie à l’Europe en passant sous la mer Noire (et en évitant un transit via l'Ukraine), le consortium était par exemple mené par Gazprom, associé à ENI et Engie (projet abandonné par Gazprom en décembre 2014).
La dimension géostratégique
Les réserves en gaz sont inégalement réparties et de nombreux pays sont obligés d’importer du gaz, quand une poignée en produisent. Ainsi certains pays d’Europe manifestent une dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, qui a su s'en servir comme levier dans bien des dossiers.
Les gazoducs entretiennent cette dépendance, car étant des installations de long terme, ils figent la relation d’échange entre le pays producteur et le pays consommateur. Les pays de transit sont également une composante importante du transport du gaz.
Des problèmes de sécurité d'approvisionnement se posent lorsque des zones à risques sont empruntées par les gazoducs. Entre 2006 et 2009, plusieurs conflits opposent la Russie à l’Ukraine suite à des désaccords sur les prix du gaz et sur les dettes liées. En 2006, l’Ukraine ponctionne notamment une partie du gaz acheminé vers l’Europe des gazoducs traversant son territoire. À partir de fin 2013 et durant toute l'année 2014, une crise politique plus sérieuse affecte l'Ukraine, avec la question du prix du gaz russe en toile de fond (celui-ci passant de 268 à 465 dollars par millier de mètres cube en mars). Plus récemment, l'invasion de la Russie par l'Ukraine en février 2022 a poussé les Européens à sanctionner la Russie et réduire drastiquement ses importations de gaz russe. Et donc à se tourner en urgence vers des importations de GNL par méthanier. La Russie, qui utilisait aussi le gaz comme moyen de pression sur les Européens, a aussi perdu le gazoduc sous-marin Nord Stream qui le reliait à l'Allemagne en septembre 2022, suite à une attaque souvent imputée aux Ukrainiens.
A l’inverse, le GNL offre une plus grande flexibilité, car en traversant les océans, les zones présentant un risque sont plus facilement évitées. L’essor du GNL est primordial pour diversifier les sources d’approvisionnements et éviter les relations de dépendance vis-à-vis d’un pays producteur. La diversification met en concurrence les producteurs de gaz, évitant ainsi les situations de monopole.
La révolution GNL
Alors que le transport par méthanier était en constante augmentation au cours de la dernière décennie partout dans le monde, la crise Ukrainienne débutée en 2022 a parachevé l'avènement du GNL.
Déjà un projet de gazoduc reliant la mer Caspienne à la Turquie à l’Europe en passant par la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche était en projet depuis juillet 2009. Appelé Nabucco, ce projet se positionnait comme le concurrent direct du gazoduc South Stream. Les deux ont été abandonnés.
L’Union européenne a été poussée à affirmer sa volonté de sécuriser et de diversifier les sources d’approvisionnement pour ne plus être dépendante du fournisseur russe. Et donc à se porter vers le GNL, alors qu'en parallèle, les Etats-Unis, l'Australie, le Qatar et l'Azerbaïdjan entre autres développaient leurs infrastructures d'export depuis des années.
Le GNL représentait 42 % des importations européennes de gaz en 2023, tandis que le transport par gazoduc était en baisse de 22 % par rapport à 2022. Pour la première fois, les méthaniers avaient transporté plus de gaz que les gazoducs dans le monde.
Les États-Unis sont devenus le plus grand exportateur mondial de GNL avec 22 % du total, suivis de l'Australie (20 %) et du Qatar (19 %). L'Union européenne est restée le principal importateur mondial de GNL avec 26 % des volumes, devançant la Chine (17 %) et le Japon (16 %).
Dans l'UE, la France était le premier importateur de GNL (22 %), suivie de l'Espagne (18 %) et des Pays-Bas (17 %), tandis que les États-Unis sont restés le plus grand fournisseur de GNL vers l'UE, avec 46 % des exportations.
La Norvège a fourni 30 % du gaz importé (en grande partie par gazoduc), suivie des États-Unis (19 %, uniquement par méthanier) et de la Russie dont les volumes ont chuté, passant de 137 milliards de m³ en 2021 (part de 51 %) à 25 milliards de m³ (part de 15 %) deux ans plus tard. La Russie a elle aussi été poussée à développer fortement ses exportations par GNL, vers l'Europe et le reste du monde.
Source : Ministère de la Transition Écologique - Graphique : Selectra
En 2023, le commerce mondial de GNL a atteint 562 milliards de m³.
Acteurs majeurs du transport du gaz dans le monde
Le développement du transport du gaz est intrinsèquement lié à l’internationalisation des échanges et à la croissance de la demande en gaz, plus forte que celle du pétrole.
Des milliers de kilomètres de gazoducs relient le Canada aux États-Unis et la Russie à l’Europe. Pour livrer du gaz russe en Europe, de nombreux pays d’Europe centrale sont traversés : ils forment une zone de transit.
Le géant russe Gazprom est la plus grande compagnie de production et de gestion de réseau au monde, avec le plus grand réseau de transport. Elle a construit le gazoduc sous-marin Nord Stream sous la mer Baltique pour acheminer le gaz en Europe, avant qu'il ne soit saboté pendant la guerre en Ukraine. Son projet South Stream (sous la mer Noire) a en revanche été abandonné fin 2014. Il constituait, avec une partie sous-marine de 900 km de long, le plus grand projet de gazoduc sous-marin au monde.
L’Algérie et la Norvège acheminent le gaz vers l’Europe également grâce à des méthaniers. Pour le Japon, le gaz naturel liquéfié en provenance du Moyen-Orient ou du Sud-Est asiatique (ex : Brunei) est la seule solution pour garantir son approvisionnement en gaz.
Grâce au gaz de schiste, les USA sont devenus les principaux producteurs de gaz au monde en une décennie à peine, couvrant toute sa consommation et lui permettant de devenir l'un des principaux exportateurs dans le monde.
En milliards de mètres cubes de gaz naturel produit - Source : Enerdata - World Energy and Climate Statistics - Graphique : Selectra
En milliards de mètres cubes de gaz naturel exporté - Source : CIA World Factbook - Graphique : Selectra
En Europe, de nombreux opérateurs tels que le groupe italien ENI ou GRTgaz (filiale de GDF Suez) acheminent le gaz et participent au développement du réseau de transport. Engie possède un large réseau de gazoducs et de nombreux terminaux méthaniers. Sous l’égide de l’Union européenne, les opérateurs européens développent l’interconnexion de leurs réseaux.
Il existe de nombreux terminaux méthaniers dans le monde. En Europe, les principaux terminaux se trouvent en Espagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni. Il en existe 4 en France.
Généralement, la majorité des contrats de long terme entre un opérateur (ex : Engie) et un producteur (ex : Gazprom). Cela permet de garantir la rentabilité d’un gazoduc tout en établissant une relation de confiance entre le producteur et la zone de réception du gaz.
En milliards de mètres cubes de gaz naturel importé - Source : CIA World Factbook - Graphique : Selectra
En milliards de mètres cubes de gaz naturel produit - Source : CIA World Factbook - Graphique : Selectra
Le saviez-vous ?
- Les gazoducs mal entretenus (ex : ex-URSS) se voient parfois imputer une forte contribution à l’effet de serre, avec des déperditions pouvant atteindre jusqu’à 10% de la production (ex : Sibérie) et amplifiées par le fort coefficient d’effet de serre du méthane.
- Afin de garantir leur fonctionnement, les gazoducs sont régulièrement inspectés et nettoyés. On place alors dans les gazoducs des robots intelligents capables de les nettoyer en raclant les éventuelles impuretés. On les appelle des « smart pigs » (cochons intelligents) à cause des couinements qu’émettaient les premiers robots en se déplaçant dans les gazoducs.