Carbon Tracker alerte sur les nombreux investissements dans le secteur pétrolier et gazier en contradiction avec les objectifs de la COP21.(©Pixabay)
Les grandes compagnies pétrolières et gazières continuent d’investir dans des projets « incompatibles avec les objectifs climatiques et menaçant les intérêts des actionnaires » selon un rapport publié ce 6 septembre par l’ONG britannique Carbon Tracker(1).
Près de 50 milliards de dollars depuis 2018
Sur la base de différents scénarios de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Carbon Tracker estime que près de 50 milliards de dollars investis depuis 2018 par les grandes compagnies pétrolières et gazières sont incompatibles avec une trajectoire de réchauffement limitée à 1,7/1,8°C. En 2018, « les investissements (CAPEX) de l'ensemble de l'industrie pétrolière et gazière en amont se sont élevés à environ 550 milliards de dollars », précise l'auteur du rapport Andrew Grant qui a souhaité mettre en avant « les exemples les plus flagrants d'investissements non conformes avec l'accord de Paris ».
Pour rappel, l’accord de Paris conclu en décembre 2015 lors de la COP21 fixe pour ambition de limiter le réchauffement climatique d’ici à 2100 « nettement en dessous » de 2°C - par rapport aux températures de l’ère préindustrielle - en renforçant les efforts pour atteindre la cible de 1,5°C.
Dans le scénario « NPS » de l’AIE (New Policies Scenario) intégrant les engagements actuels des différents pays pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, le futur réchauffement est estimé à 2,7°C. Pour suivre les trajectoires de scénarios compatibles avec l’accord de Paris, la consommation d’énergies fossiles devrait être fortement réduite : les nouveaux projets d’exploitation d’hydrocarbures devraient ainsi être limités et seuls les moins coûteux d’entre eux permettront in fine de dégager « une rentabilité suffisante » selon Carbon Tracker.
Concrètement, les dépenses d’investissement (CAPEX) des groupes pétroliers et gaziers devraient être réduites de 83% dans un scénario de réchauffement de 1,6°C (scénario « B2S » de l’AIE) par rapport au scénario tendanciel « NPS », selon les estimations de Carbon Tracker.
Sur la période 2019-2030, Carbon Tracker estime qu’aucun nouveau projet d'exploitation des sables bitumineux ne pourra être compatible avec l’accord de Paris. (©Connaissance des Énergies, d’après Carbon Tracker)
Un risque pour les actionnaires
Carbon Tracker met ainsi en garde les investisseurs sur le risque de perte de valeur de certains actifs (stranded assets). Pour Andrew Grant, « la meilleure façon de préserver la valeur pour les actionnaires et de s'aligner sur les objectifs climatiques est de se concentrer sur des projets à faible coût qui dégageront les meilleurs rendements ».
L'ONG cite les grands projets validés récemment qu’elle juge non rentables « dans un monde économique intégrant l’accord de Paris ». En tête de ceux-ci figure le projet de 13 milliards de dollars « LNG Canada » dans l’ouest de ce pays porté par Shell(2).
La major américaine ExxonMobil serait le groupe pétrolier et gazier présentant « le plus grand risque de dévalorisation de ses actifs » (avec 90% d’investissements potentiels durant la période 2019-2030 jugés incompatibles avec une trajectoire « +1,6°C »). Elle est suivie par les groupes anglo-néerlandais Shell (70%), français Total (67%), américain Chevron (60%) ou encore britannique BP (57%).