RTE sollicite ses usagers pour limiter l'impact des pics de consommation électrique.
Les effacements d’électricité permettent de lisser la puissance appelée sur le réseau (en diminuant la demande lors des pics de consommation) et de contribuer ainsi à sa stabilité, tout en évitant le recours ponctuel à des unités de production « de pointe » coûteuses.
Des « opérateurs d’effacement » valorisent ces effacements sur les marchés de l’électricité : ils rémunèrent des consommateurs pour que ceux-ci acceptent de limiter ou d’arrêter leur consommation à certaines périodes. Ils peuvent revendre sur les marchés de gros l’électricité qui était initialement dédiée à ces consommateurs ayant accepté de s’effacer. Il existe actuellement une quinzaine d’opérateurs d’effacement agrémentés en France.
Au cours des deux dernières décennies, la France a déployé différents moyens de valoriser ces effacements (inclusion dans le mécanisme d'ajustement(1) grâce auquel RTE assure l'équilibrage du système électrique, vente directe sur les marchés de l’électricité via le mécanisme NEBEF(2), etc.). Et le ministère en charge de l'énergie a ajouté en 2018 un appel d'offres « effacement » parmi les mécanismes de soutien visant à rémunérer les effacements(3).
Définition
L’effacement de l’électricité désigne l’action de réduire temporairement la consommation électrique par un industriel ou un particulier. Lorsque la production électrique présente un risque d’insuffisance face à la demande, RTE peut demander aux consommateurs de diminuer volontairement leur consommation.
Cela permet de maintenir un équilibre entre l’offre et la demande sur le réseau électrique par une meilleure répartition dans le temps de la consommation et non nécessairement à la réduction globale de cette dernière.
Lissage de la consommation d'électricité
Grâce à des effacements, un gestionnaire de réseau peut ainsi lisser à court terme les pics de consommation électrique. Cela évite notamment d’activer ponctuellement des centrales de production coûteuses, souvent fortement émettrice de CO2, ou d’exposer le réseau à un risque de rupture de l’approvisionnement.
La consommation électrique connaît des périodes de pointe (ex : vers 19h et lors de grands froids). Pour y répondre, EDF augmente sa production grâce à des centrales thermiques à flamme (gaz, charbon, fioul) pouvant être rapidement démarrées. La production thermique utilisant du combustible fossile étant coûteuse et ayant un impact environnemental, RTE privilégie une réduction de la consommation par les usagers.
Types selon la capacité d'effacement
On distingue notamment les effacements « industriels » (gros consommateurs choisissant d’arrêter temporairement leur chaîne de production ou d’en adapter le fonctionnement pendant une période donnée) des effacements « diffus » (consommateurs tertiaires ou particuliers interrompant par exemple le fonctionnement de leurs appareils électriques).
Effacement industriel
L’un, opérationnel, est destiné aux industriels. Prévenu par un signal de RTE, un industriel peut « effacer » sa consommation en arrêtant les équipements électriques de ses usines ou en s'appuyant sur des groupes électrogènes.
La quantité d’électricité à économiser et la durée sont fixées par contrat qui permet de bénéficier d'un tarif bas auprès d'EDF et d’être rémunéré pour les économies effectuées.
Un marché de l’effacement (ou « mécanisme d’effacement ») est également développé à cette fin en complément du « mécanisme de capacité ».
Effacement diffus des particuliers
L’autre s'adresse aux particuliers. Leur consommation électrique est réduite grâce à un boitier intelligent installé chez eux. Lors d’un pic de consommation, le boitier peut interrompre pendant une dizaine de minutes le chauffage électrique et voire certains équipements électroménagers. Le client réduit ainsi sa consommation et allège sa facture d’électricité sans que ses usages électriques en soient affectés.
Effacement de par l'option tarifaire
Le principe des heures creuses et des jours de pointe des offres EJP et Tempo d'EDF reprennent le principe de l'effacement. Ces deux dernières, qui concernent plus d'un million de foyers, prévoient 22 jours « rouges » avec un prix très élevé. Le consommateur - prévenu la veille - peut s’organiser pour réduire ses consommations (et donc s’effacer partiellement).
Marché d'effacement
Dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mis en consultation par le gouvernement début 2019(4) figure « un objectif de 6,5 GW de capacité d’effacement à l’horizon 2028 », visant à améliorer la flexibilité du réseau électrique français et à faciliter ainsi son « équilibrage ».
Le mécanisme dit « NEBEF » (Notification d’Échanges de Blocs d’Effacement) permet entre autres de valoriser les effacements sur les marchés de l’électricité : un opérateur d’effacement peut vendre de gré à gré ou sur des bourses de l’énergie « des blocs d’électricité correspondant à la quantité d’électricité qui n’a pas été consommée ». Les effacements disposent d’autres possibilités de valorisation précisées par l’UFE dans cette note (mécanisme de capacité, mécanisme d’ajustement, appel d’offres, etc.).
Lorsqu'un consommateur « réalise un effacement », il accepte de réduire son appel de puissance sur le réseau électrique pour une période donnée. (©UFE)
Prime d'effacement
La loi du 25 avril 2013 dite « loi Brottes »(5) prévoit le versement d’une prime aux opérateurs d’effacement au titre des bénéfices pour la collectivité de ces effacements. Le principal avantage identifié est une diminution des émissions de gaz à effet de serre : l’effacement permet une diminution partielle de la consommation, en particulier lorsque les unités de production les plus émettrices sont sollicitées pour satisfaire la demande (lors des pics de consommation).
L’arrêté ministériel prévoit que la prime soit uniquement versée aux opérateurs(6) pour des effacements provenant de petits consommateurs, souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA (kilovoltampères). Cette prime est donc essentiellement dédiée à l’effacement résidentiel dit « diffus » dont elle est censée stimuler le développement. Voltalis est le principal opérateur d’effacement sur ce marché. L’Afieg (Association française indépendante de l’électricité et du gaz) a entre autres déploré cette restriction de la prime n’incluant pas les effacements tertiaires et industriels.
Les économies d’énergie et la diminution des pertes sur le réseau constituent deux autres types d’avantages identifiés par la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie).
Cette prime est financée via la contribution au service public de l'électricité (CSPE), une taxe sur la facture d'électricité.
Elle a été mise en place par le gouvernement en janvier 2015. La prime versée aux opérateurs d’effacement diffus était fixée à :
- 16 euros par mégawattheure lors des heures pleines (de 7 heures à 23 heures) ;
- 2 euros par mégawattheure lors des heures creuses (de 23 heures à 7 heures). La tension sur le réseau électrique en matière d’équilibre offre/demande est moins forte durant ces heures.
Chaque opérateur d’effacement pouvait bénéficier de cette prime dans une limite d’un volume de 250 gigawattheures par an.
Il est prévu qu'il soit réévalué annuellement en tenant compte du retour d’expérience, grâce notamment à une évaluation plus fine de l’effet report.
La première prime mise en place rémunère des volumes de consommation effacée alors que les effacements étaient précédemment principalement rémunérés « en capacité », c’est-à-dire en fonction de la capacité mise à disposition par le consommateur pour des effacements (capacité contractualisée auprès des opérateurs d’effacement). Le Gouvernement est ensuite revenu à des primes en capacités.
Ainsi en 2021, le plafond de prix de l'appel d'offres a été doublé par rapport à 2020, à 60 000 €/MW. Suite à un appel d'offres, une capacité d'effacement de 1 509 mégawatts (MW) a été établie en 2021, soit une puissance supérieure à celle d'un réacteur nucléaire et le double de la capacité de 2020.
L'appel d’offres annuel est « ouvert à tous les sites de soutirage capables de réaliser des effacements de consommation, à l’exclusion des sites réalisant des effacements à partir d’un moyen d’autoproduction conventionnelle (diesel) et des sites titulaires d’un contrat d’interruptibilité »(7).
Pour 2023, « le volume maximal pouvant être contractualisé pour l’appel d’offres effacement est fixé à 8 011 MW, dont 5 109 MW réservés aux sites de puissance souscrite inférieure ou égale à 1 MW ». Ces sites pourront « pour la première fois candidater pour des durées allant de un à dix ans », précise RTE.
Critiques
L'UFC-Que Choisir juge ce dispositif "scandaleux", estimant qu'il "alourdit injustement la facture de l'ensemble des consommateurs". Elle estime aussi "inefficace" que le montant de la prime soit fixé "quel que soit l'impact réel de l'effacement sur la consommation des ménages", étant donné qu'un effacement peut parfois n'être qu'un report d'une consommation plutôt qu'une réelle économie d'énergie.
"Loin de finaliser l'intérêt général, cette prime sert avant tout les intérêts financiers des opérateurs d'effacement au détriment des consommateurs", regrette donc l'UFC-Que Choisir.
La question du report des consommations
Un effacement électrique peut, selon les cas, faire l’objet ou non d’un « report », c’est-à-dire d’un décalage dans le temps de la consommation effacée par les clients incités financièrement. Par exemple, l’effacement d’un ballon d’eau chaude ou d’une machine à laver est sujet à un effet report de 100% et aucune économie d’énergie n’est effectuée in fine dans ces cas.
En revanche, il est possible de constater dans d’autres situations des baisses de consommation sans effet report. Par exemple, si un ménage baisse ponctuellement son chauffage électrique, il ne va pas nécessairement surchauffer après un effacement. Des études sont actuellement réalisées par le gestionnaire de réseau RTE pour mieux mesurer l’effet report qui reste difficile à quantifier.
Mesurer la valeur réelle des avantages de l’effacement pour la collectivité est une opération délicate. Il est en particulier encore difficile d’évaluer « l’effet report », c’est-à-dire la proportion de la consommation « effacée » qui n'est pas réellement économisée mais uniquement différée d’une période (lors de l’effacement) à une autre (après l’effacement). Lorsque l’effet report est fort, cela signifie que les économies d’énergie sont faibles en définitive.
La CRE a estimé différentes valeurs de l’effacement en fonction du taux de report (allant de 0 à 100%). Dans l’arrêté final, le gouvernement a retenu un niveau de 50% du taux de report. Cela signifie que l’on estime que la moitié de la consommation effacée durant une période donnée est finalement bien consommée, avec un décalage dans le temps.