Vue en hiver des tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Cattenom. (©EDF-David Queyrel)
RTE a présenté le 7 novembre son « bilan prévisionnel »(1) de l’équilibre offre-demande sur le réseau électrique français. Le gestionnaire de réseau y présente ses prévisions pour l’hiver à venir ainsi que de grands scénarios de transition énergétique à l’horizon 2035.
Un hiver « sous surveillance » malgré des marges de sécurité
Le réseau électrique français sera à nouveau placé « sous surveillance » cet hiver, indique RTE. Dans des conditions de températures de saison moyennes, la consommation d’électricité pourrait avoisiner 221,5 TWh entre mi-novembre 2017 et fin mars 2018 selon les estimations du gestionnaire de réseau.
Mais c’est la pointe de consommation, atteinte en hiver aux environs de 19h, qui suscite une attention particulière. Comme chaque hiver, RTE rappelle que la consommation électrique française (stimulée par les nombreux chauffages électriques) est très « thermosensible » : au niveau national, chaque degré de température en moins au cœur de l’hiver entraîne un appel de puissance supplémentaire de 2 400 MW sur le réseau.
Avec des températures normales de saison, la pointe devrait se limiter à 85 GW cette année (elle avait atteint 94 GW l’an dernier) tandis que la puissance électrique disponible « au cœur de l’hiver » est estimée par RTE à 96 GW. En cas de vague de froid décennale, cette pointe pourrait toutefois s’élever à 99 GW et elle pourrait même atteindre 109 GW dans le cas d’une vague de froid centennale (le pic historique atteint le 8 février 2012 était de 102,1 GW).
Côté production, RTE prévoit une meilleure disponibilité des centrales nucléaires par rapport à l’hiver dernier : seuls 3 à 4 réacteurs devraient être à l’arrêt cette année contre 12 en décembre 2016 et 5 durant la vague de froid de janvier 2017. Par rapport à l’an dernier, la France devrait au total disposer respectivement de 7,2 GW et 2,8 GW de moyens supplémentaires en décembre et janvier (en incluant les capacités d’effacement et d’importations).
En cas de vague de froid durable ou d’arrêt imprévu de tranches nucléaires, RTE pourrait toujours recourir à des solutions « exceptionnelles » pour maintenir la sécurité du réseau : appels aux économies d’énergie, interruption volontaire de consommateurs industriels « électro-intensifs », baisse de 5% de la tension sur les réseaux de distribution, voire coupures momentanées et localisées. La 2e semaine de janvier apparaît comme la période « la plus délicate » de l’hiver, un recours à ces solutions étant envisageable à partir de 4,5°C en-dessous des normales de saison.
RTE prévoit une plus grande disponibilité du parc nucléaire par rapport à l'hiver dernier, sur la base des données transmises par EDF. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
50% de nucléaire en 2025 : trop tôt pour RTE et Nicolas Hulot
RTE indique que les « marges de sécurité » du réseau électrique français seront plus importantes à partir de 2020, avec notamment la mise en service programmée des premiers parcs éoliens offshore et de nouvelles interconnexions avec l’Angleterre et l’Italie. Pour autant, le gestionnaire de réseau juge impossible de fermer dans le même temps les dernières centrales à charbon et les 4 réacteurs nucléaires atteignant 40 ans de fonctionnement d’ici fin 2021(2) sans « dégrader la sécurité d'approvisionnement ».
L’objectif de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français à l’horizon 2025 (contre 72,3% en 2016) conduirait par ailleurs « systématiquement à une augmentation des émissions de CO2 du système électrique français » selon RTE. Le gestionnaire de réseau indique qu’il faudrait en effet fermer 24 réacteurs nucléaires d’une capacité de 900 MW tout en développant massivement les unités de production renouvelables, mais surtout en repoussant la fermeture des centrales à charbon après 2025 (alors que le Plan Climat présenté cet été prévoit leur fermeture d’ici à 2022) et en construisant de nouvelles centrales à gaz (d’une capacité cumulée de 11 000 MW).
Cette cible de 50% présente dans la loi de transition énergétique a fait l’objet de nombreux débats au cours des derniers mois et les modalités concrètes pour atteindre cet objectif n’avaient pas été précisées dans la première programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Le ministre Nicolas Hulot a annoncé le 7 novembre à l’issue du Conseil des ministres qu’il était nécessaire de trouver une « date réaliste » pour que la fermeture de réacteurs nucléaires ne s’effectue pas au détriment des objectifs français de lutte contre le changement climatique.
La production d’électricité en France a été « décarbonnée » à près de 91% en 2016 . (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)
Des orientations pour la transition énergétique d’ici 2035
La situation électrique de 2035 sera « le reflet » des grandes décisions d'investissements prises aujourd’hui, indique RTE qui rappelle l’inertie associée à l’évolution du système électrique. Parmi les différents scénarios imaginés par RTE (Ampère, Hertz, Volt, Watt) à cet horizon 2035 figurent quelques grandes tendances :
- en matière de production : une croissance forte de la production renouvelable (entre 243 TWh et 315 TWh par an en 2035 contre près de 100 TWh par an à l’heure actuelle) et des fermetures de réacteurs nucléaires (déclassement de 9 à 52 tranches);
- en matière de consommation : une évolution stable ou une baisse de la demande (« complément nécessaire à la réduction de la part du nucléaire »), et ce malgré le développement massif du parc de véhicules électriques (entre 5,5 et 15,6 millions en 2035).
Le développement des interconnexions électriques et de l’autoconsommation font également partie des options « sans regrets » retenues dans tous les scénarios de RTE.
Le gestionnaire de réseau alerte sur le fait que les différents scénarios « ne s’inscrivent pas de la même manière dans l’objectif de réduction de l’empreinte carbone fixé par l’Accord de Paris ». Les scénarios Ampère et Volt, s’appuyant sur un couple renouvelables/nucléaire, seraient susceptibles de faire baisser les émissions de CO2 déjà très faibles du secteur électrique français mais aussi celles des voisins européens (via des exportations de l'électricité française décarbonée).
Au contraire, le scénario Watt (70% de renouvelables et 11% de nucléaire dans le mix électrique en 2035, 21 GW de nouvelles centrales à gaz) conduirait selon RTE à augmenter les émissions françaises mais aussi européennes de CO2 du système électrique(3) (avec des importations d’électricité plus carbonée depuis les pays voisins).
Le scénario Ohm de RTE intègre l'objectif de porter à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français en 2025. Il est jugé incompatible avec les objectifs climatiques de la France par Nicolas Hulot. (©Connaissance des Énergies, d’après RTE)