La Chine, à la conquête du marché des véhicules électriques

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Voitures électriques en Chine

Le groupe BYD est le premier constructeur de voitures électriques particulières sur le marché chinois, avec plus de 90 000 modèles vendus sur les 7 premiers mois de 2018. (©BYD)

Les véhicules électriques vont occuper une place centrale lors du Mondial de l’Automobile à Paris qui ouvre ses portes au grand public du 4 au 14 octobre(1). Sur ce marché, la Chine entend « doubler ses concurrents en coupant le virage », comme le rappelle une note de France Stratégie publiée le 28 septembre(2).

Des ventes comptant pour la moitié du marché mondial

En 2017, près de 601 700 voitures particulières « électriques » (principalement des modèles à batterie(3)) ont été vendues en Chine, ce qui correspond à près de la moitié du marché mondial. En ajoutant les bus et utilitaires légers (VUL), les ventes de véhicules électriques dans l’empire du Milieu ont avoisiné 800 000 unités l’an dernier, sans compter les près de 30 millions de deux-roues électriques vendus sur cette période.

Disposant d’un marché intérieur gigantesque, le gouvernement chinois a fixé des objectifs particulièrement ambitieux pour les prochaines années : plus de 2 millions de véhicules électriques vendus sur son territoire en 2020 (en incluant bus et VUL), plus de 7 millions en 2025 et environ 16 millions en 2030 (soit près de 40% du marché des véhicules neufs à cet horizon selon les prévisions chinoises).

Mobilité électrique en Chine
Lors des sept premiers mois de 2018, les ventes de voitures particulières électriques en Chine ont doublé par rapport à la même période en 2017. (©Connaissance des Énergies, d’après France Stratégie)

Une ambition industrielle : un « saut-de-mouton technologique »

Bien que l’argument environnemental soit souvent évoqué dans le cadre de la lutte contre la pollution de l’air, France Stratégie souligne que le développement des voitures électriques en Chine répond avant tout à une ambition industrielle. La mobilité électrique remet tous les constructeurs mondiaux (y compris les acteurs « historiques » - américains et européens - du marché automobile) « sur un pied d’égalité » et Pékin mise sur un « raccourci technologique, en faisant l’impasse sur le véhicule thermique ».

La Chine voit également dans le développement des véhicules électriques une opportunité pour « réduire sa dépendance énergétique ». Pour rappel, la Chine est devenue le premier importateur mondial de pétrole brut devant les États-Unis et près de 55% de sa consommation pétrolière en 2017 était absorbée par son parc automobile. Selon France Stratégie, le véhicule électrique restera toutefois, « aussi spectaculaire que soit son essor, […] fortement minoritaire (à l’horizon 2030) et son impact modéré » sur les importations chinoises de pétrole.

D’un point de vue environnemental, notons d’ailleurs que le véhicule électrique « ne permet pas en Chine aujourd’hui de diminuer les émissions de gaz à effet de serre » du premier émetteur mondial, compte tenu de la part majoritaire du charbon dans la production nationale d’électricité(4). Il est d’ailleurs rappelé dans la note de France Stratégie que la stratégie chinoise de développement des véhicules électriques est portée par le ministère en charge de l’industrie et non pas par le ministère de l’écologie et de l’environnement.

Une nouvelle stratégie à déployer dans les deux prochaines années

La Chine « n’a pas ménagé ses efforts » dans l’optique de devenir le leader mondial de la mobilité électrique : une « panoplie d’outils économiques » a été mise en place pour faciliter l’essor des véhicules à batterie (et dans une moindre mesure des voitures hybrides rechargeables), à commencer par des subventions à l’achat(5) (dépendant entre autres de l’autonomie des modèles).

Ces subventions coûteuses devraient disparaître aux environs de 2020, avec l’entrée en vigueur de « quotas de production » de véhicules électriques imposés à tous les constructeurs en Chine dès 2019(6). Avec ce changement de stratégie, « les incitations qui ciblaient auparavant les acheteurs cibleront désormais les constructeurs », résume France Stratégie.

D’autres mesures indirectes ont été déployées pour inciter à l’acquisition de véhicules électriques : modulation avantageuse de la fiscalité sur l’immatriculation de voitures électriques, voies réservées, absence de restriction de circulation, tarifs réduits pour le stationnement, etc.

Sur le territoire chinois, le gouvernement a par ailleurs accéléré la mise en place de bornes de recharge en libre-service(7) qui constituent encore « le talon d’Achille de la mobilité électrique » selon France Stratégie. Leur nombre avoisinait 280 000 unités à fin août 2018, ce qui correspondait déjà à une borne pour huit véhicules électriques (auxquelles s’ajoutaient 365 000 bornes de recharge privées). Pékin entend porter à 4,8 millions ce nombre de bornes de recharge en libre-service (en ville et le long des routes) à l’horizon 2020(8).

Des acteurs chinois prêts à se lancer « à l’assaut du marché mondial »

Signe des efforts de Pékin pour faire émerger des champions nationaux, France Stratégie rappelle que les onze premiers constructeurs vendant le plus de voitures électriques en Chine (au regard des ventes sur les sept premiers mois de 2018) sont chinois. Aux premiers rangs figurent BYD, BAYD et BAIC, loin devant Tesla et BMW, premiers constructeurs étrangers en Chine(8).

En ce qui concerne les batteries, « facteur clé de la guerre industrielle », les constructeurs chinois ont « mis les bouchées doubles pour combler leur retard » sur les acteurs japonais (Panasonic) et sud-coréens (LG, Samsung), tout en bénéficiant de « l’interventionnisme agressif de leur gouvernement » et du contrôle sur l’approvisionnement en métaux rares (notamment en cobalt). En 2017, le groupe chinois CATL est ainsi devenu le premier fabricant mondial de batteries pour automobiles devant Panasonic.

France Stratégie souligne par ailleurs la création de nombreuses start-up chinoises, souvent issues du secteur numérique, ambitionnant de devenir les « Tesla de demain ». Parmi celles-ci figure NIO qui a livré sa première voiture commerciale en juin 2018 (« ES83 », moitié moins chère que le modèle X de Tesla).

La Chine a ainsi réussi en dix ans « à créer un écosystème d’acteurs nationaux couvrant l’ensemble de la chaîne de fabrication et d’utilisation des véhicules électriques ». Malgré l’inconnue que constitue la résistance du véhicule thermique, France Stratégie voit dans « ce basculement de la Chine » une dynamique susceptible d’accélérer « la conversion du reste du monde à la mobilité électrique ». 

Sources / Notes
  1. Les professionnels se retrouvent également sur le salon les 2 et 3 octobre. Site du Mondial de l'Automobile.
  2. Note d’analyse « L’avenir de la voiture électrique se joue-t-il en Chine ? », Jincheng Ni, septembre 2018.
  3. Dans ses statistiques sur les véhicules électriques, la Chine comptabilise les modèles 100% électriques à batterie, les modèles hybrides rechargeables et les voitures à hydrogène (très minoritaires). Les véhicules à batterie constituent les trois quarts des ventes de voitures particulières électriques au premier semestre 2018, contre un quart pour les véhicules hybrides rechargeables.
  4. 60,5% du mix électrique.
  5. Réservées jusqu’en 2017 aux modèles chinois.
  6. Un double système de quotas, qualifié parfois de « double score », est imposé aux constructeurs automobiles : un objectif de production de véhicules électriques (10% des véhicules produits en 2019, 12% en 2020) et un objectif de consommation de carburant.
  7. Les coûts des bornes de recharge sont passés de 27 centimes d’euros par watt à fin 2014 à 8 centimes d’euro par watt à fin 2017 selon France Stratégie.
  8. Ce qui pourrait correspondre à une borne par voiture électrique en circulation.
  9. Avec des parts de 2,4% et 2,1% sur les sept premiers mois de 2018.

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