Pour capter au mieux le rayonnement solaire, c’est à sa rencontre que pourrait aller le photovoltaïque… (©photo)
Le solaire photovoltaïque pâtit de la couche nuageuse qui empêche ses installations de fonctionner à leur puissance maximale. Pour s’affranchir de cette contrainte, Jean-François Guillemoles, directeur de recherches au CNRS et du laboratoire NextPV, imagine d’aller chercher le rayonnement solaire jusque dans la stratosphère(1).
Pas de nuages dans la stratosphère…
A plusieurs kilomètres d’altitude, les nuages se font déjà rares et ils sont absents à 20 km d’altitude. Les rayons solaires arrivent en ligne droite dans ces zones sans ombres. La ressource énergétique est déjà estimée 4 fois plus importante à 6 km d’altitude (quelles que soient les latitudes) qu’au sol au Royaume-Uni selon des précédentes études(2). Le laboratoire franco-japonais NextPV qui associe le CNRS et l’Université de Tokyo réfléchit ainsi à exploiter l’énergie solaire au-delà des nuages à l’aide de cellules photovoltaïques fixés sur des ballons, captifs ou non.
Des projets de ballons stratosphériques existent déjà comme Stratobus de Thales (observation et télécommunications) ou Loon de Google (accès à Internet). L’atteinte de ces altitudes à des fins énergétiques peut davantage surprendre mais n’est techniquement pas irréalisable selon les chercheurs. Des éoliennes volantes sont déjà testées à des altitudes de quelques centaines de mètres pour y capter les vents forts et réguliers mais les ballons stratosphériques ont des aspirations bien plus élevées...
Ces ballons pourraient être constitués à partir de matériaux polymères dont la fabrication serait économe en énergie et ne représenterait pas de contraintes spécifiques selon le laboratoire NextPV. Ils fourniraient a priori de l’électricité via un câble les connectant au réseau électrique au sol (solution actuellement retenue pour un ballon captif dont l’altitude n’excéderait pas quelques kilomètres). De l’électricité pourrait être injectée sur ce réseau jour et nuit aux consommateurs situés quelques kilomètres plus bas grâce au recours au vecteur hydrogène.
En effet, une partie de l’électricité générée par les ballons photovoltaïques pendant la journée pourrait, grâce à une pile à combustible, être consacrée à la production d’hydrogène par électrolyse d’eau. Cet hydrogène serait stocké à l’intérieur du ballon et recombiné à de l’oxygène durant la nuit pour de restituer l’électricité. Outre l’intérêt de stockage de ce système (un ballon pourrait contenir l’équivalent d’une dizaine de jours de production d’électricité solaire selon les chercheurs du CNRS), il pourrait permettre de maintenir les ballons en altitude à faible coût.
Principe du ballon photovoltaïque (©Connaissance des Énergies)
Le problème de l’emprise au sol résolu ?
Dans le cadre de la COP21, le CNRS s’est interrogé sur le déploiement soutenable et massif de l’énergie solaire à grande échelle. Les besoins en électricité de la France pourraient en toute théorie être satisfaits par des champs photovoltaïques couvrant 1% du territoire national selon les chercheurs (sans tenir compte des installations de stockage nécessaires pour pallier l’intermittence de ce parc), ce qui équivaut approximativement à la surface des terres urbanisées en France. En définitive, de nouvelles approches comme celle des ballons stratosphériques semblent nécessaires pour dépasser la contrainte de l’emprise au sol.
La ferme solaire « en altitude » présente par ailleurs l’intérêt d’augmenter la production électrique à partir d'une même puissance installée : le facteur de charge d'un ballon photovoltaïque à 5/6 km d’altitude pourrait avoisiner 50% contre 14% dans le cas du parc photovoltaïque actuellement en service en France. Il est envisageable qu'un premier démonstrateur soit réalisé par le laboratoire NextPV dans les prochaines années. Il pourrait par exemple prendre, dans un premier temps, la forme d'un ballon de 30 m de rayon et d’une puissance d’un mégawatt(3).