- Source : Ifri
En mai 2014, la Russie a conclu avec la Chine l’accord de construction du gazoduc « Force de Sibérie » qui prévoit la fourniture de près de 38 milliards de m3 par an depuis la Sibérie orientale. Qualifié de « contrat du siècle », ce projet était censé contribuer au « grand tournant » vers l’Est souhaité par Moscou en matière de coopération énergétique. La Turquie devait constituer l’autre grand nouveau partenaire russe avec le projet de gazoduc Turkish Stream.
Dans cette étude publiée hier par le Centre Russie/NEI de l’Ifri, Vladimir Milov (ancien vice-ministre russe de l’énergie en 2002 et actuel président d’un think tank russe consacré à la politique énergétique) explique toutefois que ces « nouveaux partenariats » n’ont pas été à la hauteur des attentes russes à ce jour et ne constituent pas une alternative d’une ampleur comparable à la collaboration actuelle avec l’Europe comme le prétend Moscou.
Depuis mai 2014, aucun grand nouvel accord gazier n’a en effet été signé entre la Russie et la Chine. Les Chinois n’ont pas pris de participation dans d’importants actifs énergétiques russes (comme le champ pétrolier de Vankor en Sibérie orientale dont 10% était proposé à la vente au chinois CNPC), principalement en raison des parts mineures qui leur étaient proposées dans ces projets. Les banques chinoises n’ont par ailleurs pas accordé de prêts massifs pour financer des projets énergétiques russes comme Moscou l’espérait.
Dans les faits, Pékin privilégie actuellement son partenariat gazier avec le Turkménistan qui doit lui fournir 40 milliards de m3 en 2015 et 65 milliards de m3 en 2020. La capacité maximale de 38 milliards de m3 des livraisons russes pourrait quant à elle ne pas être atteinte avant 2031. Les modalités de financement de « Force de Sibérie » ne sont pas encore précisées et le projet n’aura qu’une visée locale, à savoir l’approvisionnement de trois provinces du nord-est de la Chine, aujourd’hui non connectées à un réseau gazier (et consommatrices de charbon). Les autres projets majeurs auxquels Moscou souhaitait associer la Chine (Vladivostok LNG, augmentation des livraisons de gaz par « Force de Sibérie », projet de gazoduc de l’Altaï à l’ouest) n’ont pas abouti à ce jour.
Côté turc, c’est le projet de gazoduc Turkish Stream qui suscitait les espoirs russes après avoir remplacé celui de South Stream en décembre 2014 (avec une capacité prévue similaire de 63 milliards de m3 par an). Il doit permettre de se substituer au transit du gaz via l’Ukraine qui est censé prendre fin en 2019 selon les déclarations de Gazprom. Les pays consommateurs de gaz d’Europe centrale et du Sud-Est ne montrent toutefois pas de signes encourageants pour connecter leurs réseaux à Turkish Stream et la capacité du gazoduc pourrait in fine être réduite de moitié selon les observateurs. En définitive, l’Europe reste pour l’heure, malgré les tensions, le partenaire énergétique majeur de la Russie.