
Les oppositions au compteur Linky, notamment liées à la protection des données, se sont progressivement apaisés depuis son déploiement « de masse ». (©Agnes Janin)
Les compteurs électriques mesurent l’énergie électrique consommée par un logement et fournissent à chaque client ses indices de consommation.
Le compteur Linky, dit « communicant » ou « évolué », permet en plus de communiquer et recevoir des ordres à distance du fournisseur d'énergie, via le gestionnaire de réseau Enedis. Première application des smart grids, la généralisation de ces compteurs de couleur vert anis en France a commencé en décembre 2015.
Combien de compteurs Linky déployés ?
Le déploiement « de masse » des compteurs Linky, assuré par le gestionnaire du réseau de distribution (principalement Enedis, et non par le fournisseur historique EDF comme le pensent à tort certains usagers), a été effectué sur la période 2016-2021 pour un coût de 4,6 milliards d'euros (à fin 2021, 34 millions de ces compteurs communicants avaient déjà été installés).
Au 31 août 2024, 37,3 millions d’utilisateurs étaient équipés d’un compteur Linky sur le territoire d’Enedis, selon les dernières données de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Près de 2,1 millions d’utilisateurs étaient toujours équipés d’un compteur ancienne génération (toujours sur le périmètre Enedis) à cette date.
À ceux-ci s'ajoutent les ménages situés dans les zones hors périmètre Enedis, desservies par des entreprises locales de distribution (ELD), par exemple à Strasbourg, où le déploiement des compteurs Linky n'est pas achevé.
Pénalités pour les consommateurs réfractaires
Les ménages non équipés de compteur Linky sur le périmètre Enedis engendrent « des coûts particuliers (système d’information, relève à pied, contrôle, contact client supplémentaire) ». La CRE évoque des raisons diverses à cet absence d'équipement : « difficultés de contact, problèmes techniques, refus explicite, etc. ».
La Commission de régulation de l'énergie estime à ce titre que les « qu’il convient de facturer le coût de la relève résiduelle, qu’ils transmettent ou non des autorelevés » aux utilisateurs qui ne sont toujours pas équipés de compteurs Linky « par choix délibéré (sauf cas isolés liés à une impossibilité technique) »(1).
La CRE prévoit ainsi, à compter du 1er août 2025, que :
- les utilisateurs non équipés d’un compteur Linky, à l’exception des impossibilités techniques du fait d’Enedis, seront redevables d’un terme tarifaire permettant de couvrir les coûts engendrés, soit 6,48 € hors taxes tous les deux mois (soit 38,88 € HT/an) ;
- pour les clients sans compteur évolué qui ne communiquent pas leurs index ou ne prennent pas de rendez-vous de relève, ce montant sera majoré d'une facturation de 4,14 € hors taxes supplémentaires tous les deux mois, pour couvrir les coûts additionnels (soit une majoration de 24,84 € HT/an et une pénalité totale de 63,72 € HT/an).
Ces montants suivront par la suite « les évolutions tarifaires annuelles », précise la CRE.
Comment fonctionne le compteur Linky ?
Les compteurs « communicants » Linky sont connectés à distance avec le système d’information du gestionnaire du réseau de distribution (Enedis sur la très grande majorité du territoire ou une ELD) par courant porteur en ligne (CPL) et par les réseaux téléphoniques.
Ledit gestionnaire du réseau de distribution collecte ainsi les données de consommation électrique à chaque demi-heure. Un petit écran digital permet de lire davantage d'informations par rapport aux anciens compteurs électromagnétiques.

©Enedis
Facturation au réel
Les compteurs Linky transmettent quotidiennement les données de consommation électrique au gestionnaire du réseau de distribution (Enedis ou ELD).
Ces informations permettent une facturation par le fournisseur sur la base de consommations réelles, sans déplacement d'un technicien d'Enedis pour un relevé à domicile (et plus à partir d’une estimation nécessitant une régularisation ultérieure). Enedis peut transmettre aux fournisseurs d’énergie les « index réels » de consommation de leurs clients de façon régulière.
Un index est une donnée de consommation à une date précise. On parle d’index « réel » pour désigner le chiffre lu sur un compteur (et d’index « intermédiaire » lorsque ce chiffre est estimé par le fournisseur en fonction des consommations passées).
Suivi des consommations en ligne
Les consommateurs ont eux-mêmes accès sur internet aux informations récoltées par Enedis et sont ainsi davantage sensibilisés à la consommation associée à leurs usages. Ils ne peuvent toutefois pas les consulter en détail directement sur leurs compteurs. Seuls l’appel de puissance en direct et l’appel de puissance maximal atteint dans la journée s’y affichent.

Les économies d'énergie liées à la possibilité de suivre ses consommations font par ailleurs l'objet d'estimations variables, « de quelques pourcents jusqu’à 10% pour les plus gros consommateurs » selon l’Ademe qui rappelle que ces économies dépendent « fortement » des conditions d’accompagnement. Les évaluations dans d'autres pays présentent des résultats limités, selon l'Académie des technologies (1% à 2% d'économies en Finlande, 1% à 3% d'économies en Suède).
Les compteurs Linky doivent à plus long terme permettre de lisser les pics de consommation et les coûts associés pour le système électrique, notamment par l’identification des surconsommations.
Télé-opérations à distance
Avec un compteur Linky, le déplacement d'un technicien n'est plus nécessaire pour changer de puissance, mettre en service son compteur quand on emménage ou encore pour passer à une tarification en heures pleines / heures creuses.
Tout se fait à distance, généralement sous un jour ouvré, et le prix des interventions a chuté (il est gratuit pour un changement d'option tarifaire et s'élève à 4,21 € pour un changement de puissance sur le périmètre Enedis pour un client muni d'un compteur Linky, contre 42,81 € sans compteur Linky selon Selectra(2)).
Détection de pannes
Les compteurs Linky permettent une identification immédiate des pannes grâce à la transmission en temps réel des données et de la localisation, réduisant ainsi le temps de diagnostic et d'intervention. Ils alertent automatiquement les gestionnaires de réseau en cas d'anomalie, facilitant une réparation plus rapide.
Enedis s'engage désormais à rétablir 90% des clients en 48 heures en cas d'incident climatique majeur sur le réseau.
Développement de l'autoconsommation
Les compteurs Linky favorisent l'autoconsommation en permettant aux utilisateurs de suivre en temps réel leur production et consommation d'énergie, optimisant ainsi l'utilisation de l'énergie produite localement.
Ils intègrent facilement les systèmes de production d'énergie renouvelable, tels que les panneaux solaires, en ajustant automatiquement la consommation en fonction de la production. Le compteur facilite ainsi l'autoconsommation car il mesure les flux d'énergie « dans les deux sens » (électricité reçue du réseau et injectée vers celui-ci).
Contribuant plus globalement à une gestion plus intelligente des réseaux (smart grids), le compteur communicant est jugé « essentiel pour la réussite de la transition énergétique » par l'Académie des technologies.
Les critiques... et les faits
Les détracteurs du compteur Linky remettent en cause la réalité de ses bienfaits, notamment les gains espérés en matière d'économies (avec une baisse des consommations d'électricité). D'autres s'inquiètent des possibles risques pour la santé liés aux ondes électromagnétiques émises par le compteur, des particuliers ayant même fait appel à la justice pour obtenir le retrait ou la non-installation du compteur.
Les associations de consommateurs ont surtout fait état de plaintes au sujet de problèmes plus concrets : coffrage électrique qui ne ferme plus, compteur qui disjoncte plus souvent, appareils électroménagers qui ne fonctionnement plus correctement, incendies pour cause de pose pas faite dans les normes...
Si les oppositions à la pose de compteurs Linky ont été par périodes fortement médiatisées, la CRE souligne que « les interventions de pose se sont globalement bien déroulées avec un taux de réintervention très faible (inférieur de 1%) et un taux de réclamations stable autour de 0,7% ».
Alors qu'il a suscité des inquiétudes sur le respect de la vie privée ou l'exposition aux champs électromagnétiques, qui se sont parfois traduites par des contentieux, les clients apprécient désormais le fait de tout pouvoir faire à distance et de ne plus avoir à se rendre disponibles pour les relèves des compteurs à leurs domiciles, souligne Enedis.
Données personnelles et respect de la vie privée
Le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité collecte par défaut les données de consommation journalières (consommation globale du foyer sur une journée). Les données de consommation fines (horaires et/ou à la demi-heure) ne peuvent être collectées « qu'avec l'accord de l'usager » ou de manière ponctuelle pour des « missions de service public ». De plus, le consentement de l'abonné doit être « libre, spécifique, éclairé et univoque », conformément au Règlement général européen sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en mai 2018.
Enedis souligne que les fournisseurs d’électricité n'ont accès qu’à « une donnée mensuelle pour la facturation » et qu'ils doivent recevoir « un consentement clair et éclairé » des consommateurs pour accéder à des données plus précises. Tout consommateur peut consulter sur un espace en ligne ses consommations et « refuser l’enregistrement par Enedis de sa consommation horaire ». Il a ainsi la possibilité de « contrôler très strictement et très facilement via Internet, les données liées à sa vie personnelle et en interdire l’utilisation ou la dissémination », souligne l'Académie des technologies.
Il est à ce titre recommandé de mieux prendre en compte la situation des consommateurs qui n’utilisent pas Internet. « Pour leur faciliter le contrôle de leurs données et l’utilisation des fonctionnalités de Linky : ils devraient par défaut ne pas voir leurs données archivées et un affichage déporté dans leur domicile devrait leur être fourni gratuitement », recommande l'Académie des technologies.
Contrairement à une crainte émise par certains opposants, le compteur Linky seul « n'accède pas aux équipements situés au-delà du compteur ». Un module additionnel dit « ERL » (émetteur radio Linky) doit être ajouté à la demande du client pour disposer d'informations plus détaillées par équipements, ce qui permet de souscrire des services plus « sophistiqués » auprès de son fournisseur : pilotage d'équipements en fonction du « tarif du moment », effacements de consommation en contrepartie d'un avantage tarifaire, etc.
Les données de consommation relevées par Linky peuvent toutefois donner des informations sur la vie privée des occupants du logement, telles que les heures de lever et de coucher, les périodes d'absence ou encore le nombre de personnes présentes. « Il est donc essentiel que les clients puissent garder la maîtrise de leurs données », souligne la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) qui veille au respect de ces règles(3).
Ondes émises
Les compteurs Linky échangent des informations avec un concentrateur situé dans les transformateurs de quartier grâce au courant porteur en ligne (CPL), le long des câbles électriques. Ils ne sont pas des émetteurs radioélectriques, mais créent dans leur voisinage un champ électromagnétique comme n'importe quel appareil électrique.
L'agence nationale des fréquences (ANFR) a mené des études sur l'exposition aux ondes. Elle avait conclu que « la transmission des signaux CPL (c'est-à-dire grâce aux courants porteurs en ligne) utilisés par le Linky ne conduit pas à une augmentation significative du niveau de champ électromagnétique ambiant ». Concrètement, le nouveau compteur ne génèrerait pas plus d'ondes qu'une ampoule électrique.
« L'exposition spécifique liée à l'usage du CPL apparaît très faible et les transmissions sont brèves : moins d'une minute chaque nuit pour la collecte des informations de consommation et des impulsions périodiques de surveillance du réseau, d'une durée de l'ordre d'un dixième de seconde » selon l'ANFR.
Les niveaux de champs électriques sont à un niveau comparable à un compteur classique hors communications CPL, et s'ils augmentent légèrement lorsque Linky transmet ses informations, ils n'atteignent alors que 1,1 volt par mètre (V/m) à 20 cm, quand la valeur limite réglementaire est de 87 V/m. Quant aux niveaux de champs magnétiques mesurés en émission CPL, ils sont 700 fois plus faibles que la valeur limite, a constaté l'ANFR, qui ajoute que « ces faibles niveaux d'exposition diminuent très vite dès qu'on s'éloigne du compteur et deviennent difficilement mesurables [...]La transmission CPL n'accroît (...) pas significativement le niveau de champ électromagnétique ambiant », conclut l'Agence(4).
L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pour sa part jugé en décembre 2016 « très faible » la probabilité que ces compteurs puissent avoir des effets nocifs. En 2017, à la suite de nouvelles mesures, elle n'avait pas changé ses conclusions : « les mesures que nous avons relevées dans les logements sont venues confirmer celles réalisées en laboratoire, avec un (champ) électromagnétique faible, presque du même ordre que celui des anciens compteurs et qui correspond aux objets électriques du quotidien ».
Impossible de refuser l'installation du compteur Linky
Le déploiement de Linky (comme des compteurs intelligents de gaz Gazpaz) est prévu par la loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015.
En s'opposant à la pose des compteurs Linky, les ménages s'opposent à l'exécution d'une mission de service public. Comme indiqué précédemment, une partie de ces ménages seront sanctionnés financièrement à partir d'août 2025 pour la non-installation d'un compteur Linky à leur domicile. Précisons que les compteurs d'électricité appartient aux collectivités locales et non aux consommateurs.
Recours en justice
La justice a été saisie à de nombreuses reprises par des personnes ne souhaitant pas du compteur Linky, et elle leur a parfois donné raison (en août 2019, le tribunal de grande instance de Tours a demandé le retrait pour raisons médicales du compteur Linky chez 13 particuliers qui l'avaient saisi).
Comme d'autres avant lui, ce jugement montrait que deux logiques distinctes cohabitent : la logique juridique et la logique scientifique. En clair, le fait que le tribunal demande le retrait de Linky ne veut pas dire qu'un supposé danger du compteur soit prouvé du point de vue scientifique.
Un agent d'Enedis jugé pour fraude
Un ancien salarié du gestionnaire d'Enedis sera jugé en mai 2025 pour « escroquerie », après avoir trafiqué des centaines de compteurs Linky : il est accusé d'avoir effectué des dérivations clandestines sur des compteurs de particuliers, d'entreprises ou de commerces en Gironde, « engendrant une chute de 80 à 90% de la consommation électrique détectée » (avec un préjudice pour le gestionnaire de réseau estimé à plus de 1,1 million d'euros).
Coût du déploiement de Linky
Jugement de la CRE
Imposé par Bruxelles pour faciliter une tarification différencié en fonction de la consommation, améliorer la concurrence et favoriser les économies d'énergie, le coût de l'installation du boîtier a suscité des critiques en 2018 par la Cour des comptes qui jugeait les gains pour le consommateur insuffisants.
La fin de la phase de déploiement massif « ne signifie pas la fin du déploiement de Linky », puisque des installations doivent encore se poursuivre pour les consommateurs d’électricité non encore équipés de compteurs Linky. Durant cette phase dite de déploiement « diffus », il est prévu de poser environ 850 000 compteurs Linky par an (contre près de 8 millions au plus fort des installations).
Outre le respect des délais de déploiement, la CRE souligne des coûts d’investissement « inférieurs d’environ 15% par rapport au plan d’affaire initial » (l’investissement final du projet Linky est ramené à 4 milliards d’euros, soit une économie de 700 millions d'euros par rapport au budget initial du projet) et un système de relève à distance performant (« plus de 98% de télérelevés journaliers réussis depuis 2018 »). À ce titre, la CRE qualifie le déploiement de Linky de « grand succès industriel pour notre pays »(5).
Évaluation de la Cour des comptes de novembre 2024
Dans un rapport de « contrôle de suite sur le déploiement et l'utilisation des compteurs Linky » publié en novembre 2024, la Cour des comptes appelle toutefois l’État à « rester attentif au suivi du programme, notamment en ce qui concerne le déploiement des compteurs communicants par les entreprises locales de distribution et son complet achèvement pour le parc d’Enedis »(6).
La Cour des comptes indique un coût des différentes phases de déploiement de Linky (entre 2016 et 2021) de 4,6 milliards d'euros, soit 18% de moins que la prévision initiale. Cette baisse est notamment due à « des économies constatées au titre des conditions d’achat et de pose des compteurs, à hauteur de 880 M€ ».
La Cour souligne par ailleurs le « caractère généreux des conditions financières accordées à Enedis ». « Les modalités de financement du programme, assises notamment sur un taux de rémunération de base élevé et garanti jusqu’en 2041, dérogent à la rémunération habituelle des actifs régulés d’Enedis. Elles lui confèrent une rémunération additionnelle au regard des règles habituelles, évaluée par la Cour à 311 M€ pour la période 2016-2023. Sans remettre en cause les dispositions régulatoires arrêtées en 2014, la CRE devra s’assurer que ces gains perçus par Enedis du fait du régime spécifique de rémunération des actifs Linky seront employés au financement de son programme d’investissement dans les réseaux », indique la Cour.
Le déploiement des compteurs #Linky, confié à Enedis, a été conduit avec succès dans les délais et à un coût inférieur aux prévisions. Les gains d’efficacité ne sont toutefois pas encore à la hauteur des prévisions initiales.
Lire le rapport 👉 https://t.co/oGotyIjGI9pic.twitter.com/DGiB2Kwj57— Cour des comptes (@Courdescomptes) November 29, 2024