(©Agnes Janin)
Les compteurs électriques mesurent l’énergie électrique consommée par un logement et fournissent à chaque client ses indices de consommation. Première application des smart grids, la généralisation de ces compteurs de couleur vert anis en France a commencé en décembre 2015 et les 35 millions de boitiers ont été installés à fin 2021. Le Linky permet de communiquer et recevoir des ordres à distance avec son fournisseur, via le gestionnaire ENEDIS.
Présentation du compteur communicant
Les compteurs Linky, dits « communicants », ont des caractéristiques complémentaires par rapport aux anciens compteurs électromagnétiques : ils sont connectés à distance avec le système d’information d’Enedis par courant porteur en ligne (CPL) et par les réseaux téléphoniques. Le gestionnaire du réseau de distribution collecte ainsi les données de consommation électrique à chaque demi-heure. Un petit écran digital permet aussi de lire davantage d'informations.
Facturation au réel
Les compteurs Linky transmettent quotidiennement les données de consommation électrique au gestionnaire du réseau de distribution (Enedis ou ELD). Ils permettent une facturation par le fournisseur sur la base de consommations réelles sans déplacement d'un technicien (et plus à partir d’une estimation nécessitant une régularisation ultérieure).
Enedis peut transmettre aux fournisseurs d’énergie les « index réels » de consommation de leurs clients de façon régulière sans qu’il soit nécessaire de déplacer un agent Enedis pour un relevé à domicile.
Un index est une donnée de consommation à une date précise. On parle d’index « réel » pour désigner le chiffre lu sur un compteur (et d’index « intermédiaire » lorsque ce chiffre est estimé par le fournisseur en fonction des consommations passées).
Suivi des consommations en ligne
Les consommateurs ont eux-mêmes accès sur internet aux informations récoltées par Enedis et sont ainsi davantage sensibilisés à la consommation associée à leurs usages. Ils ne peuvent toutefois pas les consulter en détail directement sur leurs compteurs. Seuls l’appel de puissance en direct et l’appel de puissance maximal atteint dans la journée s’affichent.
Les économies d'énergie liées à la possibilité de suivre ses consommations font par ailleurs l'objet d'estimations variables, « de quelques pourcents jusqu’à 10% pour les plus gros consommateurs » selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui rappelle que ces économies dépendent « fortement » des conditions d’accompagnement. Les évaluations dans d'autres pays présentent des résultats limités, constate l'Académie des technologies (1% à 2% d'économies en Finlande, 1% à 3% d'économies en Suède).
Les compteurs Linky doivent à plus long terme permettre de lisser les pics de consommation et les coûts de production associés, notamment par l’identification des surconsommations.
Télé-opérations à distance et moins chères
Désormais, pour changer de puissance, mettre en service son compteur quand on emménage ou encore pour passer aux heures creuses, le déplacement d'un technicien n'est plus nécessaire.
Tout se fait à distance, généralement sous un jour ouvré. Par conséquent, le prix des interventions a chuté ; il est même gratuit pour un changement de puissance ou d'option tarifaire.
Détection de pannes
Les compteurs Linky permettent une identification immédiate des pannes grâce à la transmission en temps réel des données et la localisation, réduisant ainsi le temps de diagnostic et d'intervention. Ils alertent automatiquement les gestionnaires de réseau en cas d'anomalie, facilitant une réparation plus rapide.
ENEDIS s'engage désormais à rétablir 90% des clients en 48 heures en cas d'incident climatique majeur sur le réseau.
Développement de l'autoconsommation
Les compteurs Linky favorisent l'autoconsommation en permettant aux utilisateurs de suivre en temps réel leur production et consommation d'énergie, optimisant ainsi l'utilisation de l'énergie produite localement.
Ils intègrent facilement les systèmes de production d'énergie renouvelable, tels que les panneaux solaires, en ajustant automatiquement la consommation en fonction de la production. Le compteur facilite ainsi l'autoconsommation car il mesure les flux d'énergie « dans les deux sens » (électricité reçue du réseau et injectée vers celui-ci).
Parce qu'il doit contribuer à une gestion plus intelligente des réseaux (smart grids), le compteur communicant est jugé « essentiel pour la réussite de la transition énergétique » par l'Académie des technologies.
Les critiques... et les faits
Ses détracteurs remettent en cause la réalité de ses bienfaits, notamment les gains espérés en matière de consommation d'électricité. D'autres s'inquiètent des possibles risques pour la santé liés aux ondes électromagnétiques émises par le compteur. Des particuliers avaient même fait appel à la justice pour obtenir le retrait ou la non-installation du compteur.
Les associations de consommateurs faisaient surtout état de plaintes en raisons de problèmes plus concrets : coffrage électrique qui ne ferme plus, compteur qui disjoncte plus souvent, appareils électroménagers qui ne fonctionnement plus correctement, incendies pour cause de pose pas faite dans les normes...
Si les oppositions à la pose de compteurs Linky ont été par périodes fortement médiatisées, la CRE souligne que « les interventions de pose se sont globalement bien déroulées avec un taux de réintervention très faible (inférieur de 1%) et un taux de réclamations stable autour de 0,7% » au cours des deux dernières années.
Alors qu'il a suscité des inquiétudes sur le respect de la vie privée ou l'exposition aux champs électromagnétiques, qui se sont parfois traduites par des contentieux, les clients apprécient désormais le fait de tout pouvoir faire à distance et de ne plus avoir à se rendre disponible pour la relève annuelle des compteurs à leur domicile.
Données personnelles et respect de la vie privée
Le gestionnaire du réseau d'électricité collecte par défaut les données de consommation journalières (consommation globale du foyer sur une journée).
Les données de consommation fines (horaires et/ou à la demi-heure) ne peuvent être collectées "qu'avec l'accord de l'usager" ou de manière ponctuelle pour des "missions de service public". De plus, le consentement de l'abonné doit être "libre, spécifique, éclairé et univoque", conformément au Règlement général européen sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en mai 2018.
Enedis souligne que les fournisseurs d’électricité n'ont accès qu’à « une donnée mensuelle pour la facturation » et qu'ils doivent recevoir « un consentement clair et éclairé » des consommateurs pour accéder à des données plus précises. Tout consommateur peut consulter sur un espace en ligne ses consommations et « refuser l’enregistrement par Enedis de sa consommation horaire ». Il a ainsi la possibilité de « contrôler très strictement et très facilement via Internet, les données liées à sa vie personnelle et en interdire l’utilisation ou la dissémination », souligne l'Académie des technologies. Il est à ce titre recommandé de mieux prendre en compte la situation des consommateurs qui n’utilisent pas Internet. « Pour leur faciliter le contrôle de leurs données et l’utilisation des fonctionnalités de Linky : ils devraient par défaut ne pas voir leurs données archivées et un affichage déporté dans leur domicile devrait leur être fourni gratuitement », recommande l'Académie des technologies.
Contrairement à une crainte émise par certains opposants, le compteur Linky seul « n'accède pas aux équipements situés au-delà du compteur ». Un module additionnel dit « ERL » (émetteur radio Linky) doit être ajouté à la demande du client pour disposer d'informations plus détaillées par équipements, ce qui permet de souscrire des services plus « sophistiqués » auprès de son fournisseur : pilotage d'équipements en fonction du « tarif du moment », effacements de consommation en contrepartie d'un avantage tarifaire, etc.
Les données de consommation relevées par Linky peuvent toutefois donner des informations sur la vie privée des occupants du logement, telles que les heures de lever et de coucher, les périodes d'absence ou encore le nombre de personnes présentes. "Il est donc essentiel que les clients puissent garder la maîtrise de leurs données", souligne la Cnil.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui veille au respect de ces règles, avait mis en demeure Direct Energie, puis EDF et Engie, estimant notamment qu'ils ne recueillaient pas correctement le consentement des utilisateurs. Les sociétés se sont depuis mises en règle.
Ondes émises
Les compteurs Linky échangent des informations avec un concentrateur situé dans les transformateurs de quartier grâce aux courants porteurs en ligne (CPL), le long des câbles électriques. Ils ne sont pas des émetteurs radioélectriques, mais créent dans leur voisinage un champ électromagnétique comme n'importe quel appareil électrique.
L'agence nationale des fréquences (ANFR) a mené des études sur l'exposition aux ondes. Elle avait conclu que "la transmission des signaux CPL (c'est-à-dire grâce aux courants porteurs en ligne) utilisés par le Linky ne conduit pas à une augmentation significative du niveau de champ électromagnétique ambiant". Le nouveau compteur ne génère pas plus d'ondes qu'une ampoule électrique.
"L'exposition spécifique liée à l'usage du CPL apparaît très faible et les transmissions sont brèves : moins d'une minute chaque nuit pour la collecte des informations de consommation et des impulsions périodiques de surveillance du réseau, d'une durée de l'ordre d'un dixième de seconde", a-t-elle noté.
Les niveaux de champs électriques sont à un niveau comparable à un compteur classique hors communications CPL, et s'ils augmentent légèrement lorsque Linky transmet ses informations, ils n'atteignent alors que 1,1 volt par mètre (v/m) à 20 cm, quand la valeur limite réglementaire est de 87 v/m. Quant aux niveaux de champs magnétiques mesurés en émission CPL, ils sont 700 fois plus faibles que la valeur limite, a constaté l'ANFR, qui ajoute que "ces faibles niveaux d'exposition diminuent très vite dès qu'on s'éloigne du compteur et deviennent difficilement mesurables". "La transmission CPL n'accroît (...) pas significativement le niveau de champ électromagnétique ambiant", conclut l'Agence.
En 2019, "287 lieux ont fait l'objet de mesures à proximité d'un compteur Linky et ont eu lieu en intérieur et principalement en milieu urbain. L'ensemble des mesures réalisées respecte les seuils réglementaires d'exposition du public aux ondes fixés par le décret n° 2002-775 du 3 mai 2002", écrivait l'agence dans un communiqué. "Les compteurs Linky n'émettent pas de manière constante : pour la moitié des mesures, aucun rayonnement CPL (courants porteurs en ligne, NDLR) Linky n'a été détecté malgré un temps de mesure moyen d'une heure", explique l'ANFR. Lorsque ces compteurs émettent, les valeurs maximales sont 20 fois inférieures aux valeurs limites réglementaires, et plus de 90 fois inférieures pour les valeurs moyennes. Mesurées à 20 centimètres du compteurs, ces valeurs baissent fortement dès que la distance augmente, ajoute l'agence.
Un faible niveau qui s'explique par le fait que l'information transmise par le compteur est envoyée à un concentrateur, situé dans les transformateurs du quartier, via le courant porteur en ligne (CPL) le long des câbles électriques, et non par des ondes radioélectriques, comme les téléphones portables ou la connexion wifi.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pour sa part jugé en décembre 2016 "très faible" la probabilité que ces compteurs puissent avoir des effets nocifs. En 2017, à la suite de nouvelles mesures, elle n'avait pas changé ses conclusions. "Les mesures que nous avons relevées dans les logements sont venues confirmer celles réalisées en laboratoire, avec un (champ) électromagnétique faible, presque du même ordre que celui des anciens compteurs et qui correspond aux objets électriques du quotidien".
Un déploiement coûteux
Imposé par Bruxelles pour faciliter une tarification différenciés en fonction de la consommation, améliorer la concurrence et favoriser les économiques d'énergie, le coût de l'installation du boîtier a suscité des critiques en 2018 par la Cour des comptes qui jugeait les gains pour le consommateur insuffisants.
Débutée fin 2015, la phase de « déploiement massif » du projet Linky en France visait à équiper 90% des consommateurs résidentiels d’électricité de ces compteurs communicants à fin 2021.
La fin de la phase de déploiement massif « ne signifie pas la fin du déploiement de Linky », puisque des installations doivent encore se poursuivre d’ici à fin 2024 pour les 10% de consommateurs d’électricité non encore équipés de compteurs Linky. Durant cette phase dite de déploiement « diffus », il est prévu de poser environ 850 000 compteurs Linky par an (contre près de 8 millions au plus fort des installations).
Outre le respect des délais de déploiement, la CRE souligne des coûts d’investissement « inférieurs d’environ 15% par rapport au plan d’affaire initial » (l’investissement final du projet Linky est ramené à 4 milliards d’euros, soit une économie de 700 millions d'euros par rapport au budget initial du projet.) et un système de relève à distance performant (« plus de 98% de télérelevés journaliers réussis depuis 2018 »).
À ce titre, la CRE qualifie le déploiement de Linky de « grand succès industriel pour notre pays ». Il reste certes des « points problématiques » : « 0,7% des compteurs sont non communicants depuis plus de 2 mois (0,4% depuis plus de 6 mois) », note ainsi la CRE qui souligne également que « la transmission des courbes de charges est à ce stade en deçà des attentes de utilisateurs ».
La Commission rappelle que les coûts de déploiement de Linky doivent être compensés par les gains attendus(1) en phase d'exploitation (principalement grâce à la fin de la relève « physique » des index de consommations par un agent d'Enedis et grâce à sa substitution par la relève à distance dite « télérelève ») : « cet équilibre à l’échelle du distributeur (Enedis) dont les charges sont couvertes par le TURPE, permet d’assurer une neutralité financière du projet pour le consommateur, sur l’ensemble de la durée de vie des compteurs ».
Toutefois, pour la Cour des comptes, "les gains que les compteurs peuvent apporter aux consommateurs sont encore insuffisants. Ce sont pourtant eux qui justifient l'importance de l'investissement réalisé". Plus spécifiquement, elle juge qu'il faut améliorer "les moyens mis en place pour permettre à l'usager de connaître sa consommation détaillée, préalable à toute action de maîtrise de la demande d'énergie".
Or le compteur ne fournit directement que très peu d'informations et seuls les ménages précaires peuvent bénéficier d'un affichage déporté dans le lieu de vie sans surcoût, leur permettant de suivre leur consommation, et donc potentiellement de l'optimiser. La Cour réclamait "que l'État pilote effectivement les actions permettant de valoriser les contributions de Linky à la maîtrise de la demande d'énergie, en commençant par une meilleure information des usagers sur leur consommation".
La CRE a toutefois " vérifié et confirmé que le coût total du projet sera inférieur au budget initial et que les économies de charges prévues seront bien au rendez-vous et donc incluse dans le tarif", a indiqué Mme Wargon. "Les économies associées au déploiement du compteur évolué Linky compensent les coûts d'investissement du projet", estime une nouvelle fois la CRE. Elle rappelle avoir mis en place une "tarification différée" pour que les coûts "soient répercutés dans les tarifs en même temps que les bénéfices". Linky est en effet censé permettre des économies pour le gestionnaire du réseau de distribution, Enedis, qui peut relever les compteurs et même effectuer certaines opérations à distance, ainsi que limiter les erreurs ou la fraude.
Les coûts réseaux, qui représentent déjà environ 30% de la facture, devraient continuer à augmenter, mais Enedis parle d'une "augmentation maîtrisée dans la durée, inférieure ou limitée à l'inflation".
Impossible de refuser l'installation du compteur Linky
Le déploiement de Linky (comme des compteurs intelligents de gaz Gazpaz) est prévu par la loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015.
En s'opposant à la pose des compteurs Linky, vous prenez le risque de vous opposer à l'exécution d'une mission de service public. En outre le compteur d'électricité appartient aux collectivités locales et non au particulier.
Imbroglio juridique
Toutefois la justice a été saisie à de nombreuses reprises par des personnes qui ne veulent pas du compteur, et elle leur a parfois donné raison. Le tribunal de grande instance de Tours a demandé le retrait pour raisons médicales du compteur Linky chez 13 particuliers qui l'avaient saisi.
Comme d'autres avant lui, ce jugement montrait que deux logiques distinctes cohabitent : la logique juridique et la logique scientifique. En clair, le fait que le tribunal demande le retrait de Linky ne veut pas dire qu'un supposé danger du compteur soit prouvé du point de vue scientifique.
Pour la CRE, les consommateurs réfractaires à Linky devront payer
Sur les consommateurs non équipés de compteurs Linky, la CRE évoque des raisons diverses : « difficultés de contact, problèmes techniques, refus explicite, etc. ».
À partir de 2025, les utilisateurs qui ne seront toujours pas équipés de compteurs Linky (dont Enedis estime le nombre à environ 1,2 million de consommateurs) le seront « par choix délibéré (sauf cas isolés liés à une impossibilité technique) », anticipe la CRE. La Commission de régulation de l'énergie estime à ce titre « qu’il convient de leur facturer le coût de la relève résiduelle, qu’ils transmettent ou non des autorelevés ». Cette facturation pourrait s'élever à « environ 5,33 €/mois (soit environ 64 €/an) » et ne concernerait pas les utilisateurs non équipés d'un compteur Linky pour des raisons techniques, propose la CRE(2).